UNE GESTUELLE DE BLOCK MAÎTRISÉE
Après cinq matches, l'international jamaïcain (le verra-t-on un jour, comme Pat Ewing, avec Team USA ?) tourne à 5,2 contres par match, sur une moyenne de 11 shoots tentés par ses adversaires près du cercle (seulement 31,8% de réussite pour eux à cet endroit). A titre de comparaison, Anthony Davis, le sophomore de NOLA, affiche une moyenne de 4 blocks, mais sur un total de 5 tirs adverses tentés près du cercle. De toute évidence, les attaquants cherchent à provoquer un maximum de fautes de la part du gros bébé des Pacers, qui doit déplacer avec lui ses 125-130 kg. Ils ont bien compris que le pivot d'Indiana, 3e joueur le plus sanctionné l'an passé au nombre de fautes (279, derrière Amir Johnson et D12), est moins dangereux... sur le banc que sous son cercle. Qu'importe : jusqu'ici, cette saison, du haut de ses 2,18m, Hibbert domine en défense, sur le thème "Solid as a Rock"."Il est le meilleur de la ligue dans son utilisation des fondamentaux de détente (littéralement "fundamental of verticality"), estime Frank Vogel, au micro de Steve Aschburner de NBA.com.Le coach des Pacers explique que son intérieur est passé maître dans l'art du contre "propre", un geste effectué face à l'adversaire, qui implique un excellent timing afin que l'arbitre retienne son coup de sifflet malgré le contact d'Hibbert avec son vis-à-vis. Un exemple de sa mobilité, face à Carlos Boozer. [youtube hd="0"]http://www.youtube.com/watch?v=wdx7EhJwsaA[/youtube] Evidemment, la saison n'a débuté que depuis dix jours, et on doute fort que le géant d'Indy accroche le record gargantuesque du pivot d'Utah Mark Eaton (5,56, en 1984-85). Et puis c'est vrai, il faut toujours relativiser les performances d'un joueur sur une poignée de matches, surtout quand son équipe lâche autant les chevaux en début de saison. Sauf que dans le cas d'Hibbert, cet impact défensif s'inscrit dans la continuité de ses excellents playoffs 2013 (17 pts à 51,1%, 9,9 rbds et 1,9 blocks en 36,5 minutes), symbolisés par son block de mammouth sur Carmelo Anthony, franchise player stoppé en plein vol - et ses Knicks avec lui. [youtube hd="0"]http://www.youtube.com/watch?v=g5rxmhZxUQo[/youtube] Les blocks ne font pas le titre de défenseur de l'année - ils prouvent aussi parfois que le défenseur a une fâcheuse tendance à sortir de ses appuis (n'est-ce pas Serge Ibaka ?), ou qu'il privilégie les stats au détriment d'une bonne vieille défense bien gênante, bras levés et jambes "en alerte". L'élection - contestée par beaucoup - de Marc Gasol l'an passé était allée dans ce sens : le pivot des Grizz, évidemment bon défenseur (en stats, ça donne 1,7 blocks et 1 steal par match l'an passé), avait aussi semblé recevoir ce trophée au nom du collectif de Memphis, très organisé en défense (88,7 pts concédés l'an passé, n°1 en NBA). Hibbert, lui, n'avait été classé que 10e de ce classement 2013, ce qui avait engendré une sortie, disons "rafraîchissante", en conf' de presse, après le match 6 remporté contre Miami en finale de Conférence. [youtube hd="0"]http://www.youtube.com/watch?v=mVPXrEh0y_k[/youtube] Le pivot des Pacers s'était ensuite excusé pour son enchaînement "No homo" - "Y'all motherfuckers don't watch us play", payant au passage une amende de 75 000 dollars à David Stern. Mais ce coup de sang (le "Y'all motherfuckers don't watch us play") avait aussi probablement traduit le ressenti du vestiaire des Pacers, celui d'être pris à la légère ou sous-médiatisé par les journalistes US (le fait d'évoluer sous les radars constitue aussi parfois une force - ndlr). Cela n'arrivera pas cette saison. Car après deux séries accrochées de rang face au Heat (2-4 en demi-finale en 2012, 3-4 en finale de conf' en 2013), Indiana est attendu au tournant. Tout le comme le 17e choix de la draft 2008, qui débute là sa sixième saison dans l'Indiana. Dans le roster équilibré des Pacers, tout le monde a un rôle bien défini, et Hibbert joue celui du nettoyeur de cercle, du géant dissuasif. Lui qui possédait le 2e meilleur "defensive rating" l'an passé (96,9 pts concédés sur 100 possessions, derrière Tim Duncan, 95) occupe après cinq matches la première place de cette catégorie statistique (82,3 pts).
