Oakland. Son climat doux. Ses restaurants exotiques. Sa proximité de l’Océan. Mais aussi ses quartiers rongés par la drogue et la criminalité. Ses terrains de basket. Et surtout son atmosphère. Sa mentalité. Seuls les plus durs survivent. Une jungle urbaine parmi tant d’autres mais avec un esprit à part. Un environnement dont sont sortis plusieurs meneurs NBA de renom. Damian Lillard en est l’étendard aujourd’hui. Jason Kidd auparavant. Mais les deux All-Stars suivaient les traces d’un autre prophète. Gary Payton. « Oakland, born and raised ! »
Pour Shawn Kemp, Michael Jordan a menti à propos de Gary Payton
Même s’il n’a jamais joué pour les Golden State Warriors, la franchise implantée dans la ville jusqu’à son déménagement pour San Francisco et ses coins plus huppés l’an dernier, l’influence de la commune sur la carrière de GP est évidente. Il en tire son attitude. Sa rage de vaincre. Son tempérament de guerrier. Et aussi sa grande bouche.
« C’est en grandissant ici que j’ai appris que vous pouviez être amis avant et après le match. Mais quand ça joue, il n’y a plus de potes. »
Un vrai dur à cuire. Avant même d’évoquer ses qualités techniques ou physiques, il faut comprendre que Payton se démarquait d’abord par sa ténacité, développée sur les playgrounds pendant sa jeunesse. Il ne lâchait jamais rien sur un terrain. Et c’est comme ça qu’il s’est forgé une réputation au point de s’imposer comme l’un des meilleurs défenseurs de l’Histoire.
Gary Payton, joueur culte des Seattle Sonics
Superstar à l’université d’Oregon State, où il détient encore de très nombreux records, le meneur a été drafté en deuxième position par les Supersonics en 1990. Ses deux premières années furent délicates (8 points de moyenne en cumulé) mais il montrait déjà des flashs de ce qu’il pouvait apporter en NBA. Avec même quelques triples-doubles au compteur. C’était le temps qu’il prenne la température. Parce qu’une fois lancé, il s’est affirmé comme un joueur incontournable à Seattle et dans le paysage de la ligue.
20 points et 7 passes de moyenne pour sa cinquième saison chez les pros. Et même un exercice formidable à 24-6-9 (avec 2 interceptions) en 2000. Plusieurs années au-dessus des 20 pions et 8 caviars. Une référence à son poste.
Sans être un excellent shooteur extérieur, il était tout de même le meilleur marqueur du championnat sur sa position. Il compensait sa maladresse – relative – en agressant le cercle ou en profitant de sa robustesse pour martyriser ses adversaires directs dos au panier.
Il n’était de toute façon pas là que pour planter des points. Il y avait à Seattle un autre joueur en mesure de dunker sur tout ce qui bouge. Shawn Kemp. L’intérieur explosif qui complète l’arrière altruiste.
Ensemble, ils ont formé l’un des duos les plus spectaculaires et les plus excitants de l’Histoire. « Lob City » avant « Lob City ». Des années communes et des alley-oops à la pelle. Mais aussi tout un tas de victoires et de campagnes de playoffs épiques à l’Ouest.
Gary Payton a explosé Gilbert Arenas… sans lui dire un mot
« The Glove », l’un des meilleurs défenseurs de l’Histoire
Gary Payton était donc une référence sur son poste en NBA. Et cette réputation, il la devait notamment à défense de fer. Tellement coriace et étouffant qu’il en a hérité du nom de « The Glove ». Un gant qui colle à la peau de son vis-à-vis et ne lui lâche plus les basques. Un alias donné après sa prestation lors des finales de Conférence Ouest en 1993, quand il a freiné Kevin Johnson, pourtant bouillant cette année là. Les Suns ont fini par éliminer les Sonics. Mais Payton a gagné le respect… et même la crainte de tous ses adversaires.
« Il est plus intimidant que les autres meneurs légendaires comme Magic Johnson, Isiah Thomas, Tiny Archibald et Maurice Cheeks », déclarait alors Johnson. « Gary a de très bonnes mains. Mais c’est aussi un excellent défenseur individuel et un excellent défenseur d’équipe. Il a les trois aspects. C’est très rare. »
Fréquemment au-dessus des 2 interceptions de moyenne tout au long de sa carrière (une pointe à 2,9 – premier en NBA en 1996), il est le seul meneur à avoir été élu DPOY (en 96 justement). Il a aussi été élu neuf fois dans le meilleur cinq défensif, un record qu’il partage avec Michael Jordan, Kobe Bryant et Kevin Garnett.
