Cette année marquait la première sélection des Spurs dans le top 10 de la Draft depuis 25 ans et un certain Tim Duncan. Un choix qui a précédé 22 saisons consécutives en playoffs. Plus de deux décennies de domination qui nous ont laissés croire que la dynastie de San Antonio était immortelle. Pourtant, force est de constater qu’elle est belle et bien arrivée à son terme.
C’était la première fois de son histoire que la franchise disposait de trois picks au premier tour de la Draft. Le parfait symbole de la reconstruction dans laquelle se sont lancés le GM Brian Wright et son front office. Un processus qui s’annonce long et difficile.
San Antonio avance et oublie peu à peu les fantômes du passé. Duncan, Tony Parker et Manu Ginobili sont déjà partis depuis un moment. Kawhi Leonard a finalement refusé de prolonger leur règne. Désormais, un seul vestige subsiste et devrait bientôt passer le flambeau : Gregg Popovich.
Son départ ponctuera véritablement l’une des plus grandes ères de l’histoire du basket. Le coach, détenteur du record de victoires en NBA, a fêté ses 73 ans en janvier. Cinquante de plus que l’âge moyen de ses joueurs pour la saison 2022-2023. Sa retraite imminente est la dernière étape d’une transition déjà bien avancée.
Cependant, si les joueurs et les coaches partent, l’héritage reste. L’objectif et l’effectif n’ont plus rien à voir, mais les fondations subsistent. San Antonio n’est pas une franchise comme les autres et mène une reconstruction bien à sa manière.
Trois nouveaux joueurs, toujours les mêmes valeurs
Avant d’être une équipe, les Spurs sont une institution. Comme toute dynastie, ils ont une culture et une philosophie qu’ils ont forgées dans la victoire et sur lesquelles ils se sont appuyés pour la retrouver. C’est une chose que l’organisation espère prolonger avec la prochaine génération.
Les trois recrues, Jeremy Sochan (9e pick), Malaki Branham (20e) et Blake Wesley (25e), viennent de fêter leurs 19 ans. Si jeunes, ils semblent déjà taillés pour San Antonio.
"Jeremy est un gars que Pop adorerait emmener dîner, parce qu’il apporte quelque chose à la discussion. C’est quelqu’un qui donne l’impression d’avoir 35 ans plutôt que 19", explique Scott Drew, son entraîneur à l’université de Baylor.
Cinquième plus haut choix de l’histoire de la franchise, Sochan a l'air fait pour les Spurs. Cela passe avant tout par sa mentalité et sa maturité. C’est également quelque chose que l’on ressent dans son style de jeu : polyvalent, intelligent, très porté sur la défense.
Né aux États-Unis avant de grandir en Angleterre et de représenter la Pologne, le pays de sa mère, son ouverture et son côté "citoyen du monde" ont aussi plu aux dirigeants.
"Il m’a un peu rappelé Boris (Diaw). […] Ses centres d’intérêt et sa manière de voir le basket, mais aussi la vie en dehors du basket, concordaient vraiment avec ce que nous espérions et ce que nous espérons faire en termes d’environnement et de culture. Donc nous pensons qu’il nous apportera quelque chose sur et en dehors du terrain", a expliqué Brian Wright, le General Manager qui l’a sélectionné.
S’il arrive à développer son tir et à se montrer à la hauteur de son potentiel défensif, il peut devenir l’une des pierres angulaires du projet. Sochan est une star en puissance, à l’ADN profondément Spurs.
20e choix de la draft, Malaki Branham était également l’une des cibles principales du front office. Un coup de cœur mutuel. Ils ont même envisagé de trade up pour le récupérer. Mais ils ont finalement eu la chance de le voir descendre jusqu’à eux.
"Nous ne pensions pas qu’il serait disponible en 20. C’est un joueur avec beaucoup de potentiel", a précisé Wright.
"Mon rêve est devenu réalité cette nuit-là", a déclaré l’arrière, par rapport à sa sélection aux Spurs.
Ce que le front office a aimé avec Sochan, il le retrouve avec Branham. Selon les mots du GM, "il est intelligent, il est dur, compétitif et facile à entraîner". Sa cote a explosé en deuxième partie de saison grâce à son éthique de travail. Une qualité très précieuse aux yeux de San Antonio.
