Perry Jones ou comment le Thunder peut survivre sans ses stars

Il y a quelques jours, Perry Jones était encore un illustre inconnu. Aujourd'hui, certains lui collent l'étiquette du sauveur d'OKC. Mais le Thunder peut-il survivre sans ses stars et si oui comment ? Analyse.

Perry Jones ou comment le Thunder peut survivre sans ses stars
Le Thunder traverse actuellement l’une des périodes les plus difficiles et les plus importantes de sa courte histoire. Les deux mois qui vont suivre seront déterminants pour la suite de la saison et peut-être même, indirectement, pour l’avenir de la franchise à moyen terme. Scott Brooks est forcé de composer sans Kevin Durant et Russell Westbrook, ses deux superstars, au moins jusqu’en décembre après les blessures successives des deux cyborgs d’Oklahoma City au pied et à la main. La franchise a si souvent été assimilée à ses deux jeunes All-Stars que l’on en sait finalement très peu sur les réelles capacités des autres joueurs de l’effectif. On connait le Thunder sans Westbrook. Le Californien a été victime de diverses blessures aux genoux depuis les playoffs 2013 et son compère a bâti les fondations de son premier trophée de MVP en son absence l’an passé. On connait déjà moins le Thunder sans Durant. Mais imaginer l’équipe sans aucune de ses deux figures de proue est une tâche particulièrement délicate. A eux deux, Westbrook et Durant cumulaient 53,8 pts en moyenne en saison régulière et 56,3 pts en playoffs. Selon NBA.COM, 66% des possessions jouées par le Thunder se concluaient par une action (tir, faute provoqué, perte de balle) de l’une des deux stars. C’est tout simplement énorme. Peu de candidats au titre sont aussi dépendants offensivement de leurs deux joueurs majeurs. Privé de Russ et « KD », l’effectif d’Oklahoma City s’apparente à une brochette de lieutenants et de joueurs de l’ombre, jeunes, longs, athlétiques, peu exploités ou/et limités en attaque. Mais qui va donc bien pouvoir combler le trou gigantesque laissé par leur absence ? A priori, personne. Et pourtant… il y a bien un homme qui s’affirme comme le nouveau visage du Thunder en attaque. Il s’appelle Perry Jones, troisième du nom.

Perry Jones, le sauveur, vraiment ?

Si son impact est à des années lumières de celui de Durant ou Westbrook, le jeune joueur de 23 ans s’est révélé lors de la première semaine de compétition. Il est le meilleur marqueur du Thunder avec 18,5 pts (Westbrook et Reggie Jackson n’ont pas été retenus) mais aussi celui qui passe le plus de temps sur le parquet (36,7 minutes) et du plus grand nombre de ballons en attaque (14 tirs tentés, un usage rate de 22,7% soit un point de moins que Serge Ibaka – 23,8%). Si Ibaka a revu ses responsabilités offensives à la hausse, il n’est pas étonnant que l’Espagnol ne bénéficie pas d’autant de tickets shoots qu’un Carmelo Anthony, un Blake Griffin ou un Stephen Curry, même en l’absence de Westbrook et Durant. L’intérieur bondissant est la parfaite troisième solution offensive. C’est un attaquant de complément. Il est meurtrier à mi-distance – et désormais à trois-points – lorsqu’on lui crée des espaces. Mais son arsenal dos au panier, de même que son aisance balle en main, sont trop limités pour lui confier la balle en isolation à de trop nombreuses reprises. Les premiers systèmes du Thunder à chaque début de rencontre sont d’ailleurs dessinés pour Steven Adams au poste et non Serge Ibaka. [caption id="attachment_207171" align="alignnone" width="640"] Sur la première possession du Thunder, Steven Adams est servi au poste bas, à gauche du cercle.[/caption] [caption id="attachment_207173" align="alignnone" width="640"] Schéma similaire face aux Denver Nuggets.[/caption] [superquote pos="d"]Perry Jones était une superstar au lycée[/superquote]Mais qui est donc alors ce Perry Jones III qui semble sortir de nulle part pour jouer les super héros d’un Thunder en panne d’inspiration ? Si le garçon est peut-être inconnu du public le plus large, il a pourtant longtemps été considéré comme l’un des espoirs du pays. Superstar de son lycée à Duncanville, Texas, il était présenté comme l’un des meilleurs lycéens du continent – recrue cinq étoiles selon les sites spécialisés – à son arrivée à l’université. Pour sa première saison à Baylor, il cumulait déjà près de 13 pts et 7 rbds de moyenne. Les freshmen avec de telles statistiques ne passent pas inaperçus. Comme Jared Sullinger, il était attendu très haut lors de la draft 2011 mais il a préféré passer son tour et prolonger son aventure en NCAA. Ces statistiques n’ont pas explosé la saison suivante mais son équipe a remporté plus de matches. Comme Sullinger, Jones était cette fois-ci présenté comme un lottery pick. Et enfin, comme Sullinger, une blessure a fait baisser sa cote. Le Thunder a finalement mis le grappin sur ce jeune prospect talentueux et prometteur avec le 28e choix lors de la draft 2012. Un pick qui résonnait déjà comme un « steal » potentiel à l’époque.

