Il y a 16 ans, en 2007, les suspensions de Boris Diaw et Amar'e Stoudemire ont peut-être coûté aux Phoenix Suns une chance de décrocher le titre NBA.
Les Phoenix Suns à leur zénith
La franchise de l'Arizona drivée par Mike D'Antoni a terminé avec l'un des meilleurs bilans NBA en 2007. Le coach à la moustache était à l'époque un tacticien avant-gardiste et respecté - nommé COY en 2005 - pour la mise en place d'un basket offensif altruiste, spectaculaire et efficace aux Suns. C'est le temps du «seven seconds or less», pseudonyme d'un système où les joueurs étaient encouragés à tirer le plus vite possible (dont le livre du même nom est un must read pour les fans NBA). Des principes de la philosophie de D'Antoni sont aujourd'hui repris par les Warriors ou les San Antonio Spurs mais aussi par la majorité des équipes de la ligue.
Le coach était en avance sur son temps. Et les Suns dominaient la ligue. Ils sortaient de deux saisons pleines à 62 et 54 victoires. Deux années de spectacle conclues dans la douleur d'éliminations consécutives en finales de Conférence (contre San Antonio et Dallas). Le jeu des Warriors de Steve Kerr s'inspire de celui des Suns de l'époque
Une partie du public estimait alors qu'une équipe axée principalement sur l'attaque et l'adresse extérieure n'avait aucune chance de décrocher un titre. Elles étaient réduites à briller en saison régulière avant de se consumer sur les feux des projecteurs en playoffs. Tels les Phoenix Suns. Stephen Curry et Klay Thompson n'étaient pas encore passés par là.
Alors les Suns ont cherché à progresser en défense tout en se reposant sur du jeu rapide et des tirs lointains. Au point de finalement trouvé un équilibre en 2007 avec le retour en grâce d'Amar'e Stoudemire, l'apport de Boris Diaw, l'excellence de Shawn Marion - vous cherchiez un Draymond Green avant l'heure ? - et le génie de Steve Nash. 61 succès plus tard, Phoenix talonnait uniquement des Dallas Mavericks vainqueurs de 67 matches et finalistes l'année précédente mais éliminés à la surprise générale au premier tour par des renversants... Golden State Warriors de Baron Davis, Stephen Jackson et consorts. La voie vers le titre semblait (enfin) toute tracée pour les Suns.
Après un premier tour bien négocié contre des Los Angeles Lakers portés par un Kobe Bryant héroïque mais terriblement mal entouré (Kwame Brown, Chris Mihm, Smush Parker), Nash et sa bande étaient confrontés aux San Antonio Spurs, déjà annoncés sur le déclin car paraît-il trop vieux. Paraît-il.
Un match au cœur de la polémique
Pour les Phoenix Suns, tout s'est peut-être joué à 18 secondes du buzzer de la quatrième manche des demi-finales de Conférence. Sur le bord du terrain. A quelques pas à peine du banc de touche. Alors que Steve Nash remonte la balle dans sa moitié de terrain, Robert Horry l'envoie voltiger contre la table de marque. Raja Bell et le même Horry jouent des coudes. Le premier écope d'une faute technique et le second est éjecté. Des joueurs se lèvent, des coaches aussi. Les arbitres se précipitent pour éviter tout début d'altercation au cours d'une série sacrément hostile pour une confrontations entre deux équipes de « gentlemen ». Mais le match est déjà presque plié avec une victoire des Suns arrachée à la faveur d'un 12-1 passé dans les deux dernières minutes.
« C'était une vilaine faute. C'était un geste de hockey », pestait Raja Bell au sujet du coup d'épaule brutal asséné par le vétéran des Spurs.
« Ce serait terrible que cet incident en fin de match ait un impact sur la suite de la série. Ce serait ridicule. » Steve Nash, juste après le Game 4
Mais l'action la plus importante de la soirée a eu lieu à quelques mètres de la table de marque, et ce n'est pas ce coup rageur de Robert Horry. Boris Diaw et Amar'e Stoudemire, peut-être simplement emportés par les émotions, se sont levés du banc pour quitter l'espace réservé aux remplaçants. Le replay ne plaide pas en leur faveur. La règle est pourtant connue de tous depuis les incidents qui ont rythmé la demi-finale de Conférence Est entre les New York Knicks et le Miami Heat en 1997. Une bagarre avait éclaté dans le Game 5 coûtant une suspension à Allan Houston et Patrick Ewing - soit les deux meilleurs marqueurs des Knicks - mais aussi John Starks et Larry Johnson. Seul P.J. Brown a été sanctionné côté floridien. New York menait alors 3-2 avant de perdre les deux matches suivants.
« La règle est très claire : si vous quittez le banc pendant une altercation, vous écopez d'une suspension », expliquait Stu Jackson, vice-président des opérations basket en 2007.
Les Suns sont revenus à deux partout après avoir remporté le Game 4 mais le staff et les joueurs sentent qu'ils ont peut-être perdu plus gros à l'approche d'un cinquième match décisif à venir dans l'Arizona.
« Ce serait terrible que cet incident en fin de match ait un impact sur la suite de la série. Ce serait ridicule », martelait Steve Nash en conférence de presse.
