Dans le numéro 56 de REVERSE, nous étions revenus en détail sur le match totalement fou des Jeux Olympiques de Londres en 2012 entre Team USA et le Nigéria. Carmelo Anthony avait profité de l'occasion pour écrire l'une des plus belles pages de l'histoire du basket FIBA.
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Contrairement à ce qu’on croyait, ce ne sont pas les Allemands qui ont le plus lourdement bombardé Londres, mais Team USA.
Londres, Basketball Arena, le 2 août 2012 à 22h15. Comme pour tous les matches de Team USA, la salle était pleine à craquer. Même durant un événement tels que les Jeux Olympiques, où l’élite mondiale des athlètes est réunie en un même lieu, l’équipe de basket américaine opère une fascination incroyable sur les fans comme sur les observateurs. Quelques heures plus tôt, la tribune de presse était quasiment déserte pour voir l’Argentine démanteler la Tunisie, mais pour ce USA-Nigéria, même les journalistes accrédités devaient en prime avoir un billet certifiant qu’ils avaient bien une raison d’être sur place pour couvrir la rencontre. Toutes les personnes présentes dans l’arène s’attendaient à assister à une rouste, mais personne n’aurait pu deviner qu’elle prendrait des proportions aussi irréelles.
Plus de records que de Guinness
L’équipe nigériane savait qu’elle aurait à livrer un combat inégal, mais même dans ses pires cauchemars elle n’aurait jamais imaginé prendre une telle lame de fond : 49-25 à la fin du premier quart-temps. A peine le temps de reprendre ses esprits, de tenter de remonter la tête à la surface et la deuxième vague s’abattait sur elle : 78-45 à la mi-temps. Et, déjà, un premier record olympique pour le plus grand nombre de points inscrits en une seule mi-temps.
Les jours précédents, alors qu’elle avait pourtant remporté sans trembler ses deux premiers games (98-71 face à la France et 110-63 contre la Tunisie), la sélection US avaient été pas mal critiquée au pays, notamment par les anciens Dream Teamers de 92 qui avaient du mal à accepter qu’on puisse les comparer à cette escouade-ci.
On ne saura jamais si cela a servi de motivation supplémentaire ou non, tout ce qu’on sait c’est que la deuxième mi-temps s’est rapidement transformée en feu d’artifice : 119-62 à la fin du troisième quart-temps ! A 19 unités seulement du plus gros total inscrit sur un match détenu depuis 24 ans par le Brésil (138 points contre l’Egypte en 1988).
L'incroyable coup de sang d'Evan Fournier qui a transcendé les Bleus avant l'exploit contre Team USA
A ce moment, le public n’en était plus à se demander si le Nigéria pourrait ou non limiter la casse, tout ce que tout le monde voulait savoir, c’est jusqu’où les Etats-Unis pourraient pousser le carnage. Après avoir signé un quart-temps à 41 points, ils auraient dû commencer à lever le pied, non ? Non ! A la fin de ces quarante minutes de basket totalement démentes, le score final n’avait absolument aucun sens : 156-73. Le record de points du Brésil n’est plus qu’un lointain souvenir. Mais en scrutant la feuille de stats, on prenait alors la mesure de la folie de cette soirée : plus grand nombre de paniers marqués (59), de tirs à trois-points tentés (46) et réussis (29) et meilleur pourcentage aux tirs pour une équipe (71%) ! A côté de ça, c’était presque une déception de voir que Team USA n’avait réussi « qu’à » égaler le record d’assists du tournoi (41).
« En tant qu’équipe, on était vraiment dans le coup », lâchait Carmelo Anthony en guise d’euphémisme. « Ça aurait pu être n’importe qui en face et le résultat aurait été le même. »
Quatre ans après les faits, Ike Diogu a pourtant toujours autant la rage. Joint par téléphone, son ton monte immédiatement quand on lui reparle de tout ça.
« On a été trop respectueux des Américains. Team USA est une grande équipe, mais on s’est fait tuer parce qu’on a été trop gentils », peste-t-il. « Ça ne sera clairement pas la même chose la prochaine fois. »
De toute façon, une perf comme celle-ci, ça n’arrive qu’une fois dans une vie. Carmelo est bien placé pour le savoir…
Car après tout, même si celle-ci est légendaire, ce n’était pas la première fois que Team USA mettait une branlée à une équipe prise de court. En revanche, jamais auparavant personne n’ait été aussi intenable que l’ailier new-yorkais. Ce ne sont pas seulement ses 37 points (record pour l’équipe US et pour les Jeux) qui impressionnent le plus dans sa performance, ni même, à la rigueur, son adresse totalement folle (13/16 aux tirs dont 10/12 à trois-points !), mais la rapidité avec laquelle il a signé tout ça : 14 minutes. On répète, 37 points en 14 minutes, en sortie de banc !
Contrairement à ce qu’il produit en NBA, Melo a toujours été un joueur d’une incroyable efficacité et d’une sobriété de mouvement remarquable en sélection mais, ce soir-là, son aisance et sa régularité étaient tout simplement ahurissantes. A chaque fois que le ballon quittait ses mains, c’était comme si on pouvait entendre siffler le filet avant même qu’il ne le traverse.
« C’est la performance la plus dingue à laquelle j’ai assisté », nous a confié Chamberlain Oguchi, qui était aux premières loges pour assister à ce carton, puisqu’il essayait tant bien que mal de limiter la casse. « Il était à un tout autre niveau durant ce match, dans une toute autre stratosphère ! »
Carmelo Anthony, poste 4 contrarié et contrariant
Carmelo Anthony est souvent catalogué comme un mec surcoté, mais signer une telle boucherie quand on est entouré de prédateurs offensifs comme KD, LeBron, Kobe ou Harden, ça vous classe un joueur. D’ailleurs, le plus surprenant, c’était de voir tous ces compétiteurs acharnés aux égos démesurés redevenir de simples fans.
« La façon dont ils m’ont dit de continuer à shooter et dont ils m’encourageaient à rentrer encore plus de tirs, c’était super », confiait Carmelo après le buzzer final.
« C’est difficile d’expliquer comment on se sent quand on est dans la zone comme ça. Si vous ne l’avez pas vécu, vous ne pouvez pas vraiment comprendre. »
Il n’y a pas grand monde sur terre qui puisse comprendre alors…