Luka Doncic va disputer ses premières finales NBA.
Une occasion de nous pencher un peu plus sur le cas d’un joueur qui semble destiné à ne pas rater son rendez-vous avec l’histoire. Ca fait bien longtemps que le monde du basket avait été prévenu de l’arrivée du prodige. C’était aussi la première fois qu’un joueur venant d’Europe, depuis son affrontement ( à 16 ans seulement) en pre-saison avec le Thunder du MVP Russel Westbrook en 2016, que les USA étaient prévenus, à ce point, de l’arrivée d’une future star européenne en NBA. Pas de coup de génie du second tour comme Nikola Jokic, pas de couverture médiatique moindre comme Nowitzki ou Gasol, et pas de progression aux proportions inespérées comme Giannis par exemple. Doncic, vainqueur et MVP de l’euroligue cette année la, aurait été premier choix de la draft 2018 si les Atlanta Hawks n’avaient pas réussi, sans manquer de respect à Trae Young, à manquer l’immanquable.
Rookie de l’année, il a rangé de son côté les sceptiques et a forcer l’Amérique à admettre que l’avenir de la ligue allait finir, dans un futur très proche, par lui appartenir. 5 selections au All star game et dans la All NBA 1st Team plus tard, voila Luka Doncic, plus fort que jamais, là où finalement on attendaient tous de le voir : En finale NBA.
Une petite plongée plus en détails, à cette occasion, sur un joueur si exceptionnel.
Une arrivée à point nommé
Quand on se penche un petit peu plus sur Doncic et la trajectoire que la NBA embrasse depuis quelques années, on ne peut s’empêcher de constater que le slovène coche presque toute les cases de la superstar idéale.
Tout d’abord, il est le porteur de balle principal de son équipe. Il est, à lui seul, capable d’animer et de porter une attaque, en créant à la fois pour lui et pour ses coéquipiers. Il a d’ailleurs constamment progressé dans sa fiabilité dans le domaine, passant par exemple de 4,5 turnovers en 2020-2021 a 3,7 turnovers en 2021-2022, tout en maintenant le même taux d’usage. Malgré quelques exceptions parmi les virtuoses de l’histoire de la ligue, le basket reste un sport de grand, et la encore Doncic, malgré son bagage technique ahurissant, n’est pas en reste. Il est listé à 2m01 pour à peu près 100 KG, plus grand que Draymond Green, Zion Williamson ou Kawhi Leonard par exemple. Rare sont les joueurs qui combinent une telle aisance technique avec une telle présence physique. Dans une NBA où le “matchup hunting”, qui consiste à cibler le moins bon défenseur adverse sur le terrain, est la tactique offensive reine, Doncic représente un cauchemar pour les défenses. Si un défenseur est trop petit, il ira facilement au panier en utilisant son avantage de taille et de force. Si il est trop grand, Doncic reste assez mobile pour le prendre de vitesse. Il est extrêmement difficile d’avoir un 5 sur le terrain sans un joueur que Doncic pourra exploiter. On tend de plus en plus vers l’équation offensive irresolvable, et la ligue elle, tend de plus en plus vers l’attaque derrière des phénomènes pour lesquels doncic a tout d’un chef de meute.
