Jacques Monclar aime souvent le répéter, la notion de "two way player" au basket est censée être quelque chose de normal. On attaque, et on défend. Néanmoins, il y a des éléments plus doués (ou plus motivés) que d'autres dans ce domaine. Dans la NBA d'aujourd'hui, on parle de Paul George, de Kawhi Leonard, d'Anthony Davis, de Klay Thompson. Oui, il peut être usant d'avoir des responsabilités des deux côtés du terrain.
C'est pour cette raison que George Karl avait attendu la quatrième manche de la Finale 96 pour mettre Gary Payton, alors défenseur de l'année, sur Michael Jordan. Il ne voulait pas que ça altère son rendement offensif.
Michael Jordan a basé son succès planétaire sur ses facultés de scoring affolantes. 30 points de moyenne en carrière. 10 fois meilleur marqueur de la ligue. Des buzzer beaters en pagaille. C'est comme ça que le grand public a connu le sextuple champion NBA, par ses actions offensives d'éclat. Pour les plus aguerris, Jordan n'était pourtant pas que cet immense attaquant. Loin de là.
"C'est le meilleur défenseur de l'histoire parmi les superstars. J'ai toujours dit que les défenseurs qui trash-talk avaient plus d'impact que les attaquants qui le faisaient. Michael disait 'je sais ce que tu veux faire, mais aujourd'hui tu ne vas pas le faire'. C'était compliqué pour moi parce que je n'allais qu'à droite," balance Doc Rivers, qui a croisé le fer plusieurs fois avec le quintuple MVP.
Michael Jordan, seul joueur de l'histoire à 200 interceptions et 100 contres deux saisons de suite
En 1988, son année la plus faste individuellement parlant, il a cumulé MVP de la saison et du All-Star Game, vainqueur du concours de dunk mais aussi meilleur défenseur de l'année. Un honneur en général réservé aux intérieurs. Depuis l'instauration du trophée en 1982, seuls neuf joueurs extérieurs ont mis la main sur ce trophée.
Intercepteur de génie grâce à son intensité, ses mains actives, mais aussi son sens de l'anticipation, Michael Jordan était une denrée rare dans sa moitié de terrain. Il fait partie des trois joueurs de l'histoire (depuis l'instaurations des interceptions et contres dans les lignes statistiques) à avoir cumulé 200 interceptions et 100 contres sur une saison. Mais il est le seul à l'avoir fait deux saisons de suite ! Tout en étant le plus capé de la All-NBA Defensive Team avec neuf apparitions (à égalité avec Gary Payton, Kevin Garnett et Kobe Bryant).
"Dans mon esprit, Michael Jordan était un défenseur qui est devenu un attaquant exceptionnel. Il connaissait mieux le jeu de ce côté du terrain. La façon dont il bougeait, anticipait, et sa faculté d'inventer plusieurs façons de scorer étaient basés sur sa vision de la défense."
Dans sa phrase, BJ Armstrong fait un parallèle intéressant. C'est l'excellente sangsue qu'était Jordan qui a donné vie à l'un des plus grands scoreurs de tous les temps. Parce qu'il réfléchissait comme un défenseur, et non comme un attaquant. Et comme il était un homme de défis, il adorait aussi une autre chose, stopper les stars adverses, peu importe leur poste.
"Charles Barkley était le MVP et Michael adorait le challenger et le faire taire. C'était personnel. Il voulait être certain que personne ne puisse penser qu'ils étaient dans la même catégorie. Ni Charles, Ni Clyde", se souvient Danny Ainge.
Des qualités athlétiques au service de son intelligence
Patrick Ewing lui aussi se remémore quelques souvenirs, et pas forcément les plus sympathiques.
"Il m'a eu quelques fois. Le truc avec lui et Scottie, c'est qu'ils étaient assez grands, costauds et athlétiques pour défier des gars comme moi. Michael pouvait prendre le premier bump. La plupart des joueurs ne peuvent ou ne veulent pas absorber le contact. Lui s'en foutait."
On pouvait effectivement le voir autant couper les lignes de passes que se battre avec les gros dans la peinture. Ce contre par derrière sur Ewing, et son interception sur Karl Malone dans le Game 6 en 1998 resteront des actions mythiques de Son Altesse. On peut également évoquer cet énorme block à deux mains à 40 ans. Et pour Doc Rivers, elles résument bien ce qu'était Michael Jordan en défense.
"Il avait des mains très rapides et il était très intelligent dans sa manière de les utiliser. Plus vous êtes athlétique et dominant, moins les gens vous créditent sur votre intelligence.
C'est marrant, Bird et Magic n'ont jamais été de grands athlètes et on leur a donné du crédit grâce à leur cerveau. Mais Michael était tout aussi intelligent.
Ça, combiné à ses qualités athlétiques, faisaient de lui un défenseur suffocant. Vous preniez le ballon en vous disant 'est-ce que ce mec va me laisser passer le milieu de terrain ?'"
Des arguments de plus pour alimenter le houleux débat du GOAT qui fait fureur depuis la diffusion de "The Last Dance"...
Michael Jordan, Big O : le classement fascinant du GOAT en 1999