Le premier mois de la nouvelle saison NBA est passé à une vitesse folle et des premiers bilans s’imposent. Chet Holmgren devance par exemple Victor Wembanyama dans la course au Rookie Of The Year, du moins d’après la majorité des sites spécialisés (dont le nôtre). L’intérieur américain ne domine pas son homologue français statistiquement parlant mais il donne l’impression d’être plus consistant, notamment parce qu’il est plus efficace.
Rookie Race 2024, vol.1 : Wemby, Chet, Ausar, ça part fort
L’avantage, entre autre, d’avoir pu passer un an à observer ses coéquipiers du Oklahoma City Thunder – il a été drafté en 2022 – tout en bénéficiant des conseils et des consignes de tout un staff NBA. Il profite surtout du fait d’évoluer dans une équipe beaucoup plus forte où il a la vie plus facile. Holmgren est intégré dans un système déjà établi, même s’il contribue clairement à élever le niveau de jeu de sa formation (dont il est sans doute déjà le deuxième meilleur élément).
Ce n’est pas le cas pour son « rival » européen aux San Antonio Spurs. Wembanyama doit tout construire de ses mains, ou presque. Ça s’explique en partie par la volonté de Gregg Popovich et de son staff d’aligner Jeremy Sochan, 20 ans et 2,03 mètres, en tant que meneur de jeu titulaire pour sa deuxième saison NBA. Un poste absolument nouveau pour le jeune homme, formé en tant qu’ailier-fort atypique.
Officiellement labellisée « expérience 2023-2024 », cette décision a du sens sur plusieurs aspects. Sochan n’est certainement pas amené à jouer à la mène la suite de sa carrière mais il présente des similitudes avec Draymond Green, l’autre moteur de la machine à scorer que sont les Golden State Warriors. Apprendre à lire correctement le jeu et à comprendre ses subtilités prend du temps et nécessite de nombreuses répétitions. En lui offrant cette opportunité si tôt dans sa carrière, sans vraie obligation de résultats, les éperons le mettent dans les conditions pour progresser.
Sauf que ça tourne doucement à la « catastrophe » (façon de parler) pour la franchise texane. Elle reste sur 12 défaites consécutives, la troisième plus longue série de revers de son Histoire, et le sophomore commence à accuser le coup. Mener le jeu représente désormais plus une charge mentale qu’autre chose. Il est d’ailleurs vivement critiqué sur les réseaux sociaux, même si c’est injuste. Qu’il lise ou non les avis de ses détracteurs ne change pas grand-chose au problème et il ne cache pas qu’il aimerait aussi des fois juste évoluer à son poste naturel.
« Il y a des moments où je n’ai pas envie [de jouer meneur]. Des fois où je me dis ‘fuck this shit’ », avoue l’intéressé.
Jeremy Sochan n’a pas la vision nécessaire, ni le sens du timing pour diriger une attaque NBA à l’heure actuelle. Il se contente de remonter la balle et de servir Wembanyama. C’est un passeur correct, surtout pour sa VRAIE position, mais il n’est pas en mesure de vraiment élever le niveau de ses partenaires avec son playmaking.
Les Spurs le savaient. Ils ont tout de même tenté l’expérience. Mais il est peut-être temps d’y mettre fin, ou plutôt de la faire évoluer. Parce que perdre trop de matches n’est pas non plus favorable au développement de ce groupe. Ça heurte le moral, l’ego et les défaites qui s’enchaînent peuvent démoraliser certains joueurs.
Le pire, c’est que cette équipe est probablement meilleur que ce que son bilan l’indique (3 victoires, 14 défaites). Un peu à l’image de son rookie superstar, elle n’est pas optimisée pour gagner. Il y a des combinaisons qui pourraient mieux marcher et qui sont pour l’instant peu utilisées, par choix ou par contraintes. Popovich a notamment dû jongler avec les blessures de Devin Vassell et maintenant celle de Sochan.
Son absence – dont la durée exacte n’est pas encore connue – devrait permettre à Tre Jones de retrouver le cinq majeur. Drafté en 2020, le frère de Tyus (Washington Wizards) a débuté 65 rencontres la saison dernière pour 12,9 points et 6,6 passes de moyenne. De nombreux fans des Spurs ont réclamé à ce qu’il retrouve son statut de titulaire, notamment pour alimenter Wembanyama en bons ballons. L’accent étant mis sur le « bons. »
Le joueur qui peut faire prendre une autre dimension à Victor Wembanyama
La franchise texane marque 110 points sur 100 possessions et elle en encaisse 102 quand les deux joueurs évoluent ensemble sur le terrain. Le tout sur un échantillon assez conséquent de 193 minutes. Ça fait un moment que le constat se vérifie : le natif du Chesnay fonctionne mieux avec le meneur de 23 ans. Mais ça ne veut pas dire forcément que ce dernier doit prendre durablement la place de Jeremy Sochan.
Quand Wembanyama a été drafté par San Antonio, on imaginait déjà un cinq majeur très complémentaire avec Jones en gestionnaire, Vassell et Keldon Johnson en slasheurs-scoreurs sur les ailes, Sochan en playmaker atypique capable de combler toutes les brèches et le Français en leader offensif. Ce cinq au profil idéal n’a joué que… 16 petites minutes. Ce qui est intéressant, c’est que sur ces courts passages, les Spurs ont tout détruit sur leur passage : 141 points marqués et 85 encaissés (+56 !) sur 100 possessions.
Après, les chiffres sont tronqués par la faible répétition. Mais ce lineup doit être celui qui joue le plus souvent ensemble. L’intérêt de faire jouer Zach Collins est compréhensible, notamment pour protéger Victor Wembanyama. Mais plus il prend du rythme, plus il est intéressant de le faire jouer pivot sur des séquences de plus en plus longues.
Déjà parce que ça forcera les équipes adverses à mettre un grand en défense sur lui. Il peut les prendre vitesse possession après possession et ainsi faire remonter doucement son adresse aux tirs. Les petits plus costauds comme Robert Covington, Grant Williams, Kawhi Leonard ou OG Anunoby lui ont tous posé des problèmes. Si la défense décide de placer un ailier sur Wembanyama, ce sont alors Johnson, Vassell ou Sochan qui auront un duel avantageux.
C’est à Gregg Popovich et ses assistants de trouver la bonne balance entre donner carte blanche à ses ouailles, expérimenter mais aussi tout faire pour gagner. Sochan peut toujours être utilisé en tant que premier playmaker quand Jones se repose. De toute façon, les Spurs seront probablement mal classés à l’Ouest à l’issue de la saison et ils auront un bon pick. Autant essayer de poser le plus de bases pour l’avenir et de développer dès maintenant la culture de la gagne, dans la mesure du possible.