Comment ne pas parler attaque moderne sans parler Pick and Roll. C’est devenu au fil des années, le système de jeu de base de l’intégralité des équipes NBA. Maîtriser son art a même garanti succès et contrat juteux à certains joueurs qui ont basé leurs jeu quasi exclusivement la dessus. James Harden, LeBron James, Chris Paul ou plus récemment Trae Young et Jalen Brunson ont été métronome de leurs équipes en appelant, sur plus de 40% de leurs possessions cette saison pour les deux derniers cités, (45 % pour Trae Young!!), un pick and roll. La capacité que les joueurs ont de tirer de toujours plus loin, compte pour beaucoup dans l’avènement de cette tactique. Doncic, dans sa modernité presque caricaturale, ne déroge évidemment pas à la règle. Il est capable de dégainer en sortie d’écran du logo, poussant les défenseurs à défendre toujours plus haut, toujours plus loin de leurs raquettes. C’est aussi ça qui lui permet de disséquer des défenses aussi solide que celle de Minesota en Finales de conférences, déboulonnant le point d’ancrage Rudy Gobert de sa raquette. Cette saison, Doncic a pris 10,6 tir à 3 point par match, presque la moitié de ses 23,5 tirs chaque rencontre. Il convertissait plus de 38 % de ses tentatives derrière l’arc, pourcentage qui pouvait être attendu de véritables snipers dans l’exercice il y a quelque années. Et une marque d’autant plus impressionnante quand on sait le niveau de difficulté de certains shoot du slovène. A un mois de la fin de la saison régulière, il tournait même à 39,1 % de réussite sur ses steps back 3 point !
La combinaison de tout ces attributs explique en partie pourquoi Luka Doncic est le joueur qui subit le + de blitz en sortie de pick and roll, une tactique défensive constituant à prendre à deux le porteur de balle dès qu’il sort de l’écran, pour le forcer à se débarrasser de la balle. C’est LeBron James et JJ Reddick qui nous apprennent (dans leurs superbe podcast Mind The Game) qu’il en subit 200 de plus sur la totalité de la saison que le deuxième joueur de ce classement. Quand un joueur est aussi létal, lui enlever le ballon des mains ressemble à une bonne idée. C’était sans compter sur le fait que Doncic est, en plus de tout ce qu’on a déjà évoqué, un des meilleurs passeurs de la ligue. Quasiment 10 passes de moyenne cette saison, en plus d’être le meilleur scoreur NBA. Sa capacité à voir le jeu, à manipuler les défenses et à mettre sur orbite ses coéquipiers viens parfaire la panoplie de la superstar moderne parfaite, et rend quasiment introuvable la solution à l’équation menant à l’arrêter. Cette saison les Hawks ont essayé de défendre Doncic différemment ; en le coupant de ses coéquipiers et en essayant de le forcer à devoir les battre tout seul… 73 des 148 point de Dallas dans l’escarcelle par ce même Doncic plus tard, les Hawks de Trae Young tiens tiens, comme le reste de la ligue, commençaient à se demander si on était pas arrivé au moment où Doncic ne pouvait plus être arrêté…
Dallas, enfin à la page de la modernité Doncic.
Il faut toujours faire très attention quand on compare les joueurs NBA, surtout quand on le fait entre de véritable légende. Doncic a été comparé à plusieurs reprises , et l’est encore d’ailleurs, à James Harden, pour le coté attaquant total et parfois vampirisant, et pour une certaine tendance à ne pas tout donner en défense. Si les similitudes sont là, c’est sur, j’ai toujours pensé pour ma part que James Harden avait un plafond de verre, en tant que franchise player, qui l’empêcherait de franchir la dernière marche. Kobe Bryant avait qualifié le style de jeu d’Harden comme « un style qui ne gagne pas » et finalement maintenant que le barbu est plus proche de la fin que du début, c’était plutôt juste. La ou pour Doncic, j’ai toujours pensé que c’était une question de capacité à mettre des pièces autour de lui, qui lui correspondent vraiment. C’est la ou la comparaison avec LeBron James, qu’il reçoit également, fait plus de sens.
