Bill Russell est une légende et sa disparition en 2022 a été 17une immense perte pour le basket américain et le sport mondial. A chacune de ses apparitions publiques, le joueur le plus titré de l'histoire était célébré et encensé. La ville de Boston lui a dédié une statue et tout fan qui se respecte a entendu parler de la domination du grand échalas sur la NBA dans les années 50 et 60 : 11 titres de champion, des statistiques individuelles ahurissantes et un impact culturel profond.
Entre 1957 et 1966, les Celtics ont remporté 9 titres dont 8 d'affilée avec pour seule anomalie l'année 1958. Une équipe, aujourd'hui tombée dans l'oubli, a fait chuter le mythe cette année-là : les St. Louis Hawks. Depuis partis à Atlanta, les Hawks ont été le poil à gratter d'une dynastie unique. Une équipe qui, à peu de choses près, aurait pu se tailler la part du lion dans la mémoire collective.
Aujourd'hui privée de basket et contrainte de se contenter des Blues en hockey et des Rams en football, St. Louis a été une place forte de la NBA pendant... moins de 10 ans. Le temps pour Bob Pettit, 90 ans cette année, et sa bande de disputer quatre Finales et de décrocher un titre face aux intouchables Celtics, avant que les Lakers de Jerry West et Elgin Baylor ne se heurtent à leur tour à répétition au mur du Massachusetts.
La réussite des Hawks est intimement liée à celle de Pettit, rarement cité spontanément comme l'un des meilleurs joueurs de tous les temps. Et pourtant...
La preuve que Bill Russell est le winner ultime, plus que Jordan ou LeBron
"Jouer contre Bob Pettit était au moins aussi dur que de jouer contre Wilt Chamberlain", a un jour déclaré Bill Russell dans le Boston Globe.
Poste 4 de 2m06, Pettit était un rebondeur exceptionnel (16.2 de moyenne en carrière) et un attaquant génial capable de rendre fou n'importe quel défenseur aguerri. Premier MVP de l'histoire en 1956 et All-Star à 11 reprises, le natif de Louisiane est un phénomène au même titre que son rival de Boston. Peu peuvent d'ailleurs se vanter d'avoir inscrit 50 points face à Russell dans un match des Finales. Pettit y est parvenu dans le game 6 crucial de 1958, traumatisant le "Father of Defense", un peu diminué par une blessure à la cheville.
A l'époque, les médias locaux se font d'ailleurs une joie de vanter les mérites du "blanc" Pettit face à l'Afro-Américain Russell. Ils se gardent bien de rappeler à un public pas encore abreuvé d'informations en continu cette effarante anecdote : ce sont les Hawks qui ont drafté Bill Russell deux ans plus tôt avant de céder ses droits à Boston contre deux joueurs. Sans l'insistance du grand Red Auerbach, St Louis aurait pu se retrouver à la place des Celtics et écraser la NBA grâce à ce terrifiant duo...
Le racisme gangrène les Hawks
Vivre dans le Missouri dans les années 50 ou 60 lorsque l'on n'est pas de type caucasien peut s'avérer pénible. Lenny Wilkens, le Hall of Famer, raconte dans sa biographie :
"Quand je suis arrivé à St Louis en 1960, j'ai compris que les choses étaient différentes ici. En centre-ville, on ne me servait pas dans les restaurants. Je recevais des courriers ignobles et mes voisins faisaient tout pour éviter de me croiser ou de me regarder".
Au sein de l'équipe, les cadres comme Pettit sont passifs et ne font, dans un premier temps, pas grand chose pour protéger leurs camarades victimes du racisme ambiant. Le climat se détériore un peu plus en 1962, lorsque le coach Paul Seymour reçoit comme consigne de diminuer le rôle de Cleo Hill, un Afro-Américain, dont le talent risque d'éclipser Pettit, Cliff Hagan et Clyde Lovellette, les trois stars blanches de l'équipe. Seymour refuse et est limogé sur le champ.
Le malheureux Hill, victime d'une campagne de dénigrement à travers toute la ligue, ne foulera plus jamais un terrain de basket. C'est le début de la fin pour les Hawks à St Louis. Comme un symbole, c'est en 1968, l'année de l'assassinat de Martin Luther King, qu'ils déménagent à Atlanta, la ville de naissance du pasteur, pour se créer une nouvelle identité.
Bob Pettit se fait aujourd'hui extrêmement rare dans les médias, nettement plus en tout cas que les autres mythes de la ligue encore en vie. En 2010, dans un entretien avec NBA.com, il expliquait toutefois :
"Je ne suis pas malheureux que l'on ne parle pas plus de nous. On a vécu de très belles choses et d'autres moins glorieuses. Je suis satisfait de ma carrière. Qui peut dire qu'il a réussi à gagner un titre contre l'équipe de Bill Russell, le meilleur joueur de tous les temps ?"