Des duos marquants, il y en a eu des tas en NBA. Mais deux joueurs de la même famille qui font lever les foules et rêver une franchise ? C’est beaucoup plus rare. Vince Carter et Tracy McGrady ont eu cette opportunité à la fin des années 90. Deux jeunes joueurs très prometteurs, bombardés dans la même équipe, et unis par des liens très profonds. Ceux du sang, même s’ils ne l’ont pas toujours su, bien qu’ils se connaissaient déjà avant de partager la balle aux Toronto Raptors. Originaires de Floride, ils évoluaient dans les équipes de l’Etat. Et c’est seulement en 1997, alors que Carter était à l’université de North Carolina que McGrady s'apprêtait à rejoindre le monde professionnel, qu’ils ont découvert leur lien de parenté.
« Avant sa draft, il est venu à Chapel Hill pour s’entraîner. Il est resté une semaine et je lui ai même prêté mon vestiaire car on se connaissait de Floride. Le jeudi, il me dit qu’il rentre pour une réunion de famille. Je lui dis, OK, pas de problème, je te vois la semaine prochaine. Et c’est pendant cette réunion qu’il a parlé à ma grand-mère.
Il lui expliquait qu’il était à North Carolina en ce moment. Alors, elle lui a dit que son petit-fils y était à la fac. Vraiment ? Oui, mon petit-fils Vince. Vince Carter ? Oui. C’est comme ça qu’on a appris qu’on était parent. Il m’a aussitôt appelé sur mon portable : ‘hey cousin !’ C’était assez incroyable.
Après toutes ces années à se croiser et se connaître de loin, on apprenait qu’on était de la même famille », racontait VC en 2016.
Cette révélation a évidemment rapproché les deux basketteurs en herbe. Et ça a même facilité la transition vers la NBA. « C’était plus facile pour moi d’arriver à Toronto en sachant que T-Mac était déjà là », poursuit Carter. Et que dire de ‘T-Mac’. Parce qu’avant de retrouver son cousin dans l’Ontario, le neuvième choix de la draft 1997 était complètement livré à lui-même. Avec presque 20 heures de sommeil (!) certains jours, pour tuer le temps. Loin de chez lui. Un début de carrière très discret – 18 minutes par match pour sa première année dans la ligue – et pourtant agité. En effet, l’ailier ne devait pas atterrir à Toronto mais à… Chicago.
Le jour où Jordan a fait capoter un transfert entre Tracy McGrady et Scottie Pippen
Les Bulls venaient de décrocher le titre en 1997. Le cinquième de leur histoire. Malgré ça, Jerry Krause avait déjà les yeux rivés vers l’avenir. Et pour le GM, le futur portait le nom de Tracy McGrady. Un lycéen inconnu il y a peu mais révélé sur le tard après avoir dominé Lamar Odom et tous les autres participants d’un camp adidas. Sauf que les taureaux ne disposaient que du vingt-huitième choix. Impossible de piocher le talent de demain dans ces conditions. Alors le dirigeant a pris son téléphone en cherchant un transfert pour Scottie Pippen, la deuxième superstar de l’effectif. Sous la pression, notamment celle de Michael Jordan, Krause a fini par abandonner l’idée.
« Il recevait des menaces de mort parce qu’il voulait transférer Pippen. Il voulait vraiment le faire mais Jordan l’a appelé pour lui dire qu’il prendrait sa retraite si les Bulls sélectionnaient Tracy », raconte l’ancien coach de McGrady au lycée dans le livre ‘Boys Among Men’ de Jonathan Abrams. « Il n’aurait peut-être pas pris sa retraite mais Mike aurait vraiment été très, très, très fâché. Pippen était son lieutenant depuis 1987 », explique Jim Stack, assistant GM à l’époque.
Tracy McGrady s’est donc retrouvé à Toronto. Et son cousin Vince Carter l’a rejoint un an plus tard. Là encore, il a fallu un coup du destin. Co-star de North Carolina avec son ami Antawn Jamison, il a justement été échangé contre son ancien coéquipier le soir de la draft. Les Raptors ont pris Jamison avec leur quatrième choix. Les Golden State Warriors ont sélectionné Carter. Puis les deux joueurs ont fait le chemin inverse. Les deux cousins étaient réunis.
