« Je n’ai pas vu mon père depuis trente ans, donc ce n’est pas comme s’il pouvait me manquer… Mais je vois ça comme ça : un homme m’a mis au monde. Ça ne veut pas dire que c’est nécessairement mon père », écrivait le joueur en 1997.
Il a donc été élevé par sa mère, seule, et ses deux sœurs. Très vite exposé à la drogue et à la violence, sans pour autant basculer dedans. Une histoire comme celle de nombreux jeunes Américains dans le ghetto.Dennis Rodman, un parcours unique
Sauf que ça a vite pris une tournure dramatique. Sa mère était bien plus intéressée par les deux filles que par son garçon, dont elle a même voulu se séparer quand il avait quatre ans. Debra et Kim, les deux sœurs, étaient meilleures au basket (et elles ont d’ailleurs été distinguées dans le championnat universitaire). Rodman, lui, pouvait à peine « mettre un layup » selon ses propres mots. Elles gagnaient des titres au lycée tandis que l’aîné se faisait recaler de l’équipe. Un avenir en NBA n’était pas improbable mais plutôt carrément impossible. Voire même un avenir tout court. Parce que le jeune homme s’est retrouvé à la rue à sa sortie du secondaire. Brièvement sans domicile fixe et obligé de bosser comme gardien de nuit à l’aéroport international de Dallas. Puis l’adolescent gringalet a connu une poussée de croissance. Plusieurs centimètres en plus qui l’ont motivé à se remettre à son sport de prédilection. Mais comment attirer l'attention des facultés sans même avoir joué au lycée ? C’est par piston qu’il a pu intégrer l’université de Cooke County, au Texas. Il n’y est resté qu’un semestre. Pour 17,6 points et 13,3 rebonds de moyenne. Mais en l’absence de bons résultats scolaires, Dennis Rodman a dû une nouvelle fois prendre un autre chemin. Peu conventionnel. Ça l’a mené dans l’Oklahoma, et plus précisément à Southeastern Oklahoma State. Un programme qui évoluait en NAIA – comme Scottie Pippen avec Arkansas State – un échelon évidemment inférieur à la NCAA. Hébergé par une famille blanche qui ne voulait pas de lui parce qu’il était noir, mais qui l’a finalement accepté parce qu’il était très proche de leur fils, il s’est mué en cowboy capable de gérer une ferme et de conduire un tracteur. Tout en s’illustrant sur les terrains de basket grâce à ses qualités athlétiques : presque 26 points et 16 rebonds en trois saisons. Il a fini par se faire remarquer par les Detroit Pistons, qui l’ont récupéré à la fin du second tour de la draft 1986, à 25 ans. Waouh.DPOY et champion NBA
Le signe d’un homme qui a souffert pour en arriver là. Ou peut-être celui d’un homme qui souffre toujours. Tout a dérapé en février 1993. Traumatisé par son divorce avec Annie Bakes, attristé par le départ de Chuck Daly, un père spirituel pour lui, du banc des Pistons, il finit par craquer. Enfin presque. Il a décidé de mettre un terme à ses jours. Il s'est donc rendu à la salle, armé… pour finir par s’endormir dans la voiture, pistolet à la main. La police l’a retrouvé le lendemain. C’est le début des gros titres. Et ça ne s’est pas arrêté là. Quelques mois plus tard, Dennis Rodman a demandé son transfert. Direction les San Antonio Spurs.-
Dennis Rodman, sauvé du suicide par Pearl Jam en 1993
Le rebelle des Bulls
[caption id="attachment_544685" align="alignnone" width="1155"] dennis rodman Bulls[/caption] « The Worm » menait une vie décalée. Des fêtes, de la drogue, de l’alcool, des femmes… « Un rebelle », comme le dépeint Phil Jackson dans « The Last Dance ». Mais un rebelle avec une condition physique impeccable malgré une routine hors du commun. Pour preuve cette anecdote racontée dans le documentaire diffusé sur ESPN et Netflix. Alors qu’il venait de plus ou moins imposer un « break » à Las Vegas au milieu de la saison, Rodman se pointe à l’entraînement après 72 heures de club, d’ivresse et de sexe. Pour le remettre en forme, le coach des Bulls décide de faire un exercice de course en file indienne où le dernier doit rattraper le premier à chaque coup de sifflet. Michael Jordan et ses partenaires ont mis quatre tours avant de le doubler ! Et que dire du jour où, en pleine finales NBA 97, il a décidé de se faire un autre trip à Vegas (encore) pendant deux jours de suite, tout en prenant juste le temps de faire la navette à Salt Lake City pour le shootaround ? Un sacré animal. Mais loin d’être un cas social. Ou même un cancer dans une équipe. Au contraire. Il voulait faire partie d’un groupe. Ce sentiment d’appartenance, très important à ses yeux, tout en gardant sa liberté. Et surtout, il se donnait à fond pour les autres. Un vrai altruiste. Un régal pour les coaches, parce qu’il va au combat, ne baisse pas les bras et laisse ses tripes sur le parquet. Le grand Chuck Daly l’avait pris sous son aile. Le légendaire Phil Jackson l’a fait venir à Chicago. Tout sauf un hasard. Les épreuves de la vie lui ont donné la rage de vaincre. Une détermination presque à toute épreuve. C’est ce qui le qualifie. Mais en tant que basketteur, il était bien plus que ça. « Le meilleur défenseur sur l’homme », selon le journaliste David Aldridge. Pourtant, il n’a jamais compilé ne serait-ce qu’une interception ou un contre de moyenne tout au long de sa carrière ! Et bien ça ne l’a pas empêché d’être nommé sept fois dans le meilleur cinq défensif de la ligue. Alors, bien sûr, il y avait ses rebonds. Sans doute le meilleur joueur de l’histoire dans ce domaine. Sept saisons de suite en tête de la ligue. Un record. Des pointes au-dessus des 18 prises de moyenne sur un exercice. Et plus de 13 sur l’ensemble de sa carrière. Des performances dingues qui témoignent de son agilité, de sa capacité à sauter plus vite et plus souvent que les autres, mais aussi un sacré sens du placement.« Je m’entraînais à 3 ou 4 heures du matin avec mes amis. Je les faisais shooter et j’étudiais toutes les trajectoires du ballon selon l’emplacement du shooteur », confiait l’intéressé dans « The Last Dance. »
C’était aussi un joueur très intelligent. Capable de défendre sur plusieurs profils en anticipant les mouvements offensifs. Dur sur l’homme. Solide. Vif. Endurant. Ce qui le rapproche d’un Draymond Green. Ou plutôt l’inverse d’ailleurs.-
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« Il a une personnalité différente de celle qu’il montre. Les cheveux, les tatouages, les tenues, c’est venu après. Quand on me parle de lui, je repense à qui il était quand je l’ai rencontré : un gars sensible, émotif. Un vrai bon gars », notait Chris Mullin.
« J'aurais voulu que les gens connaissent le vrai Dennis Rodman. L'un des mecs les plus gentils. Un vrai introverti », ajoutait Alex English.
Finalement, peut-être que Dennis Rodman est juste un mec… normal ? Le plus bizarre des hommes normaux de cette planète. Mais un type normal quand même.