Victor Wembanyama doit-il se muscler pour briller en NBA ?

La question du poids de Victor Wembanyama, phénomène physique unique en son genre, divise toujours autant.

Victor Wembanyama doit-il se muscler pour briller en NBA ?

Victor Wembanyama a-t-il besoin de se renforcer musculairement ? À 100 jours de la Draft, la question persiste et revient à chaque match ou presque. Tandis que certains pensent que son gabarit ne suffira pas face aux mastodontes de la NBA, une prise de masse ne viendra pas sans conséquence et pourrait l’handicaper de bien des manières.

Croyez-le ou non, le géant français de 2,21 m n’a pas attendu que le reste du monde le découvre pour s’interroger à ce sujet. Déjà à 16 ans, il devait manger au moins cinq fois par jour et suivre un programme minutieux pour progressivement prendre du poids. Vincent Dziagwa, préparateur de Nanterre, et lui se basaient alors sur des profils à peu près similaires, comme Kristaps Porzingis (2,21 m pour 108 kg) ou Rudy Gobert (2,16 m, 117 kg), pour imaginer l’avenir du prospect.

Aujourd’hui, à 19 ans, Wembanyama fait 10 kg de plus, étant officiellement listé autour des 105. Surtout, s’il affirmait déjà au Parisien qu’il « n’accepterait jamais de rentrer dans le moule » en 2020, cette conviction s’est renforcée avec les années. Wembanyama rejette les comparaisons, les tentatives de le mettre dans une case : il veut être lui-même, unique au monde, inimitable.

Oui, les pivots qui dominent la NBA en 2023 utilisent leur corps comme des armes destructrices. Joel Embiid (2,13 m, 127 kg) en est le meilleur exemple. Nikola Jokic (2,11 m, 128 kg) serait sans doute moins dangereux au poste s’il était plus léger. Et derrière eux, on retrouve de nombreux athlètes exceptionnels qui jouent de leur avantage physique pour impacter. Mais, encore une fois, « Wemby » est un cas inédit et tracera sa propre route.

Cela ne signifie pas qu’il délaisse la salle de musculation, loin de là. Il passe au contraire deux heures par jour avec son entraîneur personnel, Guillaume Alquier, en dehors des jours de match. L’intérieur travaille avec des poids, gagne en force semaine après semaine, simplement pas dans l’optique d’élargir sa carrure.

« Ce qui m’importe, cette saison, c’est surtout de consolider une place d’éventuel premier choix de la Draft. C’est mon objectif, plutôt que d’essayer de prendre 15 kg et prendre des risques. Je veux me renforcer, mais surtout aller vers une situation propice pour la NBA », a-t-il annoncé, lors du Media Day de la LNB.

Victor Wembanyama lui-même ne s’imagine pas se métamorphoser en « big » à proprement parler. « Je ne me vois pas devenir un gars très, très large », s’est-il projeté dans une interview pour ESPN. Ce n’est peut-être pas une décision définitive, mais il y a peu de chances que le probable premier choix de la draft change ses plans tant que tout marche si bien pour lui.

Pourquoi Victor Wembanyama aurait-il besoin de prendre du poids ?

Le 23 février, pendant les éliminatoires pour le Mondial 2023, une vidéo du pivot tchèque Ondrej Balvin dunkant sur Wembanyama a fait le tour de la planète. Ce nouveau highlight — pour une fois plutôt défavorable — a éclipsé sa superbe performance avec l’équipe de France. Surtout, celui-ci a relancé le débat.

L’intérieur est-il physiquement prêt pour son passage en NBA ? C’est la question que de nombreux observateurs, des deux côtés de l’Atlantique, se posent cette année.

« Quand vous défendez sur un joueur aussi grand, il faut lui rentrer dedans. C’est quand il aura affaire à ça, une fois qu’il sera dans la ligue, qu’on verra de quel bois il se chauffe. Quand il y sera, Zion (Williamson) va lui rentrer dedans, Embiid va lui rentrer dedans, Jokic va lui rentrer dedans… Ce sera ça, le vrai test », a par exemple prévenu Shaquille O’Neal, dans une interview pour House of Bounce en octobre 2022.

Dans le domaine de la domination physique, Shaq est un expert. Bien que la ligue ait énormément évolué depuis sa retraite, en 2011, la problématique qu’il évoque est toujours d’actualité. De nombreux Européens peinent à s’adapter à l’intensité de la compétition nord-américaine lors de leur transition.