Le pape du « trashtalking »
Il n’y pas qu’avec ses mains, son corps, sa présence, sa dureté ou sa vitesse que Gary Payton éteignait les meilleurs attaquants adverses. Il le faisait aussi avec ses mots. Constamment en train de parler. Constamment. Au point d’être le quatrième joueur à avoir écopé du plus grand nombre de fautes techniques dans l’histoire du championnat.
« Des fois, j’étais accusé de trashtalking alors que ce n’était même pas le cas… Les arbitres avaient le sentiment que je faisais direct du trashtalking. Mais des fois, je demandais juste à un gars comment il se sentait ou je lui demandais comment se portait sa famille », se défendait l’intéressé.
Néanmoins, il prenait tout de même un malin plaisir à mettre ses vis-à-vis mal à l’aise en envoyant des piques pendant 48 minutes.
« Je ne suis jamais allé trop loin. J’essaye juste de les sortir de leur match et de tourner leur attention vers moi. »
Et ça marchait, le plus souvent. Une attitude qui, là encore, rappelle son enfance à Oakland, où il était hors de question de se laisser aplatir. GP ne reculait devant rien, ni personne. Pas même Michael Jordan.
Gary Payton, le Jordan stoppeur ?
1996. Le point culminant de la carrière de Gary Payton. Mais aussi des Sonics, champions à l’Ouest sous l’impulsion du tandem formé avec Shawn Kemp. L’apogée, également, pour les Bulls vainqueurs de 72 matches… avec un énorme MJ. Une opposition inédite avec en jeu un titre NBA.
DPOY, Payton veut défendre sur le meilleur joueur du monde. Il veut s’y frotter. Mais George Karl préfère le laisser sur Ron Harper lors des trois premiers matches de la série. Résultat, 3-0 pour Chicago. Ça pique. L’était d’urgence est décrété à Seattle et le coach laisse finalement son stoppeur se coltiner Jojo. Tout a changé, ou presque, à partir de ce moment-là.
Tous les passionnés de basket savent à quel point le numéro 23 des taureaux peut être un tueur lors des finales NBA. Avant cette série, il venait de gagner 3 bagues. Pour 36 points de moyenne lors de l’ultime round en 91,92 et 93. 14 pointes à plus de 30 unités en 17 rencontres.
Payton l’a limité à 23 points et 6 sur 19 dans le Game 4. Victoire des Supersonics. Puis 26 points dans lors du match suivant. Encore un succès pour les verts. 3-2 pour les Bulls. Jordan et ses coéquipiers se sont réveillés pour l’emporter dans le Game 6. Mais Sa Majesté a souffert : 22 points, 5 sur 19 aux tirs.
« Vous devez répondre à Jordan. Vous ne pouvez pas reculer devant lui », expliquait Gary Payton. « Si vous faites ça, il est comme un loup, il va vous bouffer. Il savait que je n’allais pas reculer. »
Le G.O.A.T a assuré à plusieurs reprises que GP n’avait aucun impact sur lui. Il en a encore remis une couche dans « The Last Dance » à ce sujet. Mais Bill Walton, analyste TV en 96, ne le cachait pas :
« Les Bulls sont sacrés mais Payton a gagné son duel. »
Et ça a d’ailleurs fait naître de nombreux remords auprès des Sonics. Aurait-il dû défendre sur Jordan dès le début de la série ? Est-ce que ça aurait vraiment pu changer quelque chose ? Autant de questions sans réponses mais qui démontrent de l’impact défensif du meneur.
La course au titre
Après plus de douze ans de bons et loyaux services, Gary Payton a fini par quitter les Sonics. Ou plutôt par se faire dégager. Il était en embrouille avec le nouveau propriétaire de la franchise Howard Schultz. Ratant même le premier jour du camp d’entraînement en 2002. Quelques mois plus tard, il était envoyé à Milwaukee en l’échange de Ray Allen notamment.
Une fin qui fait tâche pour le meilleur marqueur, passeur et intercepteur de l’Histoire de l’organisation. Il en reste le joueur emblématique et il a d’ailleurs refusé que son numéro 20 soit retiré à Oklahoma City, où l’équipe a été délocalisée en 2008.
Payton n’est pas resté longtemps aux Bucks. En fin de contrat, il a rejoint Shaquille O’Neal, Kobe Bryant et Karl Malone aux Lakers en 2003. Dans l’espoir d’enfin décrocher une bague. Mais l’expérience n’a pas fonctionné.
Avec une finale perdue contre les Pistons et un meneur pas forcément bien exploité au sein du triangle de Phil Jackson. L’ancien All-Star a ensuite joué une saison à Boston avant de débarquer à Miami, où il retrouvait Shaq.
C’est au Heat qu’il est enfin arrivé à son but. Joueur de devoir précieux, il a contribué au premier sacre des Floridiens en 2006. Avec même un game winner ô combien important inscrit dans le Game 3 alors que les Mavericks menaient 2-0. La consécration d’une très belle carrière pour un joueur culte.