Il y a eu du bon, du beau et du mauvais. Après deux semaines complètement folles suivant sa draft, Victor Wembanyama a finalement disputé ses premiers matches sous les couleurs des San Antonio Spurs. Il ne s’agit « que » de la Summer League, rarement révélatrice, mais les débuts du jeune talent le plus « hypé » (à ne pas confondre avec « fort ») depuis LeBron James étaient évidemment très, très attendus. D’ailleurs, le choc avec les Charlotte Hornets de son dauphin à la draft Brandon Miller s’est joué à guichets fermés. Salle pleine à craquer, avec du beau monde en tribunes.
Commençons donc par le mauvais, ou en tout cas le moins bon. Ça colle avec l’ordre chronologique des évènements puisque que le géant français a délivré une performance en demi-teinte pour sa première avec les Spurs vendredi dernier : 9 points à 3 sur 12 aux tirs, dont 1 sur 6 à trois-points, 8 rebonds, 3 passes et 5 contres. Certainement pas catastrophique sur l’aspect purement comptable mais, avec l’engouement autour du bonhomme, nombreux sont ceux qui attendaient, ou espéraient, un carton dans la lignée de ceux claqués dans la même arène lors de ses passages avec les Mets de Boulogne-Levallois en octobre dernier (36 et 37 points).
Un rythme encore trop intense pour lui
La foule est venue en masse pour le voir briller et elle est certainement restée sur sa faim, retenant d’abord ses tirs ratés et ses séquences maladroites plutôt que les bons points aperçus au cours de cette première demi-heure de jeu. Lui-même s’est senti en décalage :
« Honnêtement, je ne savais pas vraiment ce que je faisais sur le terrain ce soir. Je pense que le plus dur pour moi, c’était de comprendre le rythme. Parfois, je n’étais pas dans le bon tempo par rapport aux actions. Il s’agit de mon axe de progression le plus important, je dois être prêt afin de réagir aux actions demandées par le meneur. »
« J’ai vraiment besoin du repos qui va arriver. L’été va être important pour mon développement. Je crois qu’il y a du boulot sur le plan physique. Pour être en mesure de jouer une saison à 82 matches. Surtout avec notre style de jeu, nous courons beaucoup. C'est vraiment épuisant. Même sans jouer 40 minutes, j'étais toujours fatigué et épuisé en allant sur le banc. Donc il y a beaucoup de travail de préparation à faire. »
La condition physique a pêché, surtout après une saison aussi longue. Encore plus après les journées intenses et extrêmement chargées en sollicitations en tout genre qui ont suivi son arrivée sur le sol américain.
« Je veux juste recommencer à jouer au basket. Honnêtement, le basket n'a occupé que 15% de mon calendrier depuis que je suis là et je ne supporte pas ça, je veux jouer au basket. (…) Je ne vais pas faire la Coupe du monde, donc j'aurai deux ou trois très bons mois devant moi. Honnêtement, je vais sans doute disparaître des médias sur cette période (sourire). Il y a beaucoup d'obligations médiatiques qui m'ont surpris. Je ne parle pas des conférences de presse d'après match qui durent cinq minutes, mais des caméras qui te suivent dans ta chambre. »
Victor Wembanyama a eu beau savoir depuis des mois que ce moment viendrait, rien ne pouvait le préparer pour un tel engouement autour de sa personne. Pour revenir au terrain, il n’était pas prêt non plus pour le niveau d’intensité de la Summer League, et donc encore moins celui de la NBA. Ça va très vite. Et ça demande donc un cardio exceptionnel, même s’il reconnaît que le jeu est « plus physique en Europe. »
Victor Wembanyama veut disparaître un peu des médias
Les meilleurs joueurs ne sont pas forcément beaucoup moins talentueux d’un point de vue purement basket en Espagne, en France ou en Serbie par rapport à ceux qui évoluent en NBA. En revanche, ces derniers peuvent reproduire ces gestes techniques après en enchaînement de courses et d’efforts répétés à une vitesse bien supérieure à celle des autres grands championnats. Et là, ça demande donc une condition physique impeccable pour vraiment montrer l’étendue de ses capacités. Autrement dit : ce premier match ne tend pas du tout à montrer que Wembanyama ne peut pas refaire en NBA ce qu’il faisait en Betclic Elite, ça confirme simplement qu’il doit travailler sur son corps pour tenir le rythme.