SOUS L'AILE DE... TIM DUNCAN
Si Roy Hibbert progresse saison après saison, c'est aussi parce qu'il s'en donne les moyens. Ainsi, avant le lockout 2011, le pivot des Pacers avait fait la démarche de solliciter (via l'ex-Spur George Hill) Tim Duncan, une référence en matière de travail et de technique. Chemin faisant, les deux intérieurs sont devenus amis, Duncan allant jusqu'à partager ses fiches personnelles sur les autres "big men" de la ligue avec son cadet. A défaut de s'être affrontés lors des Finales (à un match près...), les deux lascars se sont une nouvelle fois retrouvés, avec l'accord de leurs franchises respectives, pour travailler ensemble durant une semaine, en août, à San Antonio - en présence de Tiago Splitter, aussi. Ils ont notamment embauché un entraîneur de boxe, afin de travailler leur jeu de jambes. Hibbert s'est aussi montré soucieux de renforcer un peu plus sa présence au rebond offensif (4,7 lors des derniers playoffs, contre 3,7 en saison régulière), afin d'être davantage présent au scoring et d'aider au mieux son équipe en attaque, comme au printemps dernier (de 11,9 pts en saison régulière à 17 en playoffs !). Afin de densifier son impact des deux côtés du parquet, il a en outre poussé de la fonte. Beaucoup, comme le montre ce reportage signé Grantland au coeur de la préparation physique estivale de l'intéressé. [superquote pos="d"]Il a réalisé une excellente saison l'an passé, j'étais fier de lui" Tim Duncan[/superquote]Ses progrès en attaque, dus notamment à une mobilité plus grande, sont d'ailleurs bien réels (cf. les dégâts occasionnés par son hook lors des derniers playoffs), même s'ils ne se traduisent pas encore en chiffres en ce début de saison. D'abord parce que Roy Hibbert a la réputation d'être un "diesel" dans ce domaine. Ensuite, parce que les Pacers comptent dans leurs rangs des joueurs au profil nettement plus offensif, à commencer par David West (11,6 pts à 40% en 30,8 min) et Luis Scola (7,2 pts à 60% en 17,4 min), ses comparses à l'intérieur. La saison passée, Hibbert tournait à 11,9 points par match (à 44,8% FG et 74,1% aux LF), contre "seulement" 8,2 unités en 29,6 minutes depuis l'entame (à 44,4% FG et 60% aux LF). Mais peut-on reprocher à un défenseur de son calibre son manque de tranchant offensif ponctuel ? A priori - il l'a en tout cas prouvé l'an passé -, Roy sait pousser le curseur de plusieurs crans en playoffs."Il a réalisé une excellente saison l'an passé, j'étais fier de lui. Il veut progresser chaque année", soulignait Duncan à Brian Windhorst d'ESPN, dans un article consacré à cette amitié née d'entraînements communs. "Nous sommes des joueurs au profil différent, mais j'ai tellement à apprendre de lui. Chaque fois que je passe du temps avec lui, j'emmène quelque chose de nouveau avec moi", confie Hibbert.L'histoire ne dit pas si tout ceci est un plan machiavélique orchestré par Gregg Popovich pour assurer la transition Duncan - Hibbert après le départ à la retraite du premier cité (on blague, bien sûr), mais la démarche de Roy Hibbert témoigne en tout cas de son ambition dévorante, à l'image de celle de ses coéquipiers.
UNE AMBITION DÉVORANTE ASSUMÉE
Ces derniers jours, les Pacers ont en effet affiché leurs objectifs, à l'image de Paul George, qui veut "sortir de l'ombre des Bulls". Certains y voient de l'arrogance, ou un discours hâbleur après cinq victoires. Alors c'est vrai, ces Pacers version "bad boys" peuvent agacer, à l'image de Lance Stephenson, qui gonfle les pectoraux après chaque lay-up. Mais dans une ligue de plus en plus aseptisée, leur exubérance pimente les débats. La frontière est ténue entre arrogance et confiance en soi, et après tout, avec ce collectif, Indiana a de très bonnes raisons de rêver. Hibbert rêve également à voix haute. Ou sur Twitter, c'est tout comme au 21e siècle. Hier, il s'est même chauffé avec des fans (du Heat ?) après un tweet limpide.DPoY. Goodnight! — Roy Hibbert (@Hoya2aPacer) November 7, 2013Au moins, il annonce la couleur. 5e meilleur contreur en 2011-2012 (2 par match), 4e en 2012-2013 (2,6), Hibbert est bien parti pour améliorer son meilleur total de blocks sur une saison (206 l'an passé, 2e derrière Ibaka 242). Mais pour le DPoY, il devra clairement hausser le ton au rebond, un secteur dans lequel il n'était classé que 19e l'an passé (8,3). En poussant un peu (mais après tout, il avait disputé son premier All-Star Game en 2012), on pourrait même imaginer Roy Hibbert en course pour une place dans le 3e meilleur cinq NBA (l'an passé, les trois pivots retenus évoluaient à l'Ouest : Duncan, Marc Gasol et Howard). S'il veut y parvenir, il devra confirmer la domination affichée lors des derniers playoffs, et progresser en attaque et au rebond. Il en aura l'occasion toute la saison, ne serait-ce que dans une conférence Est resserrée, face aux Chris Bosh, Joakim Noah, Brook Lopez, Tyson Chandler, ou encore face à son "ex-ami" Andre Drummond. Quoi qu'il en soit, sa marge de progression est encore grande, et à bientôt 27 ans (il les aura le 11 décembre), Hibbert aura le temps de prouver sa valeur dans les saisons à venir, à condition évidemment que son physique suive (cf. sa douleur au genou contre Orlando) et que son équipe demeure aussi compétitive.