De joueur de banc à go-to-guy par interim

Mais Perry Jones a très peu vu la couleur du terrain lors de ses deux premières saisons en NBA. Barré par Kevin Durant, il se contente de jouer des bouts de matches au sein d’une franchise qui ambitionne clairement de décrocher un titre mais qui accorde tout de même de l’importance au développement de ses jeunes talents. A Oklahoma City, la patience est de mise. Physiquement, le natif de Winnsboro est une réplique du dernier MVP, en plus athlétique. Il est long, très long – 2,11 m – il est fin et il est extrêmement mobile pour sa taille, avec ou sans le ballon.
« Perry Jones est le meilleur athlète de la NBA », déclarait même Kevin Durant.
Comme « KD », le jeune joueur est capable de s’écarter du cercle malgré sa taille. Essentiellement utilisé comme un shooteur à trois-points dans le corner lors de sa deuxième année en NBA (22/61 derrière l’arc, 36,1%), il a remplacé la star du Thunder poste pour poste lors des quatre premiers matches de la saison. Et il a fait sensation quand personne ne l’attendait. Maladroit lors du match d’ouverture contre Portland (1/9 aux tirs), il a mis à mal la défense des Clippers dans le second (32 points, record en carrière !) et il a fait plier les Nuggets dans le troisième (23 pts). L’arsenal offensif de Perry Jones n’est pas le plus poli de la ligue mais le jeune joueur sait exploiter ses qualités premières : sa taille et sa vitesse.
« On lui donne le ballon dans de meilleures dispositions. On ne se contente pas de le laisser flotter autour de la ligne à trois-points. On lui passe la balle en bas où il peut profiter de son avantage de taille. Il prend les tirs qu’on lui offre à trois-points mais on le pousse à aller au poste bas. Et on laisse Perry jouer », commentait Kendrick Perkins après la performance de son jeune coéquipier face aux Denver Nuggets.
En réalité, Perry Jones manque de puissance pour s’affirmer comme une menace au poste bas (. En revanche, sa taille lui sert pour dégainer face à des adversaires plus petits. Les ailiers culminant à 2,11 m sont très rares, même en NBA, et il est ainsi en bonne position pour voir le cercle même avec un défenseur face à lui, bras levé. Illustration avec ce tir décisif irréaliste face au Nuggets. [youtube hd="0"]https://www.youtube.com/watch?v=luaZ5MEKa-Q#t=13[/youtube]
« C’était un bon tir. Je voulais le prendre et je me suis dit que je le prendrai. Je suis juste heureux de l’avoir rentré, ça m’a fait du bien surtout après avoir vu mes coéquipiers sauter de joie sur le banc », expliquait-il.
Mais son principal atout demeure sa mobilité et sa vitesse d’exécution. Comme le faisait remarquer Danny Chau de Grantland, le joueur du Thunder a déjà provoqué une multitude de fautes simplement en prenant son défenseur de vitesse et en attaquant le cercle. Après quatre matches, il a tiré 19 lancers (pour 14 réussis, 73,7%) soit presque la moitié de son total de lancers tentés sur l’ensemble de la saison dernière (28/42). Il n’hésite pas à harceler son vis-à-vis en le provoquant en dribbles, comme on peut le constater sur cette compilation de ses 32 points contre Los Angeles. [youtube hd="0"]https://www.youtube.com/watch?v=-o9wsL7mk7E[/youtube] Même si Jones s’est révélé au grand jour cette semaine, même s’il a ajouté un drive intéressant à sa panoplie, il demeure utilisé essentiellement dans un rôle de shooteur. Et un shooteur plutôt adroit pour le coup (46,4% dans le champ, 38% à trois-points). Surtout, il surfe encore sur l’effet de surprise. Son impact en attaque sera sans doute amoindri lorsque les défenses adverses se seront adaptées. Mais il s’est tout de même senti investi de la mission de maintenir le Thunder à flot en attendant le retour des deux casseurs flotteurs.
« Mes coéquipiers sont dans ma tête, surtout Kevin. Il me dit que l’équipe a besoin que quelqu’un élevé son niveau de jeu et soit agressif. C’est tout ce que j’essaye de faire. »

