Sur son blog Le Basketographe, Sébastien écrit sur des sujets divers et variés autour de la NBA et de son histoire. Nous re-publions aujourd'hui l'un de ses articles sur les origines du logo iconique des New York Knicks, la franchise la plus en forme de la ligue en ce moment, après 9 victoires consécutives. Petit cours d'histoire et de graphisme.
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Les New York Knicks sont une institution en NBA. Fondée en 1946, la franchise a connu ses heures de gloire dans les années 70, décennie au cours de laquelle elle remporta ses deux titres NBA (1970, 1973). Sur le devant de la scène dans les 90's, les Knicks développèrent une grande rivalité avec les Bulls et les Pacers. Les 90’s correspondent au renouveau de la franchise new-yorkaise qui entra comme beaucoup d’autres à cette époque dans l’ère du marketing.
Développer une identité forte autour des Knicks passa forcément par un nouveau logo, frais et percutant. Voici l’histoire derrière le logo très iconique des Knicks.
Le contexte de l’époque
Les années 90 sont une époque charnière dans l’histoire de la NBA. Tractée par le phénomène planétaire qu’est Michael Jordan, la ligue a le vent en poupe. La NBA séduit de plus en plus et David Stern compte bien profiter de ce contexte favorable pour imposer sa ligue face aux autres sports US, plus populaires. Pour cela, le commissioner charismatique a besoin d’avoir des franchises rutilantes et attractives pour séduire les fans.
C’est en 1990 que la NBA se dote de son service créatif ayant l’ambitieuse tâche de développer le marketing de la ligue et des équipes. Tom O’Grady, le premier directeur créatif de la NBA est engagé en juin 1990 pour orchestrer les multiples chantiers : lancement du site internet de la NBA puis des 30 équipes, développement de la WNBA, redesign des identités visuelles des franchises, création des identités des franchises d’expansion, etc...
C’est dans ce contexte en pleine effervescence que les New York Knicks décident de se doter d’un tout nouveau logo. Interrogé en 2012 par Jared Zwerling d’ESPN à l’occasion des 20 ans du logo, O’Grady se souvient :
"Les Knicks m’ont approché parce qu’ils voulaient prendre une nouvelle orientation marketing pour l’équipe. Ils introduisaient les Knicks City Dancers et voulaient également rafraîchir le logo « Roundball » qu’ils avaient depuis 1964".
Le lancement du projet
Le projet est lancé au printemps 1991. La NBA contacta alors l’artiste designer Michael Doret pour lui confier la création du logo de l’emblématique franchise. Doret avait les épaules pour remplir une telle mission. Il avait déjà collaboré avec la NBA et avait aussi travaillé pour la MLB et la NFL. Interrogé en 2012 par Seth Rosenthal du blog Posting & Toasting, le designer se souvient de la grande latitude dont il disposait pour débuter ses travaux :
"Avant de commencer ce projet de design, je n’ai pas reçu beaucoup de commentaires de la NBA, à part la directive selon laquelle ils voulaient que quelque chose de symbolique de New York soit incorporé dans le logo. Après discussion, nous avons éliminé plusieurs options, comme la Statue de la Liberté, et nous avons choisi l’emblématique Empire State Building.
Mais comme nous le savons tous, ils ont fini par se prononcer contre au fur et à mesure que le développement du logo progressait. Je pense qu’à part le fait de conserver le bleu et l’orange de l’ancien logo, on ne m’a pas donné beaucoup d’autres exigences. Les orientations que j’ai prises ont été la plupart du temps laissées à ma discrétion".
L’artiste originaire de NYC avait donc carte blanche pour s’exprimer et comptait axer son travail en apportant un soin particulier au lettrage, qui était sa marque de fabrique. Il est vrai que les logos manquaient jusqu’alors de relief et Michael Doret voulait mettre à profit son travail dans ce domaine pour se démarquer.
"A cette époque, mon travail était très orienté vers le lettrage. J’essayais d’ouvrir de nouveaux domaines de la conception de lettres qui, jusqu’alors, avaient tendance à être un peu indigestes et traditionnelles. J’ai simplement essayé de faire quelque chose de différent pour l’époque.
En fait, j’ai repris beaucoup d’éléments d’époques révolues, où le lettrage était vraiment à son apogée (comme dans les années 30 et 40) m
ais cette fois-ci avec un léger décalage".
En plus de livrer les coulisses de son travail, Doret donne également accès à Seth Rosenthal à ses premiers croquis et dessins, nous permettant ainsi d’observer les différentes pistes étudiées.
Ces quatre logos colorés au crayon et stylo témoignent d’un temps lointain pré-numérique où tout travail créatif naissait à partir d’une feuille blanche. Aussi sympathiques soient-ils, aucun de ces logos ne fut retenu par les instances dirigeantes des Knicks et de la NBA.
Une évolution plus qu’une révolution
Michael Doret confessa que la version finale du logo des Knicks fut le fruit de va-et-vient incessants entre lui et la ligue.
"Le développement de ce logo a duré environ six mois, et pendant cette période, il y a eu beaucoup de va-et-vient quant aux dessins qui ont été développés. J’ai été engagé par le directeur de la création de la NBA, Tom O’Grady, avec qui il était agréable de travailler. Il était très ouvert à toutes les idées que j’ai présentées à la ligue.