Tout aussi exceptionnel qu’il soit, LeBron a toujours eu besoin, pour réellement exprimer tout son jeu en y alliant la victoire, d’un effectif parfaitement rodé autour de ses qualités. Les bagues à Miami, Cleveland et aux Lakers sont des exemples parfait. Des tireurs, beaucoup de tireurs, capable d’attendre sagement en écartant le jeu pour LeBron comme Allen, Battier, Chalmers ou Miller a Miami, une deuxième superstar capable de lui soulager le poids du playmaking offensif comme Irving ou Wade, et un intérieur polyvalent capable d’étirer le jeu et de jouer le pick and roll (ou pop) avec LeBron comme Kevin Love, Chris Bosh ou Anthony Davis. La construction d’une équipe est toujours importante, mais certaines superstar ont besoin d’un mix de responsabilité et de statut sur et en dehors du terrain qui fait que seule une construction quasi parfaite autour d’eux les libèrent complètement.
Je pense que Luka Doncic fait partie de ceux là, et ça c’est vu très tôt dans sa carrière. Lors de sa première saison, exit Dennis Smith Jr, meneur prometteur a l’époque mais encombrant pour Doncic. Plus tard, après plusieurs rumeurs de friction c’est Rick Carlisle qui après 13 saisons et le titre légendaire de 2011, pliait bagage. L’arrivée de Porzingis n’avait finalement pas fonctionné non plus, et même si Doncic l’a démenti récemment, Porzingis s’était exprimé plusieurs fois sur le fait qu’en effet, les deux n’avaient jamais réussi à mettre à bas une sorte de rivalité interne. La construction de l’effectif de Dallas a mis plusieurs années à ce peaufiner, pour arrivée cette saison, à ce qui ressemble au mix parfait autour de la superstar slovène. Au niveau basket déjà évidemment. Luka a autour de lui les joueurs lui permettant de déployer l’intégralité de sa panoplie. Daniel Gafford et Derrick Lively sont deux poseurs d’écran aguerris capable de rouler et finir fort au cercle, tout en effaçant les errements défensifs en deuxième rideaux de l’autre côté du terrain. Josh Green, Maxi Kléber, Derrick Jones Jr et Tim Hardaway Jr sont capable de défendre dur sur plusieurs postes en attendant patiemment dans les corners pour capitaliser efficacement des munitions offertes par le génie slovène. Et bien sûr, Kyrie Irving apporte le maillon manquant à tout ce système depuis longtemps maintenant. Une deuxième superstar qui est capable de bonifier, et d’être bonifiée par Doncic sans lui marcher sur les pieds. Comme avec James il y a quelques années, la capacité d’Irving à jouer sans le ballon permet à Luka Doncic d’évoluer avec une menace bien connue, et redoutée par les défenses en même temps que lui sur le terrain. Quand les prises à deux s’intensifient, notamment en fin de match, il peut déléguer à Irving dont le sang froid et l’efficacité dans ces moments ne sont plus à prouver.
Surtout, Irving arrive à Dallas dans un état d’esprit qui colle avec la présence de Luka Doncic. Il a déjà essayé de voler de ses propres ailes, de mener sa propre équipe au sommet. Le TD Garden ne se privera pas de lui rappeler lors de ces finales l’échec que ce fut. Puis il a erré tristement dans une ligue frappé par le covid, où son refus de se vacciner l’a mis à la marge. Il a presque chassé Harden de Brooklyn avec ses frasques, explosant un Trio historiquement décevant. Durant partie aussi, on se demandait quelle équipe allait vraiment vouloir d’un joueur qui avait passé plus de temps du mauvais côté des news que sur le terrain. Dallas a eu le flair et Irving est arrivé, trentenaire passé, et un statut de superstar égaré. Il a retrouvé le rôle de ses plus grands succès, le Robin à un Batman incontestable, mais qui sait malgré tout l’apprécier. Parceque Doncic a son ego, c’est sûr mais avec Irving et Kidd, la dynamique est différente. Elle renvoie finalement au fait que Doncic, toute superstar qu’il est, n’a que 25 ans. Il en avait 12 seulement quand Jason Kidd orchestrait l’attaque des Mavs jusqu’au sommet en 2011. C’est en 2011 aussi qu’Irving est arrivé à Cleveland en numéro 1 de la draft, avec la terrible tâche de faire oublier le départ de James en Floride. En 2015 et 2016, quand Doncic a pointé le bout de son nez sur la scène internationale du basket avec le Réal de Madrid, la référence mondiale du basket n’était autre que les Cavaliers de James et Irving, tombeur des invincibles Warriors après un tir d’on sait qui… Alors tout futur grand parmi les plus grands qu’il peut être, Doncic n’est finalement qu’un jeune fan de plus qui s’émerveille encore devant le génie d’Irving. Ce respect mutuel, qui n’ébranle pas le statut de patron du slovène à Dallas, est aussi la raison pour laquelle c’est eux qui se dresseront sur la route des Celtics d’ici quelques heures…
Luka Doncic, les défauts (modernes) de ses qualités
Bien évidemment, comme tout les basketteurs aussi incroyable soit ils, Doncic n’est pas parfait. Mais même dans ses défauts, il arrive à déborder de modernité.
