À 38 ans, Will Weaver a coaché dans bien des ligues, sur bien des continents. Passé par la NBA, avec les 76ers, les Nets, puis les Rockets, il a participé à poser les bases de jeunes équipes qui devaient tout reprendre à zéro. Il était là, au lancement de ces projets, avec Joel Embiid, D’Angelo Russell ou Jalen Green. Une expérience contrastée par ses passages en Australie, avec l’équipe nationale et les Sydney Kings, ou encore en G-League.
Aujourd’hui, il s’installe sur le banc du Paris Basketball, pour la deuxième saison du club en Betclic Élite et la première en EuroCup. À moins d’un mois du début de la saison, nous avons pu (re) discuter avec lui de son arrivée en France, de ses ambitions à Paris et de son expérience très diverse en tant qu’entraîneur.
BasketSession : En 2020, tu étais en Australie. Les deux années suivantes, aux États-Unis, à Houston. Cette année, un nouveau continent. Comment en es-tu venu à faire un tel tour du monde ?
Will Weaver : Je suppose que la réponse courte est que j’ai beaucoup de chance. Je suis reconnaissant que le basket m’ait mené ici. J’ai toujours énormément respecté le basketball européen, même avant de travailler pour l’équipe nationale australienne et de me mesurer aux pays européens en FIBA, aux entraîneurs et aux joueurs qui sont ici. Aujourd’hui, je suis très reconnaissant d’en faire partie.
Après avoir quitté les Rockets, qu’est-ce qui t’a amené à devenir coach ici, en France, au Paris Basketball ?
Will Weaver : Ils m’ont recruté et ont appris à me connaître. Dans une série d’appels téléphoniques avec David Kahn (président et co-propriétaire du club, ndlr), on a parlé basket, on a parlé de la vie, on a parlé basket international… Et en apprenant à connaître Eric Schwartz (co-propriétaire, ndlr) et David, il m’a semblé évident que ce que cette équipe essaie d’accomplir correspond très bien à mon expérience et à mes propres ambitions.
Les joueurs sont extrêmement jeunes et manquent d’expérience, mais ils ont un immense talent et une grande ambition. C’est le genre de joueurs que j’ai toujours aimé entraîner. À Philadelphie, Brooklyn et Houston, il y avait toujours un certain nombre de joueurs vraiment jeunes et ambitieux qui avaient beaucoup de potentiel. Je pense que Paris a apprécié mon expérience auprès de ce genre de joueurs. De mon côté, j’étais excité à l’idée de rejoindre un club aussi ambitieux qui tente de faire quelque chose, je pense, sans précédent en Europe.
En NBA, tu as coaché des équipes en reconstruction : les Sixers, les Nets et les Rockets. Le Paris Basketball est également en plein processus de construction. Il sort de sa première saison en Betclic Elite et qui vise encore plus haut. Comment penses-tu pouvoir accompagner le club dans cette croissance ?
Will Weaver : La base de tout, ce sont les relations avec les joueurs. Il faut gagner, leur confiance et comprendre l’objectif pour lequel ils se dévouent nuit et jour. Il y a des joueurs ici, comme Axel Toupane, qui ont joué dans le monde entier et qui sont revenus en France pour cette raison. Son but est bien sûr différent de celui de Juhann Begarin, qui essaie de rejoindre la NBA et qui est encore au début de sa carrière. Pour moi, il s’agit donc d’apprendre à connaître ces gars et créer un environnement dans lequel ils peuvent s’améliorer rapidement. Leurs progrès détermineront jusqu’où notre équipe ira.
Juhann Begarin et Ismaël Kamagate ont justement été draftés en NBA, mais restent au Paris Basketball. Penses-tu pouvoir les aider dans leur objectif de jouer en NBA ? Es-tu excité à l’idée de travailler avec des joueurs si prometteurs ?
