David Stern : un avocat pour une ligue qui tourne au vinaigre
Quand Stern, un jeune avocat new-yorkais diplômé de Rutgers et qui a fait ses études de droit à la prestigieuse université Columbia, dans Harlem, commence à travailler pour la NBA, la ligue n’a que 20 ans et commence tout juste à se faire remarquer sur la scène sportive américaine. Nous sommes en 1966. Les Celtics viennent de gagner leur 8ème titre d’affilée (le 9ème en 10 ans), Red Auerbach prend sa retraite de coach et fait de Bill Russell le premier entraîneur noir d’une équipe pro américaine (tous sports confondus), les trois meilleurs scoreurs de la ligue sont Wilt Chamberlain, Jerry West et Oscar Robertson, et la NBA semble passer son temps à désamorcer des bombes qui pourraient la détruire, comme l’affaire Jack Molinas ou la menace de grève au All-Star Game de 1964. Le futur commish’ n’a que 24 ans, des rêves pleins la tête et la ferme intention de se donner les moyens de les atteindre. Lorsqu’il apprend que George Gallantz, l’avocat en charge du compte NBA pour la firme Proskauer Rose Goetz & Mendelsohn, l’une des plus grosses de New York, a besoin d’un nouvel assistant, il saute sur l’occasion et décroche son premier job. Gallantz a commencé à défendre la ligue, alors dirigée par Maurice Podoloff, en 1959 lors du scandale Molinas, une vaste affaire de paris et de matches truqués qui menace de tuer la crédibilité de la NBA comme une autre avant elle a tué le basket universitaire new-yorkais. Il connaît la ligue du bout des doigts et va en dévoiler les ficelles à son nouveau disciple. Passionné de basket mais sans le moindre talent pour, Stern met ainsi un premier pied dans le système et sait déjà où il veut mettre le deuxième : dans les bureaux de la ligue. Il lui faudra 12 ans, d’abord à conseiller Walter Kennedy, le successeur de Podoloff, puis à se rapprocher du Commissioner suivant, Larry O’Brien, un homme semble-t-il intimidé par Gallantz et qui finit par faire de son jeune assistant son conseiller légal en 1978.« Ce que je n’avais pas réalisé », confie Gallantz à Harvey Araton et Armen Keteyian dans leur livre Money Players, « c’est que ce jeune homme était très bien informé. Il avait une vision ».Vision. Un mot qui reviendra souvent dans les trente années de règne de David Stern, qui succède à O’Brien en février 1984. Pile au bon moment. À peine trois ans plus tôt, les matches de la finale NBA étaient diffusés en différé par manque d’audience. Qu’il s’agisse du premier titre de Magic en 1980 ou de celui de Bird l’année suivante, les fans des Lakers puis des Celtics étaient condamnés à attendre la fin des infos pour que la retransmission commence en retard. La finale 84 va tout changer. Magic et Bird ne sont dans la ligue que depuis 1979, mais leur rivalité – et à travers elle l’opposition de styles de jeu et de styles de vie entre Los Angeles et Boston – passionne déjà tout le pays, qui n’attend qu’une chose : qu’ils s’affrontent en finale. En une semaine, Stern, qui n’est en poste que depuis quatre mois, va assister à deux événements fondateurs de l’explosion de sa ligue dans le paysage médiatique américain : le 12 juin, les Celtics remportent le Game 7 d’une finale qui a répondu à toutes les attentes, puis le 19, Michael Jordan est drafté en 3ème position par les Chicago Bulls. Le nouveau Commish est un homme chanceux. Les années 70, ternies par la concurrence de la ABA et une image calomnieuse de « ligue de noirs drogués et violents », paraissent bien loin. Invité par Filip Bondy à revenir sur les raisons du succès fulgurant de la NBA dans son livre Tip-Off sur la draft 84, David Stern est le premier étonné.
« L’avenir vous surprend », confesse-t-il. « On avait le sentiment d’être dans un de ces films d’horreur, dans un petit bateau sur le point de se renverser. Et puis, tout d’un coup, quelqu’un a soulevé le lac. (…) Il y a probablement quatre choses qui étaient sur le point de changer notre ligue. Premièrement, le marketing sportif. Nike et Michael, avec une passe décisive de Spike Lee. Ils ont changé les idées reçues qui voulaient qu’un athlète noir ne puisse pas toucher un maximum de gens, qu’il n’y ait pas de mixité. Ensuite, il y a eu l’explosion télévisuelle. Quand Magic et Bird étaient à leur apogée, il n’y avait pas encore de postes régionaux. Maintenant, plus de 120 millions de foyers sont couverts par les chaînes de sport régionales. Troisièmement, il y a eu les rénovations de salles. Depuis 1984, à l’exception de la Meadowlands Arena (la salle des Nets à l’époque), toutes les salles sont neuves ou ont été rénovées. (…) Et finalement, il y a eu la promotion 84. »Michael Jordan : « Sans David Stern, je n’en serais pas là »