[superquote pos="d"]"C'est principalement parce que c'est notre compatriote que je vote pour lui. Quand vous pouvez le soutenir en un clic, pourquoi ne pas le faire ?"[/superquote]« C’est principalement parce que Zaza est notre compatriote que je vote pour lui », confie-t-elle. « Nous sommes fiers de lui et nous l’aidons quand il a besoin de nous. Il travaille dur, c’est un très bon athlète et c’est quelqu’un de vraiment gentil que les Géorgiens adorent. Quand vous pouvez le soutenir en un seul clic, pourquoi ne pas le faire ? »L’argument est convaincant. Et il est repris en cœur par tout un peuple qui a mis la main au clavier pour élire son héros.
« Il est très populaire dans notre pays. C’est le seul Géorgien qui joue aux Etats-Unis et c’est le capitaine de la sélection nationale », ajoute Anny, un expatrié à Madrid.La Géorgie n’est pas un acteur majeur de la planète basket mais la balle orange a son public dans cette république issue de l’Union Soviétique.
« Le basket et le rugby sont les deux sports les plus pratiqués en Géorgie », explique Temur Jvarsheishvili. « Zaza est très populaire ici. C’est le basketteur le plus célèbre du pays. Il est adoré. »Il est la figure emblématique d’une nation qui s’impose peu à peu à l’échelon européen.
« Il est l’âme de la sélection nationale géorgienne. Il a porté l’équipe de la division B à quatre Eurobasket de suite », remarque Otar Chekurishvili.
La fierté des siens
C’est justement l’attention qu’il porte à son pays natal qui lui vaut le respect de ses concitoyens. Il n’a jamais refusé le moindre match avec son équipe nationale. Malgré l’écart de niveau flagrant la large majorité de ses coéquipiers. Malgré les rencontres casse-pipes à aller disputer aux quatre coins de l’Europe. Avec, souvent, pour simple espoir de ne serait-ce qu’arracher une qualification pour un championnat international. Il a joué, même blessé, tout en courant le risque de d’hypothéquer sa carrière en NBA, sans n’avoir rien à y gagner. Il est aussi à l’origine de la création d’une académie de basket à Tbilissi, la capitale du pays, l’un des premiers centres modernes dédiés aux jeunes athlètes dans un état qui s’est construit douloureusement sur les ruines de l’URSS.« La plupart des Géorgiens qui quittent le pays ne regardent jamais en arrière. Lui essaye de faire de son mieux pour son pays », poursuit Otar.Zaza n’a pas oublié les siens. Il sait d’où il vient. Et d’où il revient. Cela peut être difficilement imaginable pour nous, Occidentaux, mais la Géorgie avait encore des allures du Far West il y a vingt ans. L’éclatement du bloc soviétique a laissé un pays naissant en difficulté, en proie à une guerre civile avec les séparatistes pro-Russes. Une nation meurtrie par les pénuries et les files d’attentes interminables pour récupérer du pain.
[superquote pos="d"]"L'entraide est dans les gênes des Géorgiens."[/superquote]« Vous pouvez trouver des réponses [à l’engouement pour Zaza Pachulia] dans l’histoire de notre pays », explique Nino. « L’entraide est dans nos gênes. »Pour les Géorgiens, voter Zaza est une façon de remercier un athlète qui n’a pas opté pour la fuite en demandant un passeport turque, grec ou russe. C’est défendre avec passion un leader et une source d’inspiration. Et c’est un mouvement national.
#NBAVote Zaza Pachulia pic.twitter.com/YnOihvbF3k
— Maruska Marusya (@MaruskaMarusya1) 15 janvier 2017
« C’est une vraie campagne. La plupart des grandes entreprises géorgiennes, les banques, les entreprises de téléphonie mobile, etc. encouragent leurs utilisateurs à supporter Zaza via les réseaux sociaux », nous informe Temur.Nous avons contacté certaines de ces sociétés. Elles appellent à voter Pachulia à travers des posts sur Twitter, Facebook ou Instagram. D’autres expliquent à chacun comment voter correctement (bon hashtag, bonne orthographe) afin de s’assurer que toutes les voix soient prises en compte.
« Nous avons une super nation et nous aimons nous supporter les uns les autres », insiste un Community Manager de MagtiCom, une entreprise de téléphonie mobile.Interrogés sur les intérêts d’une telle stratégie, la plupart des responsables bottent (logiquement) en touche.
[superquote pos="d"]"Promouvoir Zaza relevait juste de la bonne volonté de Beeline." Une entreprise géorgienne qui appelle à voter pour Pachulia [/superquote]« Nous sommes fiers de ses accomplissements et de son amour pour son pays natal. Tous les Géorgiens veulent le voir jouer le All-Star Game donc tout le monde essaye de le soutenir. Le promouvoir relevait juste de la bonne volonté de Beeline », explique un représentant de Beeline.Leur implication témoigne de l’ampleur et de l’importance des votes pour le All-Star Game au sein d’un petit pays qui compte à peine plus de quatre millions d’habitants, soit moitié moins que la simple ville de Paris.