Défendre, la seule solution pour le Thunder

[caption id="attachment_124612" align="alignleft" width="300"] Serge Ibaka est à l'image du Thunder, un joueur athlétique capable d'étouffer son adversaire en défense.[/caption] L’évolution de Perry Jones III ne suffira pas à faire du Thunder un contender en l’absence de ses deux stars. Mais le succès de la franchise ne trouve pas ses origines en attaque mais bien de l’autre côté du parquet. Oklahoma City encaissait 101 pts sur 100 possessions la saison dernière, ce qui classait la franchise en cinquième position dans ce secteur derrière les Pacers, les Bulls, les Warriors et les Spurs. On retient le plus souvent les performances éblouissantes de Durant et Westbrook – ou le manque d’ingéniosité de Scott Brooks en attaque lors des défaites – mais le coach a su mettre en place un système défensif efficace qui repose sur la taille et les qualités athlétiques supérieures à la moyenne de ses troupes (en ce sens, Kevin Durant, malgré ses lacunes, contribue au succès défensif du Thunder même si certains fans ferment les yeux sur cet aspect de son jeu). Et là encore, Perry Jones a un rôle à jouer. Lorsqu’il est aligné avec Serge Ibaka, Sebastian Telfair et Andre Robertson sur le parquet, le Thunder encaissait 84,7 pts sur 100 possessions (cette combinaison a passé seulement 41 minutes sur le parquet jusqu’à présent). Avec Ibaka et Adams, il forme un frontcourt grand, athlétique et super mobile. Une pluie de bras tentaculaires s’abat sur les attaquants adverses au moment où ces derniers se dirigent vers le cercle. Les joueurs du Thunder sont physiques et ils exercent une pression permanente sur l’attaque adverse. Leur rapidité leur permet de recouvrir à temps sur leur vis-à-vis après avoir aidé et ainsi de contesté un grand nombre de tir. Selon NBA.COM, les adversaires du Thunder ne marquent que 9 paniers par match près du cercle en moyenne. Seuls les Kings, les Pacers, les Grizzlies et les Hornets font mieux depuis le début de la saison. [caption id="attachment_207191" align="alignnone" width="640"] Attaquer la raquette du Thunder revient à affronter trois joueurs culminant à 2,08 et plus. Sur cette action, Arron Afflalo s'est fait contrer par Steven Adams.[/caption] [superquote pos="d"]OKC était la cinquième meilleur défense de la NBA l'an passé[/superquote]Evidemment, la rouste infligée cette nuit par les Nets et les adversaires prestigieux affrontés par Oklahoma City lors des deux premiers matches (Portland et Los Angeles) mettent à mal cette analyse. Après quatre rencontres, le Thunder encaisse 107,7 pts sur 100 possessions mais le groupe de Scott Brooks a une vraie marge de progression dans ce domaine. Surtout, son succès en l’absence de Russell Westbrook et Kevin Durant passera par la défense. En ce sens, la blessure (une de plus !) d’Andre Robertson, inutile en attaque mais véritable poison en défense, va handicaper la franchise. Les joueurs vont devoir se mettre au diapason en défense afin de ralentir le mieux possible leurs adversaires en espérant les étouffer. S’ils y parviennent, OKC pourrait traverser les deux premiers mois de la saison sans trop accuser de retard. Il y a fort à parier que le bilan de la franchise sera négatif au retour des deux superstars – initialement prévu en décembre – mais le Thunder a l’occasion de limiter la casse. Si OKC remporte 7 de ses 25 premiers matches, il lui faudra ensuite remporter 43 des 60 suivants pour accrocher les playoffs (50 victoires étant le seuil à atteindre au sein de la Conférence Ouest…). Avec Durant et Westbrook au meilleur de leur forme – c’est un « si » de taille évidemment – cela semble tout à fait possible. D’ici le 12 décembre, le Thunder va jouer les Bucks par deux fois, les Kings, les Sixers, les Pistons par deux fois, les Celtics, le Jazz et les Wolves. De quoi engranger au moins quelques succès en attendant le retour de ses cadres. [caption id="attachment_157877" align="alignleft" width="300"] Encore deux mois à tenir pour OKC sans Russell Westbrook et Kevin Durant...[/caption] C’est là que l’évolution de Perry Jones prend toute son importance. Une fois que Westbrook et Durant auront récupéré les clés de la maison, ils auront besoin d’un supporting cast de qualité prêt à prendre le relais. Le jeune homme n’aura plus le même rôle mais on espère qu’il aura engrangé la confiance nécessaire pour s’affirmer non plus comme un simple shooteur extérieur aligné dans le garbage time mais comme un joueur de rotation à part entière. Malgré un statut de favoris que « KD » et ses coéquipiers ont toujours eu du mal à porter et malgré une dépendance évidente à son duo vedette, le Thunder s’est qualifié pour les finales de Conférence l’an passé (et en demi-finale de Conférence sans Westbrook l’année précédente). Imaginez donc un Thunder dans la peau d’un outsider au sein de la Conférence Ouest. Imaginez donc une équipe portée par Westbrook et Durant mais aussi des role player mieux impliqués et en confiance comme Reggie Jackson, Steven Adams, Serge Ibaka… cette équipe peut aller loin. A moins de traverser sans trop d’encombre les deux prochains mois et de profiter au mieux de l’absence de ses All-Stars pour développer d’autres talents comme Perry Jones.