Nous sommes à neuf mois de la prochaine draft mais les dirigeants NBA en ont vu assez. Pour eux, le bébé est né et il est déjà mûr. Au point où certains d’entre eux auraient demandé à Bouna N’Diaye, l’agent de Victor Wembanyama, de ne prendre aucun risque avec son poulain et de le laisser sur la touche alors que les championnats ont à peine repris.
« Nous n’allons pas mettre un terme à sa saison. Victor n’accepterait jamais une telle proposition. Il veut jouer et progresser. Avec lui, le basket passe avant tout », confie le représentant du joueur.
Cette requête extravagante de la part de quelques membres de l’organigramme de franchises NBA n’est qu’une conséquence de plus de la démonstration réalisée par le jeune homme de 18 ans mardi dernier. Opposé au G-League Ignite et à Scoot Henderson, l’autre favori pour le first pick, le Français s’est déchaîné en compilant 37 points devant environ 200 scouts et GM. 2,24 mètres, 37 points, 7 paniers primés, 5 blocks. Autant de chiffres clés. L’Amérique du basket ne parlait plus que de lui pendant les heures qui ont suivies au point d’éclipser le retour pourtant très attendu de Zion Williamson sur les parquets.
Victor Wembanyama monstrueux vs la Team Ignite, l’Amérique a compris
Une histoire de perception
Victor Wembanyama était un phénomène, il est devenu un fantasme. Il est devenu « Wemby », ce joueur que tout le monde connaît et tout le monde convoite. Dans des proportions historiques. Réseaux sociaux oblige, l’engouement est peut-être sans précédent. Et ça pourrait avoir de nombreuses conséquences sur la saison à venir.
« Victor altère la réalité du basket. Le marché des transferts et du tanking va être bouleversé après cette performance. On va avoir une course pour la dernière place absolument historique », confie un GM à ESPN.
Pour tous les râleurs, les sceptiques de nature dès qu’un joueur fait le buzz ou tout simplement les prudents qui s’empresseront de noter que c’est trop tôt, qu’il faut laisser le gamin grandir ou même que ce n’est pas justifié de lui accorder une telle attention, blablabla : peut-être que vous avez raison mais vous passez à côté du point là tout de suite. Au final, à l’instant immédiat, la question n’est même pas de se demander si Victor Wembanyama va se montrer à la hauteur des attentes qui semblent de toute façon démesurées.
Ce qui compte, ce n’est pas non plus de savoir s’il est ou non le meilleur prospect depuis LeBron James. Non, ce qui compte, c’est que les dirigeants NBA le pensent. Ce qui compte, c’est la perception des franchises plus que son niveau de jeu réel. C’est comme en bourse : parfois (souvent), les réactions ne sont que le fruit des spéculations et des anticipations du marché.
Un tanking sans précédent pour Victor Wembanyama ?
Alors concrètement, ça pourrait donner quoi ? Les San Antonio Spurs et le Utah Jazz sont pour l’instant les seuls candidats « officiels » au gros lot le soir de la draft. Les premiers en alignant une équipe sans aucune saveur après avoir transféré leur meilleur joueur pendant l’intersaison sans avoir signé la moindre recrue susceptible de leur faire passer un cap. Les seconds en sacrifiant leurs deux stars, Rudy Gobert et Donovan Mitchell, en récupérant essentiellement des futurs tours de draft.
D’autres équipes seront nulles naturellement. Ce sont toutes les formations en reconstruction comme le Orlando Magic, les Detroit Pistons, les Houston Rockets ou encore le Oklahoma City Thunder. Elles seront peut-être éventuellement tentées de ne pas progresser trop fortement en termes de victoires, histoire de se garder la possibilité d’ajouter un jeune joueur perçu (le mot clé, encore une fois) comme générationnel.
Plusieurs franchises pourraient se joindre à la course. Petit tour d’horizon rapide. Les Charlotte Hornets semblent vraiment en-dessous des nombreuses meilleures équipes à l’Est. Jouer le play-in paraît déjà peu intéressant avec la perspective d’aller chercher Victor Wembanyama. Même son de cloche pour les Washington Wizards, qui doivent d’ailleurs se sentir très, très cons d’avoir refilé une « no trade clause » à Bradley Beal.
DeMarcus Cousins scotché par le phénomène Victor Wembanyama
Même les Chicago Bulls – et oui ! – vont peut-être se poser la question. Si la saison démarre timidement, un transfert de DeMar DeRozan et/ou Nikola Vucevic et/ou Zach LaVine pourrait mettre la franchise de l’Illinois en position pour drafter assez haut. Les Indiana Pacers vont être certainement encore plus tentés de se séparer de Buddy Hield et Myles Turner. Histoire de vraiment entamer pour de bon la reconstruction. Surtout qu’il n’y a pas que Wembanyama mais aussi Henderson, qui a lui aussi brillé lors du match d’exhibition entre le Ignite et les Mets.
Un impact sur la course au titre
Si 8 ou 9 équipes se mettent à tanker, 20 autres se battront pour… 20 places disponibles. Enfin, 12 directement en playoffs et 8 au play-in. De quoi éventuellement faciliter la tâche de certaines franchises comme les Sacramento King ou les New York Knicks, qui veulent au moins accrocher le top-10 de leur Conférence. Il y aura des victoires faciles à aller chercher sur les parquets cette saison.
Même les candidats au titre vont être impactées. En effet, dès décembre, des dirigeants seront éventuellement tentés de refiler leurs vétérans. Mike Conley. Hield et Turner. Bojan Bogdanovic (déjà envoyé à Detroit mais qui pourrait encore bouger). Eric Gordon. Peut-être une star des Bulls. Gordon Hayward, etc. Autant de joueurs confirmés qui peuvent être obtenus sans grande contrepartie pour renforcer l’effectif d’une armada taillée pour le titre.
Maintenant, un peu de calme. En NBA, tout va vite. Avec internet, tout va encore plus vite. La réalité de juin n’est pas toujours celle d’octobre. Si Victor Wembanyama fait ne serait-ce qu’un match moyen ce soir, pour sa deuxième opposition contre Scoot Henderson, les propos seront peut-être déjà plus tempérées. La vérité de l’instant présent régit – sans doute à tort – ce monde. Mais s’il plante 50 pions… bref. Les Américains sont pour l’instant en plein dedans. Et nous aussi.