« Pour moi, ce n’est pas tant le nombre mais plutôt l’assiduité. Tout le monde vote, quel que soit la profession, l’âge ou le genre », analyse Nino. « J’essaye de voter tous les jours. »Elle est accompagnée par la très large majorité de ses compatriotes, de quoi faire des jaloux. Sur le ton de l’humour, Rudy Gobert a récemment fait remarquer sur Twitter qu’il devrait « changer de nationalité ». Malgré une moitié de saison canon, malgré son impact sur les succès du Utah Jazz et malgré plus de 60 millions d’habitants en France, un pays où le basket est l’un des sports les plus populaires, « Gobzilla » était loin, très, très loin derrière Zaza Pachulia à chaque pointage intermédiaires.
« Si plus de Français votaient pour Rudy Gobert, il serait All-Star », résume simplement Anny.Mais Gobert n’a pas la même influence que Zaza auprès des ressortissants de son pays.
« Je pense que le soutien des Géorgiens pour Pachulia en dit long sur qui il est », note Lamar, originaire d’Oakland.Lui est Américain. Mais il a voté pour le vétéran, comme bien d’autres. Car la cote de popularité du pivot de Golden State ne s’est pas arrêtée aux frontières virtuelles de la Géorgie.
« Honnêtement, c’est juste pour faire chier les haters des Warriors », admet Lamar.La franchise californienne, sacrée en 2015 et finaliste en 2016, s’est trouvé des nombreux « nouveaux » (mais aussi des anciens) fans qui n’ont pas hésité à apporter leur soutien à leur deuxième recrue phare de l’intersaison. C’est par exemple le cas… à l’autre bout du bout du monde.
[superquote pos="d"]"Honnêtement, je veux juste faire chier les haters des Warriors."[/superquote]« Les Warriors sont vraiment populaires en Chine. C’est une équipe de superstars », confie Xiaohan, un fan des Warriors qui a surfé sur la vague lancée par les supporteurs géorgiens. « Il est deuxième des votes du frontcourt. Je veux juste l’envoyer au All-Star Game parce que c’est marrant. »L’humour, un allié de Pachulia tout au long de la campagne. Le vote étant désormais beaucoup plus accessible avec les réseaux sociaux, beaucoup de fans ont rejoint le mouvement dans le but de se marrer.
« Il y a plein de gens qui votent pour lui parce que c’est drôle d’avoir un role player au All-Star Game », remarque un fan des Atlanta Hawks, une franchise au sein de laquelle Pachulia a évolué pendant huit saisons.
Zaza Pachulia à l'origine d'un changement de règles ?
Entre les supporteurs de ses anciennes équipes (Bucks, Magic, Mavericks, Hawks), ceux des Warriors, ceux que ça fait rire et tout un peuple derrière lui, Zaza Pachulia a donc finalement fini deuxième des votes. Mais ce fameux changement de règle instauré subitement par la NBA a donc eu raison des espoirs de millions de fans.« Ils ont changé la règle à cause du soutien massif pour Zaza la saison dernière », estime le fan des Hawks.Un joueur comme lui à l’origine d’un changement de règle ? Il est vrai qu’en attribuant la moitié des votes aux joueurs NBA (25%) et aux médias (25%), la ligue a trouvé le meilleur moyen pour éviter qu’un inconnu se retrouve propulsé dans l’un des cinq majeurs au All-Star Game.
[superquote pos="d"]"Ils ont changé la règle à cause du soutien massif pour Zaza l'an dernier."[/superquote]« Je pense que le changement de règles décrédibilise le processus de vote », peste Temur. « Cela justifie le fait de voter pour un gars comme Zaza plutôt que Kawhi, Davis ou Cousins, ça rétablit l’équilibre », estime pour sa part Lamar.Si le All-Star Game est censé être une fête dédiée pour les fans, alors pourquoi la ligue ne leur confère plus l’exclusivité du vote pour les cinq de départ ? La NBA craint-elle justement que des joueurs nettement moins « forts » que d’autres soient élus ?
« Chacun choisit ses critères de sélection. Et ils sont tous justes vu qu’ils dépendent des goûts de chacun », poursuit Temur.Après tout, chacun ne vote-t-il pas pour ses joueurs préférés en priorité ? Le match des étoiles perd en intérêt chaque saison, même avec ses superstars. La faute à un spectacle… de plus en plus grotesque. Mais si le jeu n’a presque plus aucune importance, le statut de All-Star est parfois primordial pour les joueurs. Certains d’entre eux bénéficient de primes s’ils sont invités à l’événement, encore plus s’ils figurent dans l’un des deux cinq majeurs. Les sélections pour le All-Star Game permettent aux stars d’accéder à d’autres contrats, et ainsi de suite.
« Les fans ne savent pas ce qu’ils font. Les joueurs qui se bougent le cul et ont mérité leur place devraient jouer le All-Star Game », conclut le fan des Hawks.Les Géorgiens, eux, savaient très bien ce qu’ils faisaient. Ils sont bien conscients que leur champion n’a pas le talent d’un DeMarcus Cousins ou le potentiel athlétique d’un Anthony Davis. Ils connaissent les limites de leur joueur favori. Mais ils ont trouvé à travers cette campagne une façon de remercier l’un de leurs athlètes les plus fidèles et les plus méritants. Mieux encore, ils ont trouvé, au sein d’un pays marqué par le fort clivage politique, une occasion pour s’unir et ce quel que soit leur âge, leur opinion ou leur catégorie sociale. Une cause à défendre tous ensemble. Ou plutôt un homme : Zaza Pachulia.