C’est l’aspect pointé du doigt par la large majorité des prospects, qu’ils soient issus des ligues européennes ou de la NCAA, à leur arrivée en NBA. C’est pourquoi nombreux sont ceux qui se développent sensiblement ou explorent carrément au cours de leur troisième année, citant souvent cette impression « que le jeu s’est ralenti. » Trois ans étant donc le temps d’adaptation nécessaire pour s’imprégner du rythme, même si ça ne les empêche pas d’être bon et performant avant.
Victor Wembanyama, spécimen unique en NBA
Le prodige tricolore a déjà montré des progrès d’un match sur l’autre. En seulement deux jours. Opposé à des Portland Trail Blazers privés de Scoot Henderson, blessé à l’épaule dès sa première sortie en Summer League, il a rendu une copie beaucoup plus convaincante sur le plan statistique : 27 points à 9 sur 14 aux tirs, 10 rebonds et 3 blocks supplémentaires. Une performance digne de son statut. Une manière aussi de calmer les doutes – dans ce monde, tout vite va dans un sens comme dans un autre – et de se rassurer, au moins un peu, même s’il n'a probablement pas tiré de vraies conclusions de son premier match. Les Spurs ont perdu mais il a dominé, poussant la défense à faire des fautes. Il a d’ailleurs fini la rencontre avec un pansement sur la joue.
Les coaches de San Antonio – Gregg Popovich compris – n’ont donné qu’une seule consigne à Wembanyama : expérimenter. Tester ses propres limites et voir tout ce qu’ils se sent capable et à l’aise de faire sur un parquet. Le contexte s’y prête particulièrement bien en Summer League puisqu’il n’y a aucun enjeu mais il est fort probable que l’idée générale soit la même pendant la saison régulière. Les Spurs ont un effectif intéressant mais pas de là à se mêler dans la course aux playoffs au sein d’une terrible Conférence Ouest. La saison tournera donc essentiellement autour du développement des jeunes, et en priorité du premier choix de la draft 2023.
« Il n’a pas de modèle à suivre. C’est un gars de 2,30 mètres qui a la balle entre les mains, c’est du jamais vu. Il n’a aucune référence sur laquelle s’appuyer. Il faut qu’il s’exprime sur le terrain et qu’il voit ce qu’il marche. Et il va le faire », confie un membre de l’organisation.
Avant de parler de poste ou de profil, il faut comprendre que Victor Wembanyama est déjà une star, même sans avoir mis un pied (peut-être un orteil après deux matches de Summer League) en NBA. Et les stars ont la balle. Il va bénéficier d’une grande liberté dans le jeu et ça s’est vu ce weekend à Las Vegas. Il a pu remonter la balle et il a aussi initié les actions en dribbles. C’était déjà en partie l’essence de son arsenal offensif en France. Malgré sa taille, ça n’a jamais été un intérieur classique. Oui, il peut punir au poste mais ça ne sera qu’un atout parmi d’autres.
Victor Wembanyama, le bilan de sa Summer League
Le natif du Chesnay a déjà revendiqué des attraits pour Giannis Antetokounmpo, Nikola Jokic ou Kevin Durant. L’influence de ce dernier se fait particulièrement ressentir. Contre Portland, il y a un moment où il a récupéré la balle à droite, derrière l’arc, avant d’agresser directement le défenseur en dribble avec sa main gauche. Le tout en étirant son corps au maximum vers l’avant et proche du sol pour se créer de l’espace avant de se lever de tout son long pour lui tirer par-dessus. Ça, c’est typiquement un move que KD a reproduit maintes et maintes fois en NBA. Sauf que le Français mesure facile quinze centimètres de plus que lui. Pour la petite anecdote, Durant avait débuté sa carrière en Summer League par un terrible 5 sur 17 aux tirs.
Alors il n’a évidemment pas la même aisance en dribble ou la même réussite aux tirs mais ça se travaille. Et ce sont des axes de progression qui vont très certainement être ciblés par les Spurs en plus de sa condition physique et de sa capacité à résister et absorber les contacts.
« Pour la suite, je vais parler à Pop. On va discuter avec le staff et je vais voir ce qu'ils me recommandent en ce qui concerne les vacances, le travail, le lieu où je m'entraînerai, etc. Je suis pressé d'être à la saison NBA, j'ai faim de continuer », explique déjà l’intéressé.
Les deux premiers matches de Victor Wembanyama ont au final confirmé ce qu’un public plus mesuré mais optimiste pouvait attendre de lui : un joueur déjà dominant en défense, probablement déjà favori pour finir premier aux contres en NBA, encore un peu léger, qui a besoin de se préparer mais qui possède une panoplie offensive assez unique. Il est fort probable qu’il soit bien plus fort dès les premières minutes de la présaison en octobre prochain.