Une blessure qui horrifie l'Amérique
Le 26 février 2007, trois ans après être devenu le lycéen drafté le plus haut de l’histoire (4e), Livingston choque l’Amérique du basket. Lors d’un match entre les Clippers, son équipe, et Charlotte, le meneur de 2m01 s’effondre sur le parquet du Staples Center après un atterrissage manqué. Le genou est broyé, hors de son emplacement traditionnel, l’image insoutenable. Le verdict est implacable et terrifiant : rupture des ligaments croisés, lésion du ménisque et du tissu rotulien, déplacement du joint tibia-fémur et on en passe. Trente ou quarante ans plus tôt, Livingston aurait dû être amputé pour éviter la gangrène. Le staff médical californien affiche plein de sang froid et lui évite ce drame supplémentaire. On l’informe néanmoins durant son séjour à l’hôpital qu’il risque de récupérer seulement la mobilité d’une personne âgée au niveau de la jambe. Un moindre mal, mais une nouvelle terrible pour un athlète professionnel. [superquote pos="g"]"J’ai toujours du mal à me projeter et à me dire que je suis présent sur la durée".[/superquote]Bien décidé à ne pas abandonner et à faire mentir ce pronostic, le natif de l’Illinois travaille comme un forcené et entame un périple avec pour objectif de prouver qu’il est encore capable de jouer au basket au plus haut niveau. Sa rééducation se passe à merveille et quelques employeurs prennent le pari de le relancer : Miami, Tulsa en D-League, Oklahoma City, Washington deux fois, Charlotte, Milwaukee, Cleveland, puis Brooklyn. Le schéma est le même presque partout. Un temps de jeu limité et une confiance rarement accordée sur le long terme pour un joueur aux qualités physiques et à la confiance évidemment moindres. A l’époque de sa renaissance chez les Nets sous la coupe de Jason Kidd, l'un de ses mentors, il nous avait confié :"J’ai toujours du mal à me projeter et à me dire que je suis vraiment lancé et présent sur la durée. Je reviens de loin. Jouer à ce niveau est une bénédiction et je me moque pas mal de mes stats. J’ai peur de me porter l’œil en étant trop optimiste".En dialoguant avec le président des opérations basket des Nets Matt Riccardi, féru de lecture, Livingston parvient alors à gérer ses débuts ratés à Brooklyn et ses doutes grâce à l’ouvrage allemand Siddartha, qui met en scène un personnage constamment en quête de connaissance et d'épanouissement. C'est cette philosophie qu'il applique désormais au quotidien.
"Je me suis identifié au héros et ça m'a stabilisé mentalement. J'ai arrêté de me mettre une pression inutile. Ce que j'ai vécu avec ma blessure était très dur, c'est vrai. Mais désormais, j'arrive à me dire que ce n'est pas uniquement un métier où des gens risquent leur poste tous les jours. C'est un jeu et j'y prends du plaisir".[superquote pos="d"]Draymond Green : "Shaun est passé par des périodes auxquelles aucun d'entre nous n'a jamais été confronté"[/superquote]Son profil de meneur trop long pour être défendu correctement par des vis-à-vis au gabarit inférieur tape alors dans l’œil de Bob Myers, le General Manager des Warriors, ravi de pouvoir ajouter un autre « match-up nightmare à sa collection. Surtout que l'intéressé est en fin de contrat. La suite, on la connaît. Utile à défaut d'être clinquant la saison passée pour décrocher sa première bague de champion, Shaun Livingston se retrouve propulsé sur le devant de la scène avec bonheur et réussite lors de la série contre les Houston Rockets le mois dernier. Un rôle de starter pour lequel il a semblé taillé lors des premières années de sa carrière, quand beaucoup l'imaginaient devenir une sorte de Penny Hardaway des années 2000, et auquel il n'a plus jamais pu aspirer.
"Shaun est passé par des périodes auxquelles aucun d'entre nous n'a jamais été confronté. Quand vous vivez des moments aussi difficiles, vous ne pouvez pas avoir peur d'entrer dans un match, même en Finales, et de changer les choses", explique Draymond Green.Le premier match de la série contre les Cavs l'a montré, Steve Kerr a besoin de Shaun Livingston pour soulager Steph Curry, aussi bien en le remplaçant poste pour poste qu'en lui étant parfois associé pour lui éviter de se disperser et lui permettre de shooter plus facilement. En attendant, si les Finales s'arrêtaient aujourd'hui, ce ne serait pas le meilleur joueur de la ligue qui récupérerait le titre de MVP, mais bien Livingston. Un honneur dont il se passerait bien, lui qui apprécie de ne plus être le centre d'attention comme dans sa jeunesse à Peoria. En continuant d'être aussi influent et efficace, difficile d'espérer vivre les dernières années de sa carrière dans l'indifférence totale... http://www.dailymotion.com/video/x4e8yqq_l-incroyable-histoire-du-comeback-de-shaun-livingston_sport