Pour bien comprendre une franchise, il faut connaître son histoire. Voilà donc ce qu’il est nécessaire de savoir au sujet des Indiana Pacers : l’organisation n’est pas descendue sous la barre des 30 victoires depuis la saison 88-89. Cela fait donc presque trente ans que l’organisation oscille entre les sommets de la Conférence Est (sept finales de Conférence, une finale NBA) et le ventre-mou du classement (six saisons sans playoffs sur la période) sans jamais repartir de zéro.
Ce n’est pas la mentalité locale. L’Indiana, c’est une terre de basket. Jouer pour perdre n’est même pas une option. Pas question de tanker. Pas question de se saborder dans l’espoir d’obtenir un hypothétique choix de draft susceptible d’être converti en éventuelle future star. Ici, c’est du concret.
Si vous ne voyez pas encore le rapport avec le début de saison pas ridicule (trois victoires, autant de défaites) des Pacers, nous allons y venir. La franchise s’est séparée de son unique superstar cet été. Paul George, désireux d’aller voir ailleurs, a été transféré au Thunder. La contrepartie a choqué tout le monde : seulement deux joueurs et aucun choix de draft au premier tour. Juste Victor Oladipo et Domantas Sabonis. Deux « paquets de chips » pour l’un des quinze meilleurs basketteurs de la planète.
Quelques semaines après l’échange, le GM des Indiana Pacers, Kevin Pritchard, avouait qu’il avait reçu des offres plus conséquentes – et probablement notamment de la part des Boston Celtics, titulaires du pick des Brooklyn Nets (finalement envoyé à Cleveland pour Kyrie Irving). Mais la valeur des assets, c’est avant tout une question de point de vue. De priorités. Dans l’esprit collectif, un choix de draft, si possible dans le top cinq, c’est le Saint Graal. Pas dans l’Indiana. Peut-être le dirigeant avait-il senti que les Nets seraient en progression. Ou peut-être préférait-il miser sur une valeur (un peu) plus sûre : un jeune joueur de la trempe de Victor Oladipo.
S’il était décevant à Oklahoma City, « Dee-po » est sans doute le meilleur jeune joueur que pouvaient récupérer les Pacers dans le cadre d’un échange impliquant leur superstar. Les deux premières semaines de compétition leur donnent pour l’instant raison.
Le deuxième choix de la draft 2013 revit sur ses terres. Il est originaire du Maryland mais c’est un Hoosier. Il a joué à l’université locale pendant trois ans. Ici, il se sent bien et ça se sent. Après six matches, l’arrière de 25 ans affiche 26 points à 50% aux tirs et 46% à trois-points. Il a redonné un soudain élan à sa carrière. Il est (enfin) à nouveau tranchant. Les Spurs en ont fait les frais cette nuit.
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La principale différence entre le joueur décevant au Thunder l'an dernier et le scoreur incisif du début de saison à Indiana, elle se fait déjà au niveau de l'adresse. Oladipo n'a pas la réputation d'un tireur d'élite. Ce n'est pas un shooteur pur. Mais il affiche un prometteur 34,8% derrière l'arc après bientôt 300 matches en NBA. Il y a quand même de la matière. La clé pour lui, c'est de se mettre dans le rythme. Il est d'abord un slasheur. Il a besoin du ballon, besoin de dribbler et de prendre des tirs en mouvement pour se sentir à l'aise. A OKC, il n'avait que très peu de possibilité. Il était cantonné à ce rôle de deuxième playmaker derrière un Russell Westbrook omniprésent.
L'arrière tente d'ailleurs trois tirs de plus par rapport à l'année dernière alors qu'il joue deux minutes de moins. Il est plus utilisé. Surtout, il est plus utilisé dans un rôle qui lui convient mieux. Il a plus de libertés pour attaquer. Pour rater des shoots, pour driver. Des éléments essentiels pour justement se mettre en rythme. Résultat, il est bien plus adroit de toutes les zones du terrain ou presque. Que ce soit de tout près (63% contre 59) ou de très loin dans l'axe (43 contre 32).
Domantas Sabonis et Victor Oladipo, hommes clés du projet des Indiana Pacers
Les Spurs ont aussi eu un aperçu du potentiel de Domantas Sabonis – jeune lituanien qui a le profil typique pour atterrir un jour à San Antonio – auteur de 22 points et 12 rebonds hier. Titulaire depuis la commotion cérébrale de Myles Turner, le fils d’Arvydas cale un double-double de moyenne (13 pts, 10 rbds).
« Nous essayons de prouver que nous ne sommes pas seulement les joueurs obtenus dans le transfert de Paul George. Nous voulons peser », explique Sabonis.
C’est ce qu’ils ont fait hier contre San Antonio, en s’affirmant tous les deux en moteurs de l’équipe. Sabonis est solide, Oladipo est séduisant. Le public leur a déjà fait une place particulière et la franchise entend sans doute les intégrer au projet d’avenir de l’équipe. Ils ne sont pas les seuls à être impliqués dans le bon départ. Darren Collison est lui aussi en pleine bourre et Bojan Bogdanovic semble déjà à l'aise au sein du système de Nate McMillan. Mais la frustration liée au transfert de PG passe nettement plus vite depuis que les deux joueurs acquis enchaînent les belles prestations.
Aucun des deux n’a a priori le calibre d’une future superstar qu’auraient – encore une fois c’est de l’hypothétique – pu récupérer les Indiana Pacers en mettant la main sur un potentiel bon pick. Mais ils font ce qui est attendu : ils jouent au basket et se donnent à fond pour gagner des matches.