« Il voit le jeu comme Magic Johnson, il prend des rebonds comme Moses Malone et il tire comme Dirk Nowitzki. » Mike Breen s’est un peu enflammé – mais presque pas tant que ça finalement – en assistant, ébahi, à la performance de Nikola Jokic lors du Game 1 des finales NBA la nuit dernière. La superstar des Denver Nuggets s’est encore multipliée, empruntant diverses de ses facettes, pour poster 27 points, 10 rebonds et 14 passes décisives tout en menant son équipe à la victoire contre le Miami Heat (104-93).
Nikola Jokic domine, les Nuggets frappent les premiers
Alors, non, il ne peut pas rivaliser à ce point avec les principaux points forts de trois des meilleurs basketteurs de tous les temps. Mais la clé, c’est effectivement qu’il fait un peu de tout, du moment que c’est ce qui peut aider les siens à gagner. Passer, tirer, attaquer, aller au charbon, courir, regarder, distribuer, bousculer. Il est au service du jeu, pas du « je », et le jeu lui rend bien. « Je sais que je n’ai pas besoin de tirer ou de scorer pour impacter le jeu », confiait l’intéressé juste après le buzzer final.
Il le sait, il le dit et il le prouve. Pour son tout premier match à ce stade de la compétition, Jokic n’a pas cherché à se mettre de suite en avant pour exploser les compteurs, se rassurer ou éventuellement montrer par le scoring qu’il est bien de la trempe des plus grands. Certains pourraient penser comme ça. Mais ce n’est pas dans son ADN. Voyant que son équipe tournait bien, il s’est mis en retrait. Enfin pas vraiment en réalité. Il a enfilé son costume de maître à jouer du haut de ses 211 centimètres en servant par exemple un Aaron Gordon plus costaud et plus grand que Max Strus ou Gabe Vincent, les défenseurs imaginés sur lui par Erik Spoelstra et ses assistants. Le « Joker » a senti une faille et il a fait payer ses adversaires.
« Je pense que je ne force jamais. Nos gars étaient en rythme. AG jouait vraiment bien et on avait l’avantage en s’appuyant sur lui. Je prends ce que le jeu me donne. J'ai appris à jouer au basket comme ça. C'est vraiment dur de défendre quand vous ne savez pas qui va attaquer et quand tout le monde est en mouvement. Je trouve qu'on joue un beau basket et toute l'équipe adhère à ce style. » L’équipe y adhère parce que leur meilleur joueur – statut qu’il réfute par moment en l’octroyant poliment à son coéquipier Jamal Murray – montre l’exemple.
Denver-Miami : les notes du game 1
Nikola Jokic n’a tenté sa chance qu’une seule fois au cours du premier quart-temps, assez nettement à l’avantage de Denver (29-20). En revanche, il a donné 6 passes décisives. Il pointait déjà à 10 caviars à la mi-temps. Un exploit quasiment inédit sur un match des finales NBA au cours des 25 dernières années, LeBron James étant le seul à avoir fait de même au vingt-et-unième siècle (en 2017). « C’est ce qui est beau chez Nikola. J’ai déjà appris il y a bien longtemps que c’est la défense qui vous dit quoi faire et Nikola ne force jamais rien », témoignait Michael Malone, coach admiratif et évidemment conquis depuis bien longtemps.
Les Nuggets sont rentrés au vestiaire avec 17 points d’avance et leur double-MVP n’avait pris que 3 tirs. Et même seulement 5 au cours des 36 premières minutes. Il a fini avec 12 tentatives, pour 8 paniers, soit 66% de réussite. Altruiste et efficace. « C’est le truc le plus fou avec le Joker. Il peut avoir un impact énorme en ne tirant que trois fois. Il s’en fiche. Il va juste prendre ce que la défense lui donne », remarquait Michael Porter JR. Nikola Jokic excelle tellement dans ce rôle de playmaker que c’est à se demander si la solution pour l’arrêter ne serait pas de… le pousser à marquer ?
Ça paraît contre-nature pour un coach d’encourager sa défense à ne pas chercher absolument à verrouiller le principal danger mais plutôt tous les autres. Mais c’est aussi contre-nature pour Jokic de scorer 40 ou 50 points. Il a dépassé trois fois le seuil des 35 pions depuis le début des playoffs et la franchise du Colorado a perdu à deux reprises ! En revanche, quand il lâche 12 passes ou plus… ça donne huit victoires en neuf rencontres. Puis ce n’est pas comme s’il ne pouvait pas mettre des points. Il sait aussi prendre le jeu à son compte. Quand il sent que c’est ce qu’il faut faire. Il a par exemple inscrit 12 points à 5 sur 7 dans le money time avec même deux paniers de suite une fois le Heat revenu à 10 longueurs (94-84).
« Il a contrôlé le match. Littéralement. Il a tout contrôlé. Il a ensuite choisi le bon moment pour scorer. C’est ça, pour moi, le plus haut niveau au basket », expliquait Ognjen Stojakovic, assistant aux Nuggets. Ça donne à l’arrivée son neuvième triple-double depuis le coup d’envoi des playoffs. Neuf en seize matches. C’est un record NBA. Il est aussi devenu le deuxième joueur (après Jason Kidd) à compiler un triple-double dès la première sortie de sa carrière en finales. Pas mal pour un type à qui certains refusaient l’idée de lui donner un troisième MVP de suite sous prétexte qu’il n’aurait encore rien accompli de sérieux en playoffs.