A l’heure de se pencher sur leurs carrières, nombres de joueurs, peu importe le statut, le palmarès ou le rôle occupé, finissent par évoquer un voire deux noms qui résonnent plus fort que le reste. Les ”Vets”, ces vétérans qui, pour différentes raisons, choisissent de prendre sous leurs ailes un ou plusieurs joueurs d'une autre génération. Certains en sont capables, d'autres moins, mais quand la barrière de l’ego se casse pour laisser place à la transmission d'une expérience précieuse, ça fait parfois décoller des carrières, changer des destins.
Arriver en NBA, particulièrement pour les plus gros prospects, c'est souvent un saut dans un monde d’exposition et de démesure, à encore 2 voire 3 ans de la majorité nationale pour certains. Le changement de statut, de vie, d’entourage et la pression sur les épaules doit être inimaginable et avoir un autre joueur, parfois de plus de 10 ans son aîné, peut contribuer à garder cette tête là sur ces mêmes épaules. Alors évidemment, tous les jeunes hommes arrivant dans la ligue ont aussi leur tempérament, leurs histoires et une motivation (ou non) qui leurs sont propres. Mais avoir un joueur ou plusieurs joueurs sur qui prendre exemple, à même de vous guider, peut éviter certaines erreurs et accélérer une acclimatation brutale mais nécessaire à la vie d’un joueur NBA.
Vétérans, une présence salvatrice
Un des exemples que l'histoire récente nous offre sont les débuts en carrière de Zion Williamson et Ja Morant, respectivement 1er et 2ème choix de la draft 2019. Même si les deux joueurs sont de un, encore jeunes, et de deux extrêmement talentueux, leurs débuts de parcours reflètent sûrement l’absence d’un profil capable de les épauler. Williamson a pour sa part toujours eu un souci avec son poids, entraînant diverses blessures et l’empêchant de montrer son plein potentiel sur une longue période. Les rapports sur ses commandes de malbouffe dans ses chambres d’hôtel, ou encore l’actrice porno Moriah Mills dévoilant la vie privée du joueur après avoir découvert qu'il la trompait, Zion à malheureusement trop souvent fait la une pour autre chose que du basket. A son arrivée dans la ligue, Zion n’avait qu'un seul coéquipier au-delà des 30 ans : JJ Reddick. Un esprit basket remarquable mais pas forcément le profil de vétéran à aboyer en voyant les reçus du numéro de chambre de Zion à la sortie de l’hôtel. Pour le reste l’effectif était très jeune, articulé autour du trio Ingram Ball Williamson. Jrue Holiday était là, mais il n’avait pas encore 30 ans et n’était pas encore champion NBA à l’époque. L’autre néo-joueur NBA de l’effectif cette année-là, le 8eme choix de draft Jackson Hayes, a d’ailleurs fini par être empêtré dans un scandale de violence conjugale, pour lequel il a échappé de peu à la case prison…
Ja Morant lui avait échappé aux blessures avant cette saison, mais avait également fait la une pour des raisons bien plus tristes (et bêtes) que ses performances. En 2023, il avait frappé plus de 10 fois au visage un jeune de 17 ans lors d'un match de vacances se déroulant chez lui, avant de rentrer dans sa maison pour ressortir avec une arme à feu. Même si le meneur des Grizzlies avait finalement évité les ennuis avec la justice à la suite de cette altercation, Adam Silver n’avait pas franchement apprécié la pub. Il avait ensuite été suspendu 8 matchs pour avoir été vu en possession d'une arme à feu, avant de réitérer, en live sur Instagram, forçant la NBA à sévir et le suspendre pour 25 matchs. Finalement vite blessé après son retour, il a passé une saison quasi blanche. Arrivé en 2019 comme Williamson donc, Morant lui aussi a débarqué dans un effectif très jeune, ou le ”vétéran” était Jae Crowder, 29 ans à l’époque. Dans l’effectif beaucoup de jeunes donc et quelques têtes brûlées, avec Morant donc, mais aussi Dillon Brooks ou Grayson Allen par exemple.