Meilleur freshman de la Big Ten en NCAA, il s’est relevé d’un début d’exercice difficile par ses efforts. Il a fini par porter son équipe offensivement, à seulement 18 ans, par sa capacité à attaquer le cercle (72% de réussite au cercle) et son adresse (42% à trois points).
L’aspect défensif est toujours en chantier. Néanmoins, son physique de 2m pour 2,12m d'envergure et sa motivation à toute épreuve laissent penser qu’il pourra devenir un joueur redoutable des deux côtés du terrain. Voilà pourquoi, dans l’effectif de Gregg Popovich, la mentalité occupe une place si importante. C’est peut-être ce qui lui permettra de véritablement traduire son potentiel sur le parquet.
"Vous n’aviez pas besoin de lui dire d’aller à la salle, de prendre des tirs en plus ou de passer plus de temps à regarder les vidéos. Il demandait toujours à travailler et il a fallu qu’on le ralentisse par rapport à ce travail supplémentaire. Il voulait venir tirer le matin, même quand on avait un entraînement à 13 ou 14 heures", décrit Tony Skinn, membre du coaching staff d’Ohio State.
Les mêmes efforts seront attendus de Blake Wesley, dont le potentiel est immense, mais qui reste pour le moment au stade de projet. Son profil physique (1,94 m et 2,06 m d’envergure) et athlétique, ses talents de créateur, ainsi que sa défense peuvent l’emmener loin. Mais il devra pour ça travailler sur ses défauts, notamment son tir extérieur.
Le cadre de San Antonio sera parfait pour ce joueur, et pour tous les autres. C’est justement pourquoi l’équipe recherche des personnes — plus que des athlètes — comme Sochan et Branham, qui incarnent les valeurs qui lui sont chères.
Dans une reconstruction, la plupart des franchises ont tendance à ne regarder que le talent et à négliger le reste. Il est clair que les Spurs ont pris en considération le fit. Un fit culturel et mental, qui ne correspond pas à un effectif, mais à une organisation.
Gregg Popovich, l'histoire de sa générosité sans égale
De solides bases sur lesquelles s’appuyer
La reconstruction de l’effectif n’en est plus tout à fait à ses débuts. Près d’un tiers de leurs 20 plus hauts choix de Draft depuis leur arrivée en NBA en 1977 remontent à moins de cinq ans. Cette saison n’est que le pic — pour l’instant — de ce processus.
On compte par exemple Josh Primo dans le roster. Un talent énigmatique, 12e choix de la draft 2021, qui a montré de superbes flashs en Summer League. À seulement 19 ans, de quelques mois l’aîné des rookies de cette année, il dispose encore d’un grand potentiel et a lui aussi une personnalité estampillée "Spurs Basketball". Celle d’un soldat prêt à se sacrifier pour le collectif.
Il en va de même pour Devin Vassell, 11e choix en 2020. Il a montré une nette progression cette année, avec des moyennes de 12,3 points et 4,3 rebonds par match. L’arrière de 21 ans est indubitablement l’un des joueurs les plus prometteurs de l’équipe.
Au-delà de ses qualités de tir, Vassell est appliqué en défense et a toujours à cœur de s’améliorer dans tous les domaines. Il fait circuler le ballon, parfaitement intégré au système collectif, en bon héritier du "Beautiful Game" de ses aînés.
Et comme si cela ne suffisait pas, il faut également ajouter Keldon Johnson à la liste. Champion olympique en 2021 sous les ordres de Popovich, l’ailier approche de son 23e printemps et progresse d’année en année.
Au-delà de ses 17 points et 6,1 rebonds par match et de sa défense, son shoot s’est beaucoup amélioré cette saison. À trois points, il est passé de 33,1% sur 2,6 tentatives de moyenne en 2020-2021 à 39,8% sur 5,3 tirs en 2021-2022. Dur au mal, travailleur et grand compétiteur, il n’échappe pas à la règle. Lui aussi est un fier représentant des valeurs de l’institution Spurs.
"Il a progressé de manière constante tout au long de l’année. Il a gagné en confiance sur son tir extérieur, et il prend de meilleures décisions quand il attaque le cercle", a tenu à souligner Gregg Popovich.