Concernant le logo qu’ils ont finalement retenu, je savais qu’ils me disaient de viser la lune, mais qu’un trop grand changement leur ferait peur. Je leur ai donc donné ce logo sous forme d’esquisse, qui était une sorte de version actualisée, modernisée et nettoyée de l’ancien logo".
La série de dessins et croquis ci-dessous retrace tout le cheminement ayant conduit au logo que nous connaissons aujourd’hui. Il est intéressant de remarquer que le travail du designer se base finalement sur une vision revisitée de l’ancien logo des Knicks (un ballon dans la partie inférieure et du lettrage dans la partie supérieure).
De son côté Tom O’Grady confia que l’objectif n’était pas de métamorphoser l’esthétique du logo mais de le faire évoluer vers quelque chose de plus authentique en captant l’essence de Big Apple :
"Nous voulions simplement faire évoluer l’ancien logo, un peu comme la canette de Coca. Nous ne voulions pas refaire l’emballage. L’une des choses que nous voulions vraiment faire était de capturer une partie de l’atmosphère de New York".
L’Empire State Building, qui faisait partie du cahier des charges initial, fut finalement retiré du logo, laissant place à un design plus épuré.
D’après O’Grady, la disparition du bâtiment emblématique de la version finale du logo ne relève pas d’un choix artistique mais plutôt d’une problématique juridique.
"Nous avions à un moment pensé faire figurer l’Empire State Building qui pointait vers le haut, ce qui était vraiment cool, avec un « N » à gauche et un « Y » à droite. Mais il y avait quelques problèmes juridiques concernant les droits sur le bâtiment".
L’empreinte « comics » de la ville
Dernier élément phare du logo : le triangle. S’il sait se faire oublier au profit du lettrage orange plus en vue, sa présence n’a rien d’hasardeux.
"Nous avons imaginé la forme triangulaire en arrière-plan pour lui donner presque une impression de super-héros. Nous nous sommes inspirés de Superman, Batman et Gotham City. Il n’y a pas deux villes comme New York et il n’y a pas deux styles de vie comme celui de New York".
Un travail visionnaire
Que l'on aime ou pas le logo final retenu par la NBA en 1992, il apparaît indéniable que le travail de Doret est toujours au goût du jour. Le logo fêtera bientôt ses 30 ans et à part quelques petites modifications (ajout du nom de la ville et quelques petites retouches de couleurs), il est resté inchangé, comme le montre la timeline ci-dessous.
Le logo de la discorde
Si la commande de la NBA passée auprès de Doret concernait l’élaboration d’un logo principal, le designer a également travaillé sur une série de logos simplifiés. Mais en 1992, aucune de ses esquisses n’a été retenue. Si l’histoire aurait pu s’en arrêter là, Doret révèle que les Knicks ont utilisé l’un de ses croquis comme logo secondaire (voir ci-après) sans le rémunérer pour les droits d’auteur. Ce petit logo rond, inspiré des jetons du métro new-yorkais, a été notamment présent pendant très longtemps au dos des maillots des Knicks.
"Etant New-yorkais et ayant grandi dans le métro, j’ai toujours eu cette image du jeton de métro avec le Y découpé quelque part à l’arrière de ma tête. J’ai juste vu une opportunité d’utiliser cette image iconique de New York pour une équipe iconique de la ville. L’utiliser pour un logo secondaire des Knicks était quelque chose que je voulais encourager.
Je leur ai donné plusieurs idées différentes, mais à l’époque, ils ont décidé de n’en utiliser aucune. Aucun problème avec ça. J’avais été payé équitablement pour le travail de développement du logo que je faisais. Toute cette histoire de logo/monogramme secondaire a été abandonnée, et j’ai été payé pour le travail que j’avais fait dessus. Puis, plusieurs années plus tard, un vieil ami m’a appelé pour me demander si je savais que les Knicks utilisaient le logo symbolique que j’avais fait pour eux.
Je n’en avais aucune idée et, plus important encore, je n’avais pas été payé pour les droits d’auteur de ce dessin. Personne ne m’avait rien dit. J’ai essayé d’en discuter avec des personnes de l’organisation, et ils m’ont informé que le monogramme symbolique était leur idée, qu’ils l’avaient créé et que je n’avais rien à voir avec ça".
Après un bras de fer avec la ligue, Michael Doret put finalement prouver qu’il était bien l’auteur du logo et fut payé pour ses droits. Malheureusement, ce règlement à l’amiable fut une sorte de victoire à la Pyrrhus pour Doret, puisque la NBA décida de ne plus jamais faire appel à ses services.
Quand on voit le travail intemporel rendu par Michael Doret, on ne peut que déplorer que la collaboration entre le designer à la NBA se soit arrêtée si brutalement.
Bien entendu, chaque partie a sa propre vision des faits. Même 20 ans après, la NBA maintient que son équipe créative est bien à l’origine de ce logo secondaire.
D’après O’Grady, les Knicks l’ont recontacté en 1995 pour intégrer un élément de la ville de New York dans le logo afin d’augmenter leur visibilité dans le monde. Pour répondre à cette problématique, le service créatif de la NBA aurait alors créé le logo alternatif « NYK Subway Token » et rajouté le nom de la ville en haut du logo principal.
Quelle que soit la vraie identité de son géniteur, une chose est sûre : ce petit logo est terriblement efficace !
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