Pour faire un parallèle rapide, Anthony Edwards, une sacré personnalité et un sacré égo, n’a cessé de progresser sans jamais faire parler de lui autrement que par le basket, si ce n’est la théorie comme quoi il serait le rejeton caché de Michael Jordan. Il est arrivé dans la ligue dans le froid du Minnesota, et depuis son arrivée, à partager le terrain et le vestiaire avec Patrick Beverley, Mike Conley, Kyle Anderson, Rudy Gobert ou même Karl Towns, plus jeune que les autres mais lui aussi ancien top prospect qui a son arrivée dans la ligue en a appris les joutes aux côtés de Kevin Garnett. Des profils de vétéran professionnel et expérimenté, très important dans le développement d’aussi jeunes joueurs.
CP3-Wemby, mariage parfait
A l’heure où Victor Wembanyama est en train de prendre le pouvoir en équipe de France et en NBA, San Antonio réalise un mouvement passé légèrement sous les radars, mais loin d’être anodin. CP3 débarque au Texas. Le meneur y pose ses valises après une saison relativement anecdotique en sortie de banc du côté de Golden State. Si les concurrents au titre étaient une nouvelle fois intéressés par ses services pour parachever les effectifs qui partiront en bataille lors des prochains playoff, le vétéran a choisi un scénario où il pourra encore, à 39 ans, avoir une contribution sportive importante. A l’époque où beaucoup de stars vieillissantes chassent les bagues, c’est tout à son honneur, lui qui n’en a toujours pas gagné.
Mais cette absence de bague, distinction absolue pour mesurer et comparer l’héritage que laissent les légendes du sport, détourne de l’essentiel lorsque l'on parle de CP3. CP3 est un gagnant, un vrai.
L’intégralité des équipes ayant compté Paul dans leur rang ont amélioré significativement leurs bilan par rapport à avant son arrivée
Saison avant son arrivée : 1ere saison après son arrivée :
Hornets : 22% de victoire 46% de victoires
Clippers : 39% de victoires 60% de victoires
Rockets : 67% de victoires 79% de victoires
Thunder 59% de victoires 61% de victoires
Suns : 46% de victoires 70% de victoires
Warriors 53% de victoires. 56% de victoires
Chris Paul gagne donc, stats à l’appui. Vu le faible pourcentage de victoires affiché par San Antonio la saison passée, il est fort probable que CP3 fasse honneur à cette stat. Mais au-delà de ça, ce transfert est une aubaine pour Victor Wembanyama et nous, fans de basket français. Le fait de tomber dans une organisation cohérente et au pedigree aussi clinquant que celui des Spurs était évidemment une première étape importante (une pensée à Alex Sarr qui atterrit aux Wizards, une autre affaire). Mais malgré les Spurs et malgré Popovich, toute légende soit il, les joueurs, et principalement les autres jeunes de l’effectif, ont semblé avoir dû mal à exploiter le plein potentiel de l’alien français, individuellement comme collectivement.
L’arrivée de CP3 va très probablement permettre à tout ce beau monde d’apprendre à exploiter les qualités du meilleur joueur sur le parquet, et d’en tirer les bénéfices personnels et collectifs que cela peut engendrer. Parce que le procès de fait à CP3 sur son absence de bague est fait en oubliant presque que ce qui lui est demandé est quasiment de l’ordre de l’inédit. Rares sont les joueurs d'une si petite stature ayant mené leurs équipes au titre. CP3 est listé à 1m83, probablement moins d’1m80 sans chaussure. Allen Iverson a mené ses Sixers jusqu'en finale avant d’être balayé par Shaq et Kobe et de ne jamais retrouver ce niveau de compétition. Le seul exemple qui me vient peut-être en tête est Isiah Thomas (1m85) qui a mené les Bad Boys de Detroit au Graal. A une autre époque. Dans un autre style. Steph Curry, en plus d’être le meilleur tireur de tous les temps, met au moins 10 cm à celui avec qui il a partagé de nombreuses joutes passées.