Vince Carter et T-Mac, ça fait des étincelles
Ils ont vite fait des étincelles. Surtout Carter, évidemment. Bombardé successeur de Jordan – en concurrence avec Kobe Bryant et Allen Iverson pour le titre honorifique – en raison de son style de jeu aérien et de son affiliation avec North Carolina, la nouvelle star des Dinos a débuté sa carrière en trombe. Rookie Of The Year en 1999. McGrady n’était pas encore au même niveau mais l’arrivée de son ami l’a revigoré. Son cousin l’a pris sous son aile. Les deux étaient alors inséparables.
« Ils disent qu’ils sont cousins… mais en réalité ce sont plutôt des frères siamois », plaisantait leur partenaire Dee Brown pour décrire la relation entre les deux jeunes hommes.
Leur entente a propulsé Toronto parmi les outsiders de la Conférence Est en 99-00. Les deux stars étaient unies sur le parquet. Avec un Carter à quasiment 26 points par match et un McGrady qui émergeait alors à 15 pions en sortie de banc – avant de passer titulaire en fin de saison. Deux athlètes incroyables… adversaires et même partenaires lors du Slam Dunk Contest mythique de l’an 2000. McGrady a participé à la finale du concours tout en aidant Carter à passer quelques dunks mémorables. Les deux se tiraient vers le haut. En cherchant constamment à faire plus que l’autre. Mais ça a fini par poser problème.
https://www.youtube.com/watch?v=6j2LxSWrjuE
La fin trop hâtive d'un tandem prometteur
Free Agent à l’issue de la saison, ‘T-Mac’ voulait plus de responsabilité. Il ne comptait pas faire l’intégralité de sa carrière dans l’ombre de Vince. Convoité par Miami et Chicago, il a rejoint Orlando. Proche de la maison familiale. Il s’est alors affirmé comme une superstar dans cette ligue. Au même niveau que Carter. Libéré de sa présence – et promu première option du Magic suite à la blessure de Grant Hill – McGrady a fait monter ses stats à 27-7-4 de moyenne. Sauf que son cousin a eu de la peine à digérer son départ.
Les deux hommes ne se sont pas adressé la parole pendant quelques mois. Jusqu’à ce que Charles Oakley agisse en tant que médiateur. Le vétéran, resté à Toronto, était au téléphone avec McGrady. Quand il a soudainement filé le portable à Carter pour les obliger à se parler. Les deux hommes ont alors mis leur différend de côté. Aujourd’hui, avec le recul, ils regrettent leur séparation trop rapide.
« Je suis sûr que nous aurions accompli quelque chose de spécial si j’étais resté », avoue McGrady. Un avis partagé par Carter : « On en parle entre nous : ‘Et si on était resté ensemble à Toronto…’ On en rigole. Mais franchement, on était proche. On se rendait la vie plus facile sur le terrain, nos jeux se complétaient bien.
On se comprenait tous les deux par le jeu car on avait grandi ensemble d’une certaine manière. J’ai compris sa décision. Il voulait voler de ses propres ailes. Personnellement, je pensais cependant qu’on pouvait le faire ensemble. J’ai compris qu’il voulait être le leader d’une équipe. Mais c’était un problème selon moi car notre duo était quasiment inarrêtable.
On pouvait mettre en place un système et l’appliquer soit pour lui soit pour moi, vu qu’on était l’un et l’autre très athlétiques et très bons en attaque. Un « one-two punch » comme ça, c’était pratiquement impossible à arrêter. J’aurais aimé qu’on ait deux ans de plus pour voir où ça nous aurait menés… »
Tracy McGrady et Vince Carter se sont tous les deux affirmés comme des superbes individualités au cours de leur carrière. Mais sans réussir à faire franchir un cap à leurs équipes respectives. Carter n’a jamais mené les Raptors au-delà du second tour. McGrady a attendu une pige anecdotique aux Spurs en fin de parcours pour gagner une série de playoffs. Peut-être qu’ensemble, ils n’auraient pas juste enflammé la NBA : ils l’auraient terrorisée.