Oxmo Puccino et la science de l’écriture
BasketSession : Tu savais dès le départ que ce titre serait clipé ?
Oxmo Puccino : Non, pas du tout. J'ai fais tous les morceaux à partir d'images. Donc tous les titres pouvaient être clipés. Ils se devaient tous d'être joués en live et d'être clipés.
BasketSession : Comment ça s'est passé le tournage ?
Oxmo Puccino : C'était laborieux, dans le sens où il faisait plus froid que maintenant (cette interview a eu lieu au cœur de l'hiver, alors que Paris était sous la neige), parce qu'il y avait du vent. On a tourné à Marseille, dans une sorte de parc d'attraction genre western. Mais à part cela, c'était quand même très, très marrant. Les gens qui sont venus se sont vraiment donnés à fond. Grosse dédicace à toute l'équipe Tous des K. C'était une super bonne expérience et, au final, on est super content du résultat. J'aime me mettre en danger et, là, c'est vrai qu'avec les costumes, tout ça, ça aurait pu tourner au ridicule, mais on est content du résultat et puis j'ai pensé plus aux gamins en le faisant. Rien à dire, j'en suis super content parce que ça faisait longtemps que je n'avais pas fait de clip et c'est un beau clip.
BasketSession : Quel est ton processus d'écriture ?
Oxmo Puccino : Je n'en ai pas. C'est pour ça que je ne peux pas refaire deux fois la même chose. Je suis constamment à la recherche d'un nouveau truc, d'une nouvelle manière d'écrire, de nouveaux flows… Refaire deux fois la même chose, ça me gène. Du coup, c'est vrai que c'est plus dur d'écrire, mais ça t'oblige à évoluer.
BasketSession : Est-ce que tu accordes beaucoup d'importance à la métrique ? On dirait que tu travailles plus sur les sonorités que sur le dynamisme ou la technique…
Oxmo Puccino : Aujourd'hui, mon travaille sur les rimes est moins lourd qu'auparavant, parce que le jeu de mot, aujourd'hui, est devenu une activité très courante, mais c'est souvent au détriment du texte et du sens. Moi, j'attache plus d'importance au sens qu'aux jeux de mots et à l'aspect dynamique et technique, parce que quand j'imagine les gens chanter mes textes, c'est plus facile pour eux de chanter que de « déblatérer ».
BasketSession : Et la rime dans tout ça ? Le fait de ne pas rimer parfois, c'est toujours un choix ou un peu de la flemme ?
Oxmo Puccino : Je trouve que c'est trop facile de rimer. Moi, je fais des rimes intérieures ou décalées. Ma technique d'écriture va plus loin que pipi/copie ou caca/papa, tu vois ? La rime, c'est ballot. Ça m'a d'ailleurs été reproché souvent, mais bon, il faut déjà essayer de le faire avant de critiquer. Je trouve ça plus intéressant de rimer à l'intérieur des phrases que rimer tout court, comme les Américains le font beaucoup. Les gens les écoutent, ils apprécient alors qu'ils ne comprennent rien du tout, ils ne font même pas attention au flow et pourtant ils sont là à les féliciter et à aller à leurs concerts et à réciter leurs textes sans les comprendre. Ça m'effare !
BasketSession : Est-ce qu'il y a d'autres « story-tellers » qui t'ont influencé ou qui t'ont marqué ?
Oxmo Puccino : Oui, il y a un groupe à l'époque qui s'appelait School Of Hard Knocks, un groupe pas très connu qui avait beaucoup d'avance sur son époque et dont le rappeur (Hardhead – ndlr) racontait des histoires de dingue ! Des titres comme « Dirty Cop Named Harry » et « Ghetto Love ». Sinon il y a aussi d'autres grands comme Rakim ou Big Daddy Kane, mais sinon, depuis la mort de Biggie, il n'y en a aucun.
BasketSession : Est-ce que tu as écouté le dernier album de Nas (« Streets Disciple » – ndlr)?
Oxmo Puccino : J'ai un problème avec Nas. Moi je fonctionne beaucoup à l'affectif et Nas, il a sorti un album de dix morceaux qui a changé le rap à tout jamais (Illmatic, en 1994 – ndlr). Et il s'est permis de revenir deux ou trois ans plus tard avec Lauryn Hill, sur un camion qui roulait à Broadway ! (Dans le clip de "If I Ruled The World" – ndlr) Ça, je ne l'ai jamais digéré. Par ailleurs, je suis tombé amoureux d'un album qui n'est jamais sorti officiellement, mais qui circulait sur internet, avec des morceaux comme « Fetus (Belly Button) », « Blaze A Fifty » et c'était un truc de fou (il fait référence à l’album « Lost Tapes » – ndlr). Après, je n'ai jamais accroché à ses choix de prod, mais c'est un grand artiste. Pour en revenir à son dernier album, j'ai détesté ses musiques et c'est quand même quelque chose de primordial parce que c'est là-dessus que tu te couches. Mais bon, c'est quand même lui qui a écrit les plus gros textes du rap américain…
BasketSession : Tu t’es intéressé tôt au rap US ?
Oxmo Puccino : Moi, c'est le rap ricain qui m'a d'abord marqué. Je me suis mis au rap français en 94, juste avant de me mettre à écrire.
BasketSession : Et il y a des rappeurs français dont tu apprécies le travail ?
Oxmo Puccino : Je trouve que Rim-K a une écriture intéressante. Kool Shen sort des bons trucs, comme son morceau sur Lady V. Pouvoir mettre autant d'émotion dans un texte ce n'est pas quelque chose qui est à la portée de tout le monde. S-Kive, Célèbre Bauza, c'est des gens qui se débrouillent bien. Il y a des journalistes qui se débrouillent bien. Des fois, je lis des articles super intéressants. Il y a des journalistes qui écrivent mieux que certains artistes. Il y a des journalistes qui écrivent mieux que les rappeurs qu'ils chroniquent.
BasketSession : Est-ce que le fait d'endosser une autre personnalité te permet de faire les choses différemment ?
Oxmo Puccino : Moi, je suis arrivé avec le personnage du Black Mafioso et j'ai remarqué que les gens, souvent, confondaient les deux entités. Depuis, je préfère dire tout ce que j'ai à dire, même quitte à le faire de façons différentes, sans me cacher derrière un autre personnage. De façon à ce que tout soit clair et qu'il n'y ait pas de confusion possible. C'est un piège, parce que tu peux te retrouver prisonnier d'un personnage que tu as inventé.
BasketSession : Le Black Despé, c'est un one-shot ou est-ce qu'on peut s'attendre à le voir réapparaître ?
Oxmo Puccino : Au début ce devait être un one-shot, mais je trouve marrant de développer l'idée, surtout qu’il a été clipé et que, par conséquent, il va être mis en avant. Si le public accroche, pourquoi pas…