Si il n’est pas le meilleur défenseur du monde, avec un léger problème de vitesse latérale par exemple, Luka Doncic compense une nouvelle fois par un physique taillé pour limiter la casse. Il est grand, costaud et a une longue envergure. Il est donc capable d’embêter un minimum les plus petits, et de contenir les plus costauds. Il n’handicape pas son équipe au moment de switcher sur les écrans par exemples, et son QI basket lui permet d’influer sur le jeu en aide, ou il tourne a 1.5 interceptions par match tout de même.
En attaque, il a parfois tendance à rester statique une fois que la balle n’est plus dans ses mains. C’est aussi un moyen de se reposer pour une superstar avec autant de responsabilités offensives. Mais maintenant que les Mavs ont ajouté Irving a l’équation, Doncic même statique, absorbe souvent son adversaire bien au delà de la ligne des 3points, qui plus est souvent le meilleur défenseur adverse, et permet de libérer de l’espace à son compère pour jouer ses 1 contre 1.
Il a aussi depuis le début de sa carrière un problème de concentration, et de sang froid évident en ce qui concerne les arbitres. Sa tendance à se plaindre, parfois à chaque action, peut agacer et parfois le sortir du match le temps de quelques actions. Mais cette personnalité fait aussi de lui un personnage clivant qui lui donne une certaine aura dans la NBA moderne. Mis à Part sa bromance made in Europe de l’Est avec Jokic, Doncic n’a pas l’air de s’entendre particulièrement bien avec ses adversaires. Il n’hésite pas à trash talker, et enchaîne les performances pour illustrer ses propos.
Doncic arrive donc en finale NBA, avec l’occasion de devenir champion pour la première fois à un plus jeune âge que LeBron, Curry ou Jordan pour ne citer qu’eux. Parce que depuis le début, c’est eux qu’il chasse, et c’est avec eux qu’il a rendez vous. Face à sa modernité a lui ce dresse, comme un symbole, l’archétype d’une super puissance moderne. Des stars, de la polyvalence, des jeunes et des vétérans, les Boston Celtics et le TD Garden ont traversés les époques en se réinventant, toujours, et celle ci ne déroge pas à la règle. Luka Doncic lui, ne réinvente pas, il représente. Le style, le talent, le basket mondial qui prend d’assaut la NBA, c’est presque comme si Doncic en était son étendard. Pour être considéré ainsi, l’histoire du sport l’a prouvé à maintes reprises, il faut gagner. Depuis son premier titre de champion d’Espagne a 15 ans, gagner, il sait faire, c’est dans son ADN. Alors à lui de le faire encore, sur la plus haute marche, sur la plus grande scène, pour continuer à écrire une histoire pour laquelle il est, semble-t-il, destiné.
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Si les suns n’avaient pas raté l’impensable pour le premier choix de draft 2018. Je me suis emmêlé les pinceaux avec l’échange des Hawks entre Doncic et Young. Une erreur quand même mais pas la même échelle tout de même