Le débat sur CP3 et ses bagues, et donc sa place au Panthéon du sport, restera un débat. Mais il est aussi important de se rappeler l’impact énorme qu'il a eu sur nombre de carrières. David West n’a jamais autant marqué que lorsqu'il recevait les caviars du jeune meneur de ceux qui étaient encore les Hornets de New Orléans. C'est à ses côtés qu'il connaîtra ses deux uniques sélections au All Star Game. Deandre Jordan est l’actuel détenteur du meilleur pourcentage de tir en carrière de l’histoire de la NBA, avec un peu plus de 67%. S' il le doit aussi à ses qualités athlétiques hors normes, c’est surtout car il a reçu un nombre incalculable de passes (alley oop) de la part de son numéro 3. Il a été All star, membre de la première équipe All NBA et à même pris par (dans le 5 de départ) à la médaille d’or Olympique des USA en 2016. Encore une fois, il le doit aussi à ses qualités à lui, mais il n’aurait sûrement pas eu cette carrière si les Clippers n’était pas aller chercher Paul. L’autre membre de la Lob City Blake Griffin n’est pas en reste. Il a appris au côté de CP et s'est développé au fil du temps comme un superbe playmaker lui-même. Après avoir quitté Paul et les Clippers, il tournait à quasiment 6 passes décisives de moyenne à Detroit, où il portait l’attaque sur ses épaules avant que les blessures ne le rattrape. Un développement impressionnant quand on se rappelle le joueur unidimensionnel qu'il était à son arrivée dans la ligue. On pourrait aussi citer Devin Booker, qui a considérablement baissé son nombre de ballons perdu, augmenté son nombre de passes décisives, découvert les finales NBA et à gagné sa place dans la Dream Team version 2024 après avoir côtoyé Paul. Ou encore SGA, top 3 au MVP cette saison et nouvelle superstar de la ligue, qui a explosé, de ses dires, grâce à sa relation avec le meneur. On peut aussi noter que James Harden, dans sa ribambelle de saison légendaire, n’à jamais été aussi fort que lorsque que l'ancien de Wake forest l’accompagnait. C'est à ses côtés qu'il a été élu MVP, ou qu'il a atteint les finales de conférences par exemple.
CP3 ne travestit pas le jeu de ses coéquipiers. Au contraire. Il appuie sur leurs qualités et force les défenses à réagir, ouvrant des brèches pour lui et pour les autres joueurs de l’effectif. Son intelligence et sa volonté de transmettre colle parfaitement avec la personnalité de notre Wemby national. En érudit de l’histoire de son sport qu'il est, il saura apprécier et respecter ce que Paul pourra lui apprendre de ses 20 ans dans la plus grande ligue du monde. Le français semble être bien entouré, est au Spurs et va bénéficier des dernières années de Greg Popovich. Il lui manquait presque seulement cette présence là, au sein de son vestiaire, pour parachever la panoplie de l'environnement parfait. Un peu comme LeBron James en son temps, Wembanyama est déjà presque trop fort, c'est un paradoxe, et les grands de la ligue le voient autant comme un rookie que comme, déjà, un rival. Ce statut “empêche” sûrement aussi une relation de vétéran à débutant de se développer sainement. Catlin Clark, du côtés des femmes, à déjà dit ne pas recevoir de conseils des plus anciennes, bien qu’elle se réjouirait d'en recevoir.
Alors le timing de l’arrivée de CP3 est parfait pour le français. Parce que les Spurs ne seront pas champions l’année prochaine. Donc le meneur a aussi, sûrement, signé dans l’optique de partager sa science du basket avec Wemby. Pour Devin Vassel, Keldon Johnson ou encore Tre Jones aussi, l’impact peut être énorme. A eux de ne pas négliger ce qui sera probablement un one shot pour le meneur texan, au crépuscule de sa carrière.
Je sens qu’il va nous choquer l’Amérique Wemby
Je précise que "Par définition, un vétéran en NBA est un joueur qui a terminé son contrat rookie" (cf. Le glossaire Trashtalk)
Même si habituellement, on utilise ce terme pour désigner des joueurs plus expérimentés de NBA :)
Je m’endormirai moins bête