Stoudemire a beau faire mine de ne pas être inquiet, les Suns s'attendant au pire. Et la sanction fini par tomber : «STAT» et Diaw sont suspendus pour la prochaine rencontre au motif d'avoir quitté le banc pendant que les arbitres cherchaient à ramener le calme. Un coup terrible pour Phoenix qui perd là deux de ses titulaires juste avant un match clé.
La théorie du complot
Pour beaucoup, ces suspensions ont marqué un tournant dans la série. Amar'e Stoudemire était le meilleur marqueur des Phoenix Suns sur ces playoffs au cours desquelles il a cumulé 25 points et 12 rebonds de moyenne. Boris Diaw était lui l'un des hommes clés du système de D'Antoni. Ils étaient aussi deux des trois joueurs à se relayer sur Tim Duncan en défense. Contenir la superstar des Spurs, 22 pions et 11 rebonds de moyenne pendant les PO 2007, était l'une des priorités des joueurs de l'Arizona sur cette série. Duncan était d'ailleurs lui aussi au coeur de la polémique après les sanctions infligées aux Suns.
« Je suis déçu que la ligue ait appliqué la règle à la lettre sans prendre en compte l'esprit du règlement. J'admets que j'ai mis un pied sur le parquet et j'aurais dû me contenir un peu plus mais Tim Duncan a fait la même chose, de façon un peu moins agressive. Les règles sont les règles et je les accepte. Mais de je pense qu'il aurait été bénéfique pour la ligue de jeter un coup d'oeil plus profond à Tim Duncan [et à son comportement] », témoignait un Amar'e Stoudemire dépité.
« Je suis déçu que la ligue ait appliqué la règle à la lettre sans prendre en compte l'esprit du règlement. » Amar'e Stoudemire
Duncan s'était également levé du banc lorsque Francisco Elson était retombé sur James Jones un peu plus tôt dans le Game 4. Mais l'accrochage entre Jones et Elson n'a pas été considéré comme une altercation et il n'y avait donc pas matière à suspension selon la NBA.
Robert Horry a lui aussi été suspendu pour le Game 5. Une rencontre perdue de peu par les Suns - 88-85 - devant leur public. Pour la première fois de la série, Phoenix est descendu sous la barre des 100 points, ce qui était presque automatiquement synonyme de défaite pour une équipe taillée pour l'attaque. Mais malgré un style de jeu qui n'était clairement pas adapté à leurs qualités, les joueurs de Mike D'Antoni ont fait preuve de courage et de combativité.
« Ils jouaient comme des bêtes blessées. Ils étaient en colère et jouaient avec beaucoup de passion », constatait Manu Ginobili auteur de 15 de ses 26 points dans le dernier quart.
Les Suns ont joué avec orgueil mais ils étaient simplement trop justes avec une rotation réduite à six joueurs (plus un Pat Burke à trois minutes de jeu) en l'absence de Diaw et Stoudemire. Ils menaient encore 79-71 à cinq minutes de la fin du match.
« Nous étions en infériorité numérique », ajoutait Steve Nash.
« Tommy Nunez était le superviseur des arbitres sur cette série. Il n'aimait pas le propriétaire des Suns Robert Sarver et il appréciait le style de vie à San Antonio. Il voulait revenir à San Antonio pour un tour de plus. » Tim Donaghy
Les deux suspendus sont revenus pour le match suivant mais le mal était déjà fait. San Antonio a plié la série à domicile avant d'éliminer le Utah Jazz sans forcer (4-1) en finale de Conférence. Mais 2007 semblait et semble toujours aujourd'hui comme l'année des Suns. Le titre ne leur a jamais semblé aussi proche que cette saison malgré trois finales de Conférence disputées entre 2005 et 2010.
« Phoenix était clairement la meilleure équipe de la ligue en 2007. Je pense que la série [contre les San Antonio Spurs] a été mal arbitrée. Tommy Nunez était le superviseur des arbitres sur cette série. Il n'aimait pas le propriétaire des Suns Robert Sarver et il appréciait le style de vie à San Antonio. Il voulait revenir à San Antonio pour un tour de plus », racontait dans son livre Tim Donaghy, un ancien ref' controversé qui a fait de la prison et qui s'est depuis montré très critique envers l'arbitrage NBA depuis.
Difficile de dire si la NBA cherchait vraiment à éviter aux Phoenix Suns, équipe spectaculaire, une finale NBA pour avantager les San Antonio Spurs, encore considérés à l'époque comme une franchise chiante. La finale 2007 est d'ailleurs celle qui conserve encore aujourd'hui les taux d'audiences les plus faibles de la décennie.
La série entre les Suns et les Spurs a été particulièrement engagée et Bruce Bowen, malgré plusieurs coups vicieux, n'a pas été suspendu.
Mais lui n'a pas non plus quitté la zone du banc lors d'une altercation. La règle est la règle, même si ces points précis méritent parfois une toute autre appréciation. Les Phoenix Suns seraient très probablement venus à bout du Jazz puis des Cleveland Cavaliers d'un jeune LeBron James épaulé par un Zydrunas Ilgauskas sur un jambe et un Sasha Pavlovic lors des finales NBA. S'ils avaient battu les Spurs. Rien n'indique qu'ils auraient gagné ce Game 5 en présence de Stoudemire et Diaw. L'histoire a été écrite comme telle. Et, plus de dix ans plus tard, elle existe toujours. Car c'est ce que font les polémiques, elle ne disparaissent pas.