Draymond Green est un personnage complexe. Il est bien plus intéressant que ses phrases coups de poing - ou que ses coups de poing - peuvent laisser penser. Comme ici, sur Rudy Gobert. Sa sortie a de quoi agacer, vraiment ! Mais en creux il y a comme souvent des choses intéressantes.
Les propos, déjà. Tout part d’une réflexion sur Nurkic, qu’il qualifie de Big Softy, pour dévier sur la bonne série de Rudy Gobert.
« Ce qu’a fait Anthony Edwards de ces gars-là (KAT et Rudy Gobert) est absolument incroyable. Rudy n’est effectivement plus nul maintenant. Désormais il défend - alors qu’ironiquement il a déjà tous ces Défensive Player. Quand vous le regardez sur les switches, il est à hauteur, il n’est plus tranquille en train de dropper (quand l’intérieur recule sur le pick-and-roll pour gérer à distance le porteur de balle et/ou le poseur d’écran). Quand il doit switcher (changer), c’est comme si ses antennes s’activaient : ‘Oh ils vont me cibler, je dois défendre’.
Et je pense que c’est intéressant à voir parce qu’il est vraiment en train d’impacter la victoire et il el fait du côté défensif. Contrairement à d’autres séries où il était envoyé sur le banc. Même si Phoenix a joué small parfois pour essayer de revenir dans le match, il y a eu des fois où ils mettaient Rudy sur Royce O’Neal (1m93). Avant si tu mettais cinq extérieurs, il n’y avait aucune chance que Rudy Gobert puisse jouer. Même si c’était un grand, qui pouvait jouer au large, qui pouvait bouger, il y avait 0% de chances qu’il puisse jouer. Et tout cela a changé. Et je ne pense pas que ce soit un changement d’aptitudes. Mais un changement de ce qu’on requiert de lui. »
Derrière, Draymond Green poursuit en expliquant que Chris Finch ait bon, mais que c’est le leadership d’Anthony Edwards qui a généré ce changement.
Forcément, il y a d’abord l’énervement à entendre notre Français être traité ainsi. Bien sûr, Draymond, Gobert était nul en défense avant… Il a eu trois fois le DPOY, mais il était « trash » pour reprendre tes termes. C’est cela.
Rudy n’était évidemment pas nul en défense. Moins à l’aise sur des petits, ou moins à l’aise au large, sur pick-and-roll ? Bien sûr. Mais est-ce que ça fait de lui un mauvais défenseur ? Est-ce que ça annule tout l’abattage fourni depuis des années dans les raquettes NBA ? Evidemment non. C’est en cela que le big man des Warriors est fatiguant, comme tous ses collègues qui s’acharnent sur Rudy. La mauvaise foi est trop évidente : chaque joueur a des secteurs où il est moins à l’aise et ça ne signifie pas que le mec est nul en défense ou qu’il ne défend pas…
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Je ne sais pas s’il se rend compte qu’il s’est planté sur son meilleur ennemi et que, pour se rattraper, il nous vend un changement radical qui justifierait son ancienne opinion. Le fait est que Rudy a franchi un cap, certes, mais il n’a pas découvert la défense ces dernières semaines à Minnesota.
Ce qu’il y a découvert, c’est une équipe bien mieux armée pour la défense que son ancienne team du Jazz (ce n’était pas des peintres non plus, mais le matos n’était pas le même). S’il défendait au large et se faisait passer quand il était à Utah, la sanction était immédiate. Là, il sait qu’il peut être plus agressif dans ces situations et qu’il sera aidé derrière.
Cette plus grande confiance dans la possibilité de prendre des risques - et peut-être aussi des progrès sur les déplacements latéraux (car Rudy reste un bosseur) - font que le Français n’a jamais été aussi à l’aise sur les petits. C’est évident et on ne peut que s’en réjouir. MAIS, encore une fois, ça ne veut pas dire qu’il était « trash » en défense.
Pourquoi encore accorder de l’intérêt à la parole de Draymond Green, alors, après toutes ces sorties outrancières ? Parce qu’il n’est pas un vulgaire Gilbert Arenas (ça me fait mal de l’écrire tant les gens finissent par oublier qu’il a été aussi incroyable comme joueur que rincé comme podcasteur). Derrière ses punchlines, celles que les comptes twitter (et probablement le sien) extraient de ses podcasts, il y a toujours quelque chose.
En l’occurence, ce que Draymond Green raconte sur le leadership d’Anthony Edwards est particulièrement intéressant. Je n’adhère pas à l’idée que c’est ça et seulement ça qui aurait fait passer Gobert de nullité à excellence en défense. Ça n’a aucun sens. En revanche, ce qu’il raconte sur l’exigence qu’a sans doute instauré ANT dans cette équipe, sur son caractère est particulièrement éclairant.
L’avis d’un multiple champion NBA au QI Basket aussi élevé que ne l’est parfois sa mauvaise foi sur les coulisses d’une équipe, sur les interactions est forcément éclairant. Et pour lui, Edwards a élevé les standards de ces gars. En les poussant à être plus agressifs, en attendant de tous un petit peu plus, il a aussi créé les conditions pour que Rudy soit un plus grand défenseur encore qu’il ne l’était auparavant. Et ça c’est fort.
Alors certes, Draymond Green est souvent fatigant, mais il mérite d'être écouté.