Un ailier dans un corps de géant. 2,24 m de grâce, une mobilité et des qualités athlétiques absolument terrifiantes pour un joueur de ce gabarit, Ralph Sampson, qui fête ses 63 ans aujourd'hui, était un OVNI. Et était tellement en avance sur son temps qu’il le serait encore aujourd’hui. Mais dans le basket des années 80, "Only the strong survived". Miné par les blessures, fragile mentalement, celui qui devait révolutionner le jeu n’a jamais pu montrer de quoi il était vraiment capable.
Rarement un lycéen aura été autant convoité. Qui pourrait rester indifférent devant un ado de 2,20m capable de devancer la défense adverse sur contre-attaque, de prendre des tirs à mi-distance et d’aller contrer le plus lobé des tear-drops avec une facilité déconcertante ? Personne, évidemment. Vous imaginez bien qu’un joueur qui émerveillerait le plus blasé des scouts en 2007 faisait fantasmer tout le pays en 1979, à un moment clé de l’histoire de la NCAA et du basket pro (que celui ou celle qui n’a pas immédiatement fait le rapprochement avec la finale Magic-Bird prenne la porte).
Meilleur joueur du pays trois années de suite
Ralph Sampson était un diamant, une merveille de basketteur destiné à bouleverser définitivement l’ordre établi. Imaginez-vous un joueur avec la mobilité d’un ailier, la verticalité d’un arrière, et capable de regarder Yao Ming les yeux dans les yeux sans risquer le torticolis. Kevin Garnett en plus délié... et avec 10 cm en plus sous la toise ! Après avoir terrorisé toute la Virginie au lycée, Sampson choisit de rester dans une région qu’il connaît bien. Pour le plus grand bonheur des fans de Virginia.
Propulsés sur le devant de la scène universitaire par leur géant, les Cavaliers jouent les premiers rôles dans la Conférence la plus relevée du pays, la ACC. Le Duke de Johnny Dawkins monte en puissance, le North Carolina de Michael Jordan et James Worthy est au top, et le Maryland du regretté Len Bias joue les trouble-fêtes. Virginia atteint le Final Four en 1981, mais échoue les deux saisons suivantes. Sampson est désigné meilleur joueur du pays trois années de suite, mais suscite des interrogations sur sa capacité à faire gagner son équipe.
Certes, il a dominé la NCAA pendant son cursus. mais il aurait pu l’écraser totalement. Il aurait dû, même.
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Les Twin Towers de Houston
La draft 1983 n’apporte aucune surprise. Houston dispose du premier et du troisième choix. Il est impensable de ne pas sélectionner le numéro 50 en 1. Sampson est de très très loin le plus grand talent de sa classe d’âge. Sa saison rookie ne déçoit pas. 21 points de moyenne, 11 rebonds (5e de la ligue), 2.4 contres (3e), une sélection au All-Star Game et un titre indiscutable de Rookie of the Year. Le troisième choix sera Rodney McCray, ailier physique et polyvalent sorti de la génération dorée de Louisville. Mais ces deux-là ne suffisent pas. Houston gagne 15 matches de plus que la saison précédente mais reste loin des playoffs, trois ans seulement après s’être qualifié en finale NBA à la surprise générale.
La chance sourit aux Rockets : ils choisiront encore avant tout le monde dans une draft qui deviendra mythique. Le choix est difficile : Akeem Olajuwon a détruit les unes après les autres toutes les raquettes du pays à Houston, tandis que Michael Jordan a ébloui à North Carolina. Nombreux sont ceux qui pensent que deux "seven footers" se marcheraient sur les pieds. Mais le staff fantasme à l’idée d’une raquette de 4,32 m. Les Twin Towers sont nées.
Les résultats sont immédiats. La muraille Sampson-Olajuwon est effrayante, les Rockets remportent 48 matches mais s’inclinent en 5 manches au premier tour des playoffs. L’entraîneur Bill Fitch, couronné de succès avec les Celtics, a de quoi être confiant. Son équipe est sur la bonne voie.
Et le prouve dès l’année suivante. Olajuwon s’affirme comme une force incontournable dessous, Sampson le complète, et les role-players (McCray, Robert Reid, Lewis Lloyd) sont au diapason. Les Lakers sont balayés en finale de Conférence sur un shoot miraculeux de Sampson au game 5. Houston est de retour en finale. Mais les Celtics sont injouables cette année-là. Sans démériter, les Texans ne peuvent rien. Sampson aura beau se défouler sur Jerry Sichting au game 5, rien n’y fera.
La blessure, le trade et la chute...
La saison 1986-87 devait être celle de la confirmation, elle sera celle de la chute. Blessé à mi-parcours, le géant s’enfonce, ne joue que 43 matches. Son influence sur le jeu ne sera plus jamais la même. Sans être mauvais, il ne pèse plus sur le jeu de son équipe et sa présence défensive ne fait plus peur. Las, Fitch l’envoie à Golden State l’année suivante.
Après quatre sélections au All-Star Game en autant de saisons dans la ligue, Sampson disparaît. Son dos et ses genoux ne suivent plus, ses retours au jeu sont précipités et empirent sa condition. À 28 ans seulement, l’ex-futur meilleur joueur de tous les temps plafonne tant bien que mal à 6 points de moyenne. La chute est inexorable. Deux saisons aux Kings, un retour raté aux Bullets. 61 matches en trois ans. Sa carrière se termine dans l’anonymat le plus complet.
Sans des déboires extra-sportifs (il a 8 enfants de 5 femmes différentes et a été inculpé pour défaut de paiement de pension alimentaire), plus personne ne parlerait de Ralph. Trente ans plus tard, pourtant, on n’a toujours pas vu un joueur de sa taille avec sa mobilité et son talent. À l’heure où les pivots jouent face au panier et où des ailiers de 2,13m prennent des tirs primés les yeux fermés, Ralph Sampson reste un spécimen unique.