Will Weaver : C’est une bénédiction propre à cette profession de pouvoir faire partie du voyage des joueurs pendant un court laps de temps et avoir un impact sur leur avenir. Rêver avec eux, transpirer avec eux et célébrer avec eux lorsqu’ils connaissent le succès dont ils ont rêvé, ou bien pleurer avec eux lorsque les choses ne se déroulent pas comme ils l’espéraient. C’est ce que je préfère dans ma carrière.
En revanche, je ne prendrai aucun crédit s’ils jouent en NBA la saison prochaine ou pendant les 15 prochaines saisons. C’est aussi à eux de faire les efforts nécessaires pour s’améliorer, car il y a beaucoup de joueurs de premier plan en NBA et en dehors qui sont suffisamment talentueux pour jouer dans la ligue. Il n’y a que 500 joueurs environ qui peuvent. Ils sont donc en compétition avec plusieurs millions de joueurs de basket et faire partie des 500 n’est pas facile.
« C’est peut-être la meilleure partie du basket, les endroits où il vous emmène. »
Dans notre précédente interview, tu insistais beaucoup sur l’aspect humain du sport. Tu es un coach proche de ses joueurs. Parmi les joueurs avec qui tu as échangé, as-tu déjà noué des liens forts ?
Will Weaver : Ces choses viennent naturellement. Elles se produisent au cours des voyages, des repas, des entraînements, des sessions films et des conversations pendant les matches. J’apprécie vraiment tous nos éléments. Chaque joueur a été incroyablement accueillant envers moi et s’est montré prêt à faire les choses d’une manière très différente de ce qu’ils avaient l’habitude de faire auparavant. Il est encore tôt, c’est une saison de dix mois, un marathon. Mais, comme tu dis, je me concentre sur la dimension humaine.
Tu as coaché en NCAA, NBA, G League, en NBL et avec l’équipe d’Australie. Tu vas découvrir cette année deux nouveaux championnats, la Betclic Élite et l’EuroCup. Comment abordes-tu cette nouvelle expérience ?
Will Weaver : C’est extrêmement différent. J’ai beaucoup à apprendre. Pas seulement au niveau du style de jeu, des joueurs et des schémas utilisés par les équipes, mais aussi sur le plan culturel. Je dois comprendre la richesse de la culture du basket en France et en Europe. Mais mon approche sera toujours la même : essayer de comprendre comment je peux aider le plus et me concentrer sur l’essentiel. À ce moment précis, cela signifie descendre de ce bus dans une heure et demie environ, manger un bon repas en équipe et nous préparer à jouer contre Cholet dans la soirée.
Comment fais-tu pour tirer parti de cette diversité ? Cela t’a-t-il apporté quelque chose de particulier dans ton coaching ?
Will Weaver : Au fur et à mesure que j’avance dans ma carrière d’entraîneur, je fais de plus en plus confiance à mon instinct. J’ai coaché pendant 20 ans. Je suis reconnaissant envers de nombreux joueurs et entraîneurs pour ce qu’ils m’ont appris au cours de ces 20 années. J’essaie donc de transmettre ces leçons tout en gardant à l’esprit que chaque personne est sur son propre chemin et qu’il lui appartient d’apprendre à travers ses erreurs, ses triomphes et ses difficultés.
Tu as passé l’essentiel de ton temps aux États-Unis et en Australie. Mais t’es-tu tout de même inspiré de coaches européens ou d’origine européenne dans ta carrière ?
Will Weaver : La liste des entraîneurs européens qui m’ont inspiré, notamment des collègues et adversaires, est probablement trop longue pour être mentionnée. Lorsque tu affrontes des équipes dans les compétitions FIBA — qui est le plus haut niveau de basketball auquel j’ai participé —, tu apprends tellement en étudiant tes adversaires. J’ai débuté avec l’équipe d’Australie à la Coupe du Monde de 2014 et j’étais chargé de scouter nos adversaires. Je me souviens très bien avoir joué contre l’équipe de France de Vincent Collet. Je l’ai affrontée à Strasbourg, aux Jeux olympiques de Rio et à la Coupe du monde en Chine. Vincent Collet est donc quelqu’un que j’ai beaucoup étudié. Je suis impatient de me mesurer à nouveau à lui dans un nouveau championnat et de continuer à apprendre de lui.