La perspective du développement musculaire de Victor Wembanyama revient ainsi souvent dans le discours des joueurs. Myles Turner, qui l’a affronté pendant l’été 2022, pense notamment qu’il « devra s’ajuster à la force des pros de la NBA ». « Évidemment, son corps doit évoluer », a aussi jugé Norris Cole, ancien champion avec le Heat, passé par la JL Bourg l’année dernière. De Kristaps Porzingis jusqu’à Adam Silver, le commissioner de la NBA, ils sont très nombreux à avoir glissé une remarque du même genre.

Victor Wembanyama : Charles Barkley n’a pas appris la leçon

In fine, le seul véritable moyen de savoir si le Français a besoin de prendre du poids pour survivre aux États-Unis est d’attendre de le constater directement sur les parquets. Mais on peut déjà relever les limites évidentes de cette critique a priori sur le physique du prospect.

Beaucoup s’inquiètent à l’idée de le voir défendre les pivots de la « Grande Ligue » en post up. Pourtant, cela ne devrait arriver que de manière exceptionnelle. Nikola Jokic et Joel Embiid, les deux bigs qui affichent le plus gros volume dos au panier, ne jouent que cinq possessions de ce genre par match environ. La moyenne globale est bien en dessous de ce chiffre, déjà plutôt faible.

Au-delà de cela, si la légèreté de Wembanyama constitue un réel problème au poste 5, rien n’empêche de le positionner ailleurs. Il est en effet suffisamment mobile et technique pour partager le terrain avec un big man qui compenserait cette lacune. Il est de toute façon évident que la pépite française n’est pas parfaite. Même un talent générationnel a des failles.

« Je pense que [Wembanyama] est juste un produit de l’évolution du basket. Tout le monde veut un basket sans postes, où tout le monde peut switcher, tout le monde peut tirer, tout le monde peut dribbler, tout le monde peut passer », a analysé un cadre de la Conférence Ouest pour The Athletic, au début de la saison.

C’est peut-être plus important encore : les critiques ne semblent pas réaliser tout ce qu’induirait une prise de masse conséquente. Plus musclé ne veut pas toujours dire plus fort ou plus solide.

Une légèreté nécessaire à son basket

La plupart des pivots sont plus épais et plus physiques que Victor Wembanyama, certes. Mais la plupart des pivots sont-ils capables de dribbler, tirer et passer aussi bien que lui ? En insinuant qu’il a besoin de se renforcer nettement, on essaie de le faire entrer dans une case qui ne lui correspond pas.

Le joueur a depuis longtemps une certaine aversion pour les stéréotypes liés à sa taille. Le fait de sortir des normes par son style de jeu apparaît comme l’une de ses plus grandes fiertés.

« Il m’a dit : “vous savez coach, mon nom est Victor.” Je lui ai répondu “oui, je sais.” Il a alors ajouté : “Ça commence par quelle lettre ?” Je lui ai répondu la lettre V, et il m’a dit : “V, en chiffres romains, c’est 5. Mon nom est Victor parce que je peux jouer aux cinq postes.” Et j’ai trouvé ça extraordinaire de la part d’un gamin de 16 ans », a raconté Michaël Bur, qui l’a coaché à Nanterre, au New York Times.

« J’ai toujours essayé d’être original dans tout ce que je fais, et c’est vraiment quelque chose qui est ancré dans mon âme : sois original, sois unique en ton genre. Je ne peux pas l’expliquer. Je pense que je suis né comme ça », a confirmé l’intéressé.

Cette particularité est l’essence de ce qu’est « Wemby ». Il s’agit de sa plus grande force, de ce qui en fait un joyau si convoité dans le monde du basket et un athlète si fascinant. Et le pousser à se muscler pourrait altérer cette originalité.

Wembanyama Race : le sprint final est lancé

Louée pour sa mobilité, son footwork, sa manière de bouger, la star des Metropolitans 92 impressionne par la légèreté de ses appuis. Damian Lillard et Derrick Rose, entre autres, se sont dits surpris par cette agilité. Il faut donc la préserver à tout prix.

Pendant l’été 2021, le jeune français a rencontré Holger Geschwindner, le très estimé mentor de Dirk Nowitzki. Il est revenu de son voyage de 10 jours en Allemagne avec de précieux conseils, dont celui de ne pas trop s’alourdir.

« Je lui ai dit quand il est parti : ne t’approche pas de la salle de musculation. S’ils essaient de faire de toi un colosse, tu seras fini avant d’avoir 25 ans. Tout le monde est surpris qu’un grand garçon puisse bouger comme ça, mais il ne peut bouger comme ça que parce qu’il n’est pas lourd. C’est ce que les gens ne comprennent pas », a expliqué « Der Professor » à Marc Stein, dans la foulée de l’article de Pascal Gilberné pour Slam Magazine.