On pourrait également citer Romeo Langofrd (22 ans), arrivé à San Antonio en cours de saison, ainsi que Tre Jones (22) et Lonnie Walker IV (23). Leur avenir dans l’équipe n’est pas vraiment assuré, mais ils ont tous un potentiel certain qui ne peut être ignoré.
Tant en termes de jeu que de culture, les Spurs ont mis en place les bases saines de leur reconstruction. Leur effectif est jeune, talentueux et il a déjà intégré une partie de l’héritage dynastique qui doit lui être transmis.
La question Dejounte Murray et l’intersaison des Spurs
Si l’équipe devait désigner un leader sur le terrain, ce serait sans la moindre hésitation Dejounte Murray. Le meneur sort de la meilleure saison de sa carrière, récompensée par une sélection au All-Star Game. Il affiche des moyennes de 21,1 points, 9,2 passes et 8,3 rebonds cette année, ses records depuis son arrivée en NBA.
Leader de la ligue en interceptions cette saison, avec 2 unités par match, Murray a pris ses responsabilités. À 25 ans, il est le capitaine de l’équipe et embrasse pleinement ce rôle.
"Il a une bonne façon de se connecter à nous, les jeunes, et de délivrer le message de manière à nous motiver. C’est un leader extraordinaire. […] C’est comme un vrai grand frère, sur et en dehors du terrain. Il a toujours été mon mentor", a témoigné Keldon Johnson, particulièrement élogieux.
Gregg Popovich, qui mesure constamment ses propos, l’a même comparé à Tim Duncan pour son éthique de travail et sa patience. Et comme la légende des Spurs, il ne perd jamais de vue la victoire et l’amour du jeu. C’est la raison pour laquelle il tient à accompagner les recrues de cette manière.
"Je veux les voir réussir, car s’ils réussissent, c’est toute l’équipe qui réussit. Pour moi, ce n’est pas difficile. J’aime le jeu. J’aime mon travail. […] Je suis frustré et en colère quand mon équipe perd, alors j’essaie de trouver des moyens de m’améliorer et aussi d’aider l’équipe", assure le joueur.
Comme pour la plupart de ses coéquipiers, son identité colle à celle de San Antonio. Sans doute l’influence de son coach, dont les qualités de formation ne sont plus à prouver.
Pourtant, le front office envisage aujourd’hui de s’en séparer. Il aurait notamment pensé à échanger Murray contre John Collins aux Hawks. Atlanta aurait toutefois été calmé par les exigences importantes de San Antonio, qui n’est apparemment pas prêt à le laisser partir à n’importe quel prix. Au maximum de sa cote, il faut s’attendre à ce que le meneur reste dans les rumeurs de transfert pendant un moment.
Brian Wright et ses assistants clarifieront probablement la situation dans les jours ou semaines à venir. L’évolution du dossier Deandre Ayton nous en dira sûrement beaucoup. Alors que les Blazers, les Pistons et les Hawks s’éloignent de cette piste, la franchise texane est en excellente position pour le signer cet été.
Si une telle chose venait à arriver, difficile d’imaginer les Spurs se séparer de Dejounte Murray, sensiblement sur la même timeline qu’Ayton. Les deux joueurs seraient alors au centre du projet, avec l’espoir que Popovich soit capable de transformer le pivot mentalement.
À 24 et 25 ans, ils restent jeunes malgré leur large avance sur la majorité du groupe. La question est désormais de savoir si San Antonio veut évoluer avec ce duo ou se concentrer sur ses dernières recrues. La réponse viendra naturellement pendant l’intersaison.
Les plans de la reconstruction ne sont pas encore totalement définis. Tirer un trait sur Murray redessinerait complètement la dynamique de l’équipe. Mais quoiqu’il en soit, les bases sont bien là et les Spurs avancent dans la bonne direction.
La jeunesse s’empare peu à peu de Fort Alamo à mesure que le commandant s’approche de la retraite. Elle semble avoir les armes pour étendre leur siège au reste de la conférence ouest, à condition de se montrer patiente avec les dernières recrues. Dans un nouveau chapitre de l’histoire de la franchise, les Spurs reconquerront tôt ou tard la NBA, cela ne fait aucun doute.
L’héritage de Gregg Popovich est partout, même en Finales NBA