Ebay, boutique en ligne officielle du Real Madrid, sites espagnols… février 2017 et toujours impossible de mettre la main sur un maillot de Luka Doncic. Le but ? Acquérir le précieux bien avant tout le monde et se positionner parmi « ceux qui savaient ». Ceux qui savaient que le Slovène de (à l'époque) 17 balais deviendrait un jour l’un des plus grands joueurs européens de tous les temps.
Il ne s’agit pas de prendre le wagon en marche mais bien de conduire la locomotive. Avec pour preuve un numéro 7 floqué dans le dos de la tunique blanche. Pas celle de Cristiano Ronaldo, hein. C’est bien de basket dont il est question. En février 2017, alors que les amateurs de la balle orange s’émoustillaient sur le transfert de DeMarcus Cousins ou se révoltaient devant le All-Star Game, Luka Doncic fêtait tranquillement ses 18 ans et sa bonne centaine de matches joués chez les pros. Euroleague, Liga Endesa, le haut niveau, il connaît. Depuis longtemps (accentuez sur le « long »).
A 16 ans, il tâtonnait déjà la balle avec les plus grands d’Europe. Kyle Hines, cadre du CSKA Moscou, était d’ailleurs bien étonné en regardant le rapport d’avant-match d’une rencontre à enjeu disputée un an auparavant, en janvier 2016. « Waouh ce gamin a seize piges ! », s’est répété l’Américain. Les Russes comptaient bien exploiter ce qu’ils percevaient comme une faiblesse des Madrilènes.
En l’absence du patron Sergio Llull, c’est bien la pépite du centre de formation qui était bombardée à la mène. Le but ? La faire exploser sous la pression. Lui réserver un bel accueil chez les grands. 13 minutes, 12 points, deux paniers primés et 5 rebonds plus tard, le natif de Ljubljana calmait le peuple.
Luka Doncic aka Baby Face Killah
C’est facile de le cibler. C’est encore un gosse ou presque. Il est à peine majeur et n’a même pas son permis de conduire. Un enfant qui affronte des hommes tous les jours sur un terrain. Mais penser qu’il va finir par craquer est la première erreur qui mène ses adversaires à leur perte. La pression, il l’honore comme tout bon gentleman.
« Pour lui, c’est naturel. Il n’a peur de rien, il adore la compétition », confie Igor Kokoskov, son coach en sélection.
« La façon dont il fait face à tout ça… c’est comme s’il prenait du plaisir à dominer son adrénaline. »
Cet instinct était peut-être inné, mais il s’est développé au cours du parcours incroyablement précoce du meilleur joueur de sa génération. A sept ans, ce fils d’un ancien joueur pro (Sasha Doncic) et d’une danseuse a commencé le basket… avec l’équipe de son école primaire. Un an plus tard, il se pointait aux entraînements de l’académie de l’Olimpija, le club de papa. Il s’est baladé.
Après seize minutes, les coaches l’ont envoyé jouer avec les 1996 (il est né en 1999 – ndlr). A la fin de la séance, il passait encore à la catégorie au-dessus. Le petit Luka de huit ans a donc joué ses premières saisons U12 – le règlement l’interdisait de jouer en U14 – contre des enfants bien plus âgés que lui. Lojze Sisko, le dernier à l’avoir coaché en U12 avant son départ pour Madrid, témoigne :
« Il avait ça en lui dès la naissance. Vous ne pouvez pas apprendre certaines des choses qu’il faisait. C’est impossible. Le plus incroyable, c’était la façon dont il changeait de personnalité. Il était très concentré sur le terrain, très confiant et compétiteur. Mais une fois le match terminé, il redevenait ce garçon toujours souriant qui faisait des blagues. »
Le visage d’un préado, la maturité d’un vieux sage. Et le sang-froid d’un hitman. Que ce soit maintenant, à l’EuroBasket, dans le championnat espagnol ou même à treize ans, le constat était donc toujours le même : ce petit ne paie pas de mine, mais il domine son monde. Premier exemple lors d’un tournoi U13 à Rome, il y a quelques années. Doncic se pointe, plante 54 pions, prend 11 rebonds, délivre 10 passes et est élu MVP.
« A ce moment-là, j’ai dit à quelqu’un que Luka me rappelait Drazen Petrovic. Un assassin avec un visage de bébé », se souvient Srecko Bester, responsable basket à l’Union Olimpija.
S’il dégage autant de charme sur un terrain de basket, c’est peut-être parce que lui n’a jamais oublié que son sport était avant tout une passion avant de devenir son métier. Plus fort encore, c’est quelque part une raison de vivre.
« Je disais souvent à Luka : ‘‘Demain tu es libre, reste chez toi et joue avec tes jouets. Tu dois te reposer.’’ Le lendemain, à midi, ses parents m’appelaient pour me demander si Luka pouvait venir à l’entraînement parce qu’il les suppliait d’y aller. Sa passion pour la compétition était incroyable », se remémore Jernej Smolnikar, son coach entre 2007 et 2011.
La grosse balle orange, il est tombé dedans quand il était petit. A neuf printemps, il assistait à tous les matches de son paternel.
« Je me souviens qu’il restait sous le panier », raconte Goran Dragic… ancien coéquipier de Luka Doncic senior et aujourd’hui camarade de chambre du fiston.
« Même à cet âge-là, ça se voyait qu’il sentait bien le jeu. Comme son père. Quand on revenait du vestiaire à la mi-temps, il était tout le temps là en train de shooter. J’ai toujours gardé ce souvenir en tête. »
Des figures du basket slovène partout dans son entourage. Rasho Nesterovic, figure du pays passé par la NBA, est d’ailleurs son parrain. Il a baigné dedans. Le jeu, il le comprend, il le sent. Il le respire même. Ce qui fait notamment dire à un scout de la ligue US que le meneur a déjà « des années lumières d’avance » sur ses principaux concurrents de la draft 2018, à savoir les plus athlétiques mais moins talentueux Michael Porter Jr et Marvin Bagley III.
« On pourrait tous battre Larry Bird, Dirk Nowitzki ou Kevin McHale à la course à pied. Mais ce qu’il a, ça ne s’apprend pas. »