Dans un élan d’assurance, Pascal Siakam s’est permis de poser ses organes reproducteurs sur la table pendant l’intersaison. C’est passé inaperçu, parce que, comme chaque année ou presque, les Toronto Raptors ne captent pas vraiment l’attention médiatique. Même en s’exhibant – pas littéralement bien sûr – de la sorte. Mais en termes de déclaration basket, ça revenait finalement au même : une mise et à un pari, celui de devenir un top-5 player dans cette ligue.
« C’est l’heure de passer un nouveau cap. Je l’ai toujours fait. J’ai été dans un cinq All-NBA (deux fois). J’ai été un All-Star (une fois). Je veux devenir l’un des cinq meilleurs joueurs de la ligue. Je vais tout faire pour que ça arrive », confiait le natif de Douala.
Un nouveau cap à franchir
Ça peut faire sourire ou grincer des dents d’un regard extérieur – c’est-à-dire pour un fan de n’importe quel autre équipe que la franchise canadienne. Parce que les prétendants à ce statut honorifique sont nombreux. Ils sont une bonne quinzaine de candidats à revendiquer ce droit chaque saison pour donc seulement cinq places. Et avec Giannis Antetokounmpo, Luka Doncic, Stephen Curry, Jayson Tatum et compagnie, la concurrence est particulièrement rude.
Mais il faut comprendre que le sujet n’est pas vraiment là. L’idée est un peu différente. Siakam parle de palier à franchir. Il veut surtout poursuivre son évolution. Et c’est la prochaine étape logique après avoir été All-Star et All-NBA. Il tend à accéder à cette étiquette un peu floue mais paradoxalement importante de superstar. Il veut être considéré comme tel et surtout se comporter comme tel.
Toronto est globalement perçu comme une excellente équipe sans chef de file mais avec plusieurs atouts dans sa manche. Les formations sans « top-player » font vibrer et marchent bien en saison régulière mais elles montrent souvent leurs limites en playoffs, quand les individualités pèsent de plus en plus. Lui tend à prouver qu’il y a bien un patron à bord. Un homme plus fort que les autres et à même de guider les Canadiens vers un nouveau parcours héroïque, cinq ans (déjà !) après le premier sacre de l’organisation.
Pascal Siakam en mode MVP
Deux semaines après le début des hostilités, un premier petit bilan s’impose. Les Raptors sont dans le top-4 à l’Est, même si ce n’est pas très pertinent pour l’instant, avec 4 victoires en 7 matches. Lundi soir, ils ont massacré les Atlanta Hawks (139-109) de Trae Young – limité à 14 points et 10 balles perdues. Avec encore une fois un grand Pascal Siakam aux commandes. Ce dernier a compilé 31 points, 12 rebonds, 6 passes et 2 blocks.
« Pascal est bouillant en ce moment. Je pense qu’il devrait être dans la discussion pour le MVP avec son niveau de jeu actuel », remarque Scottie Barnes.
La fameuse conversation pour le MVP ne veut rien dire à ce stade de la saison, même si elle fait vendre. Mais l’autre constat, c’est effectivement ça : Siakam est dans une forme olympique. Ses statistiques sont en forte hausse. Il tourne à 26,1 points par match avec également 9,6 rebonds et 7,4 passes. Des moyennes dignes des meilleurs joueurs de cette ligue. Pour l’instant, le vétéran de 28 ans lie les actes à la parole. Il est en passe de franchir un nouveau cap. La suite logique pour un basketteur talentueux qui n’a cessé de travailler et de progresser. Il entre désormais dans son « Prime », si jamais ça veut vraiment dire quelque chose.
« Pascal est l’un des plus gros bosseurs que j’ai vu dans ma vie. Je pense que le matin il ne prend pas de petit déjeuner et ne s’étire pas au réveil : il bosse direct pendant des heures avant l’entraînement puis il bosse encore après. Je n’avais jamais vu ça », raconte Khem Birch.
Don’t do this at home. Manger et se reposer sont des composantes essentielles de la routine d’un sportif. Parenthèse fermée. Là encore, le discours sur les joueurs qui bossent sans arrêt, jour et nuit, est un peu redondant. Mieux vaut se concentrer sur les résultats. Et ils parlent en faveur de Siakam. Drafté en fin de premier tour en 2016 (27e choix), il n’a cessé de grandir saison après saison, à l’exception d’une légère stagnation deux ans en arrière.
Un basketteur de plus en plus complet
Revenu à son meilleur niveau l’an passé, il est encore plus impressionnant aujourd’hui. C’est notamment un shooteur plus adroit. 38% à trois-points en plus de 4 tentatives. Son pourcentage aux lancers est en légère baisse (72 contre 74 en 2022) mais il se rend sur la ligne presque 9 fois par match, signe d’une agressivité accrue.
« Je pense que ça va être très difficile de l’arrêter s’il est aussi adroit », concédait Fred VanVleet après une… défaite contre les Brooklyn Nets.
Tirer avec précision lui ouvre tout le reste de son jeu. Il reste plus efficace quand il peut débouler avec des espaces et attaquer la peinture. Et s’il met ses 3-points, la défense adverse sera tentée de le marquer de plus près. Ce qu’il apprécie.
« J’aime quand l’attention de la défense est portée sur moi. Ça veut dire que vous faîtes bien les choses. Ça vient du fait que je suis agressif et que je donne le ton d’entrée. Je me dois de mettre notre équipe dans la meilleure position pour gagner. »
Hormis Luka Doncic, Shai Gilgeous-Alexander et James Harden, personne ne joue plus d’isolations que Pascal Siakam depuis le début de la saison (6 par match). Il rapporte 1 point par possession aux Raptors dans ces situations, ce qui reste plus que correct. Mais l’axe de progression majeur du bonhomme reste sa capacité à créer pour les autres. Il a déjà lâché plus de 10 passes à deux reprises cette saison. Dont 13 – un nouveau record en carrière – lors d’un succès contre les Philadelphia Sixers.
Au final, il se développe de plus en plus comme un basketteur complet capable d’assumer un statut de grand joueur. C’est déjà la plus belle victoire du début de saison pour Toronto.