On a tendance à penser que Chicago est une ville de basket, mais là-bas, ils aiment leurs Bears et ça passera toujours avant tout le resteParlons du Super Bowl. Tu as vécu aux Etats-Unis et tu as pu observer la manière dont les gens vivaient leur passion pour le foot US, en comparaison des fanbases plus NBA. Qu'est ce qui t'a marqué le plus à ce sujet ? Rémi Reverchon : Ce que l'on a tendance à oublier ou à ne pas savoir en France, c'est que le football américain est le sport n°1 là-bas. Dans beaucoup de villes, le foot US écrase tout, du basket au baseball. J'étais à Denver, c'est une ville 100% football, où les Broncos passent au-dessus de tout le monde, que ce soit les Rockies ou les Nuggets. Chicago est un bon exemple. On a tendance à penser que c'est une ville de basket, avec Michael Jordan et compagnie, mais c'est une ville de football. Là-bas, ils aiment leurs Bears et ça passera toujours avant tout le reste. J'ai ce souvenir que le Superbowl Sunday est toujours un jour à part. Il y a le 4 juillet, qui est leur fête nationale, Thanksgiving, Noël et le Super Bowl Sunday. Que tu sois fan de sport ou pas, tu prévois un truc, en famille, avec des potes, tu te retrouves. Ce n'est pas un jour férié, mais c'est un peu ça l'idée. C'est un jour important du calendrier. Quand j'étais dans le Colorado, le jour du Super Bowl, même sans que les Broncos y participent, c'était la folie. On s'était retrouvés avec mes quatre colocs et trois de leurs potes. On avait acheté des kilos et des kilos de pizzas et de wings. Ce jour-là, tu ne bouffes pas le matin, ni le midi. Tu le fais devant le Superbowl pendant tout l'après-midi. C'est assez cool et c'est vraiment familial. Tu as aussi vécu à Los Angeles, où la fanbase est différente. Rémi Reverchon : Oui, c'est vrai que Los Angeles est le contre exemple de ce que je disais, parce qu'à L.A. il y a l'influence Lakers à mort. Ce n'est pas une ville avec une grosse culture foot US, même si aujourd'hui il y a deux teams avec les Rams et les Chargers. Il n'y a pas une grosse histoire comme c'est le cas avec les Lakers. Au niveau des valeurs et de la mentalité, est-ce qu'on peut faire beaucoup plus différent que la NBA et la NFL ? Rémi Reverchon : Ce sont des différences très politiques, en fait. Personne ne s'en cache, la NFL est très labellisée républicaine, quand la NBA est identifiée comme démocrate. La NBA se veut hyper novatrice, avant-gardiste, notamment sur l'égalité hommes-femmes, les races, les genres, la sexualité... Alors que la NFL est traditionnellement plus conservatrice. Elle est dirigée par un mec qui s'appelle Jerry Jones, qui est le propriétaire des Dallas Cowboys. C'est le boss des propriétaires et le vrai patron, plus que Roger Goodell, qui est le commissionner. Jones, c'est un Texan traditionnel, 100% pur républicain, qui ne s'est pas trop mouillé sur Trump, mais on se doute de ce qu'il en pense. Pour un fan NBA qui ne comprendrait pas pourquoi ce Super Bowl est hyper excitant, notamment grâce au duel Brady vs Mahomes, quelle analogie on pourrait faire avec le basket ? Rémi Reverchon : On peut envisager plein de choses, en fait. Quand tu as Tom Brady face à Pat Mahomes, c'est le plus grand joueur de tous les temps, face à son potentiel successeur. A une époque, ç'aurait pu être Michael Jordan contre Kobe Bryant. Le plus grand joueur de tous les temps en NBA, face à son successeur. Si on avait pu avoir droit à des Finales NBA entre les deux, ce qui n'est malheureusement pas arrivé, ç'aurait été dans cette veine-là.
C'est dur d'envisager que Mahomes ait le rayonnement d'un MJ. Il n'y aura qu'un seul Michael Jordan dans l'histoire du sportPat Mahomes, qui était un très bon joueur de basket en high school, a toujours dit qu'il ne visait pas une carrière à la Tom Brady, mais un rayonnement à la Michael Jordan. Est-ce que tu penses que c'est possible ? Rémi Reverchon : Honnêtement, c'est dur d'envisager que Mahomes ait le rayonnement d'un MJ. Je pense qu'il n'y aura qu'un seul Michael Jordan dans l'histoire du sport. Jordan, ce qu'il avait pour lui, c'est qu'il dépassait de très loin le cadre du sport. C'était une icône culturelle. La Dream Team, Space Jam, les chaussures... Le seul aspect qui a manqué à Jordan, c'est l'implication politique. Un truc qu'a plus par exemple un LeBron, qui est moins une icône culturelle, mais qui est engagé. Mahomes, même s'il a signé le plus contrat de l'histoire du sport US (503 millions de dollars sur 12 ans, NDLR), aura du mal à avoir le côté icône parce que le foot US n'est pas un sport internationalisé. Ce qui a l'air de le brancher, en revanche, c'est un début d'engagement politique, à la LeBron. Est-ce qu'on peut imaginer que la NFL soit dans une démarche de globalisation comme la NBA à un moment ? Rémi Reverchon : J'ai du mal à y croire parce que ce n'est pas une volonté de ce sport. Le basket, on le sait, est hyper international. Que tu sois en France, en Brésil, en Australie ou ailleurs, tu sais que ça jouera au basket. Le baseball, contrairement à ce que l'on croit parfois chez nous, est assez internationalisé aussi, puisque ça joue beaucoup en Amérique centrale et du Sud, ainsi qu'en Asie. Sur ESPN, pendant que tout le monde était confiné, ça diffusait des matches de la ligue coréenne de baseball. Le foot US n'a pas cette vocation, ce n'est pas dans leur nature, ils ne cherchent pas à se développer à l'international. Depuis qu'Adam Silver est en NBA, il a enfoncé au max la porte ouverte par David Stern sur ce plan-là. La NFL et Goodell ne cherchent pas trop ça. Ils sont sur-dominants sur leur territoire. C'est le sport n°1 en termes de contrats télé, d'audience sur les matches et ça leur convient bien. Et puis, c'est un travail de s'exporter, sur le plan culturel notamment. En basket, c'est la Dream Team de 92 qui a tout fait ou presque. Tant que la NFL ne cherchera pas un événement marquant comme ça, et je pense qu'elle ne le cherche pas, elle restera sur-dominante seulement aux Etats-Unis et ça lui ira bien. Comment tu vois ce Super Bowl sur le plan du scénario ? Rémi Reverchon : Il y a tellement d'angles intéressants dans ce match ! Tu as le GOAT face à son successeur, la première fois de l'histoire qu'une équipe va jouer le Superbowl à domicile (Tampa)... Une affiche entre la franchise glamour de Kansas City, ce qui paraissait improbable il y a trois ans, qui est un bohueur à voir jouer, et Tampa Bay, pour qui tout a basculé grâce à un homme. Le scénario de cette saison, d'ici 6 mois aux US, tu auras 10 bouquins qui en parleront. Cette saison des Buccaneers et de Brady, c'est surréaliste. Je ne vois aucune comparaison possible. En foot, en France, ce serait un club du milieu de tableau de Ligue 1, genre Nantes ou Bordeaux, qui recrute un joueur et va en finale derrière. Sur le terrain, je ne sais pas trop ce qu'il se passera, mais je sais que l'on a deux énormes attaques et que c'est quand même la recette pour avoir un superbe Superbowl.