Pour Victor Wembanyama, la légèreté est une nécessité. Elle s’impose pour conserver ce jeu si étonnant qui fait de lui un prospect unique. Elle s’impose également pour préserver son corps des blessures, une source d’inquiétude majeure compte tenu de sa taille.

Un poids souvent source de problème chez les grands

Peu de géants ont réussi à durer en NBA. Le précédent Yao Ming (2,29 m), dont la carrière a été plombée par les blessures, est l’un des exemples les plus marquants de ce phénomène. Pour cause, la taille est un facteur de risque sur les parquets.

À chaque intervention ou presque, les mêmes mots reviennent : « s’il reste en bonne santé… » On les a entendus dans la bouche de Tony Parker sur le plateau du Canal Sports Club après celle de Giannis Antetokounmpo au début de la saison. À chaque chute du prodige, toute la planète basket retient son souffle.

Le camp de Victor Wembanyama préfère donc prévenir que guérir. Le joueur se concentre sur son gros orteil, qui pose souvent problème chez les athlètes de sa taille, et a adopté une routine d’avant-match extrêmement complète. Et une partie de cette stratégie consiste à éviter qu’il s’alourdisse.

« Le poids viendra avec le temps, mais mettre l’accent dessus est une erreur. Je suis sûr à 100 % de cela. Si vous mettez trop de poids trop rapidement sur le corps de Victor, cela ne va pas durer. C’est certain. Il sera sujet aux blessures », a expliqué son agent, Bouna Ndiaye, à ESPN.

Victor Wembanyama : la préparation du phénomène français

Le poids est en effet un second facteur de risque pour les basketteurs. Dans cette discipline où les changements de direction et les sauts sont si fréquents, les corps des mastodontes sont souvent mis à l’épreuve de leur propre physique.

« On a des gabarits qui peuvent atteindre les 120, 125 kg, qui vont sauter, qui vont répéter des décélérations très fortes, des changements de direction très forts, et vont mettre des contraintes très importantes, de par leur poids de corps, sur les articulations. […] (Pour Victor Wembanyama), on a toujours les mêmes problématiques de fragilité », a jugé Manuel Lacroix, préparateur physique de l’ASVEL et de l’équipe de France, dans une vidéo du Monde.

Au-delà même de la question des blessures, une prise de masse pourrait s’avérer handicapante pour le Français. Un match représenterait pour lui beaucoup plus d’efforts, car mouvoir son corps deviendrait plus difficile.

Il y a l’habitude, aussi. Wembanyama a toujours été grand et a eu le temps de s’adapter à son corps. C’est dans cette enveloppe qu’il a trouvé son rythme, son jeu et une manière de dominer sur les parquets. Une transformation trop rapide pourrait lui faire perdre ses repères et donc un avantage majeur.

« C’est très impressionnant ce qu’il réussit à faire à un si jeune âge. Je pense que c’est encore plus difficile quand tu deviens aussi grand », nous expliquait Nikola Vucevic, pivot des Bulls de 2,08 m pour 117 kg, dans une interview au mois de décembre. À 2,21 m à 18 ans, ce n’est pas facile de contrôler son corps aussi bien. Il y arrive, ça se voit à la manière dont il joue, son tir, son dribble. »

Maintenir cette masse sera également un autre challenge. L’intérieur de Boulogne-Levallois doit déjà manger cinq fois par jour et devrait consommer encore plus de calories s’il se renforçait véritablement. Cette transition, qui semble peut-être banale d’un œil extérieur, n’a rien d’anodin. On a pu observer avec l’exemple de Tacko Fall (2,26 m) à quel point ces conditions pouvaient être difficiles.

Victor Wembanyama doit-il prendre du muscle ?

Tout indique qu’une prise de masse considérable apporterait plus de problèmes qu’autre chose à Victor Wembanyama. Si le joueur de 2,21 m est si mobile et si agile, c’est notamment parce qu’il surveille son poids.

Certes, celui-ci pourrait éventuellement lui poser souci en NBA. Ce risque est toutefois beaucoup moins grand que ceux qu’il prendrait potentiellement avec cette transformation physique. Au moins pour le moment, les séances de développé couché passent donc au second plan.

La vision de l’athlète et de son camp va, de toute façon, dans ce sens-là, pour de nombreuses raisons. Peut-être que cela évoluera à son arrivée en NBA. D’ici là, il faut en tout cas accepter le fait que la silhouette du Français ne changera pas avant sa Draft, et que les choses sont sans doute mieux ainsi.

Victor Wembanyama, le grand bleu