La dernière fois, nous avions également parlé des analytics, très présents en NBA et importants pour toi. As-tu l’intention de transposer ces méthodes dans ce nouveau championnat, qui est certainement moins centré sur les chiffres ?
Will Weaver : Je pense qu’il faut toujours essayer d’utiliser les outils qui sont à notre disposition pour prendre les meilleures décisions possibles. Et je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’équipes de haut niveau ou d’entreprises sur la planète qui n’utilisent pas de données pour éclairer leurs décisions. Nous nous efforçons donc de faire la même chose.
Le Paris Basketball a une identité franco-américaine très marquée. Il embrasse les deux cultures. Penses-tu que ton expérience aux États-Unis et ton profil seront bénéfiques au renforcement de cette identité ? Cela participe-t-il à faire un bon fit ?
Will Weaver : Le temps nous le dira. J’apprécie l’opportunité d’entrer en contact non seulement avec la culture basket française, mais aussi avec toutes les cultures que représentent nos joueurs, leurs familles, leurs petites amies et leurs agents. Emmanuel Mavomo (assistant coach, ndlr) vient par exemple de représenter le Congo en tant que head coach. Ce qui me plaît dans le basket, c’est qu’il est mondial. Le Paris Basketball essaie d’être ce pont entre la NBA et la France, mais aussi d’être un endroit où il importe peu que vous veniez de Guadeloupe ou, dans mon cas, d’Austin au Texas. Vous pouvez venir ici et réaliser des choses très difficiles. Je prends une brique et je la porte aussi longtemps que possible pour essayer d’aider à continuer à construire quelque chose de spécial ici.
Avec Jean-Christophe Prat, l’année dernière, Paris a terminé à la 15e place du classement. Pensez-vous pouvoir atteindre les playoffs avec votre groupe cette année ? Vous aimez ce que vous voyez pour le moment ?
Will Weaver : Les joueurs ont été fantastiques jusqu’ici. En tant que coach, on réfléchit souvent seulement avec un ou deux coups d’avance, car c’est un travail qui peut être accablant à certains moments. Donc je n’ai pas eu le temps de penser une seule minute aux playoffs. Je suis concentré sur les rotations des matches à venir et les entraînements de la semaine. Ce qu’il y a de bien dans mon travail, c’est que les résultats arrivent grâce au travail que nous faisons. Et nous sommes donc entièrement concentrés sur ce travail.
Tu es venu ici avec ta famille, c’est un changement de cadre radical. Appréciez-vous la France et Paris jusqu’ici ?
Will Weaver : Absolument (en français). C’est formidable. Nous avons visité la ville, les Tuileries et les Galeries Lafayette, et nous avons eu l’occasion d’aller à Disneyland la semaine dernière. Le Paris Basketball y a fait une apparition où nous avons pu entraîner certains membres du personnel de Disneyland. Mon fils et ma femme ont pu se joindre à moi. D’ailleurs, mon fils voulait absolument rejoindre les femmes que nous entraînions sur le terrain (rires). Mais une fois notre séance terminée, nous avons exploré le parc. Nous avons donc beaucoup apprécié Paris, mais aussi la France et l’Europe dans son ensemble. C’est peut-être la meilleure partie du basket, les endroits où il vous emmène.
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Will Weaver coachera ses premier matchs avec sa nouvelle équipe à la Halle Carpentier, les 10 et 11 septembre, lors des Paris European Games face à l’Alba Berlin et le Maccabi Tel Aviv. Un challenge de taille pour ses débuts.
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