En France, comme ailleurs, il existe toujours des partisans de la théorie du complot. Ces gens, un peu fatigants il faut le reconnaître, qui ont l’impression que le hasard n’existe pas et que chaque événement, de l’élection présidentielle à celle du délégué de classe de leur enfant est forcément manipulé. En NBA, David Stern (RIP) a vu sa réputation de grand magouilleur naître à la suite de l’un de ces "hasards", lors de la loterie pré-Draft 1985, la première de l’histoire.15
Il y a 37 ans, il ne s’agissait que d’une blague de comptoir. Sans Internet ni rediffusion constante du programme à la télé, difficile d’analyser ce qui n’aurait dû être qu’un banal loto pour rééquilibrer les chances et offrir à une franchise médiocre l’occasion de progresser. A cette époque, New York est déjà l’un des marchés phares de la ligue. Malheureusement pour Big Apple, son équipe de basket n’est pas franchement performante.
Pire, au beau milieu d’une saison déjà catastrophique (24 victoires, 58 défaites), Bernard King, l’icône locale, se blesse très gravement à la jambe et sa carrière est compromise. Les perspectives d’avenir sont inexistantes ou presque et les Knicks se présentent à cette première loterie avec un besoin vital de récupérer un joueur capable de changer leur destin.
A cet instant, tout le monde sait déjà que ce joueur ne peut être que Patrick Ewing, le colosse de Georgetown. D’autres éléments de cette cuvée 85 connaîtront une magnifique carrière (Karl Malone, Chris Mullin, Xavier McDaniel, Charles Oakley ou Detlef Schrempf), mais aucun n’a la cote du grand Pat à sa sortie de la fac.
Dave DeBusschere, ancienne gloire de la franchise et directeur des opérations basket, se présente avec une dose de stress considérable à l’événement. Qu’il ait été dans la supposée combine ou non, celui qui a quitté ce monde en 2003 a réellement l’air tendu et inquiet. Ses craintes sont gommées lorsque David Stern ouvre l’enveloppe fatidique contenant le nom des Knicks et le sésame tant attendu.
Deux décennies sans bruit, puis la thèse du complot
Ce n’est que 22 ans plus tard, en 2007, que les rumeurs de tricherie prennent de l’ampleur. En cause, une vidéo sortie sur Youtube, qui permet à tous les sceptiques d’avancer leurs théories. On a d’abord évoqué la possibilité que l’enveloppe contenant l’écriteau des Knicks ait été passée dans un freezer au préalable pour indiquer à Stern qu’il s’agissait de « la bonne » grâce à la différence de température avec les autres. Difficile à prouver, même avec les images.
Mais celle qui a longtemps été la plus populaire et qui continue d’être prisée par les sceptiques est la suivante, racontée par Bill Simmons, le boss de The Ringer.
« Lorsque l’huissier de la NBA jette les sept enveloppes dans la machine en verre, il cogne volontairement la quatrième contre le rebord de l’appareil, afin d’en corner le coin. Sur la vidéo, on peut voir Stern déverrouiller la machine et plonger maladroitement sa main dans le trou.
Il se saisit de trois enveloppes collées l’une à l’autre et les retourne pour que celle du dessous atterrisse dans sa main. Il l’a retire de la machine et, évidemment, c’est celle des Knicks. Si vous regardez attentivement le moment où il sort l’enveloppe, vous remarquerez qu’elle est cornée ».
Comme ça, on a bien envie d’abonder dans le sens de Simmons. Surtout qu’il est évident que la NBA avait besoin que les Knicks et leur capacité à générer des millions de dollars en un éclair sur le plan marketing redeviennent compétitifs. Bien plus que les Pacers, qui n’ont du coup décroché que le 2nd pick, utilisé avec le décevant Wayman Tisdale, décédé en 2009, qui n'a jamais su confirmer son talent au plus haut niveau en NBA.
Si le procédé a changé par la suite, au point que plus personne ou presque n'est capable de comprendre ou expliquer le cirque de numéros et de combinaisons qui se déroule tous les ans, c’est afin d’éviter que les moindres faits et gestes du boss et de ses subordonnées soient étudiés à la loupe pendant la loterie.
Pour autant, d’autres tirages ont été annoncés comme possiblement décidés d’avance. Au même titre que les Knicks en 1985, la ligue n’était clairement pas contre l’idée d’un retour au premier plan de Bulls à la dérive en NBA après la retraite de Michael Jordan.
Malgré 1.5% de chances de décrocher le first pick en 2008, Chicago a pu s’emparer de Derrick Rose et à nouveau vendre des maillots à la pelle. David Stern n'est plus de ce monde, mais on ne pourra pas empêcher les théoriciens du complot de penser tous les ans que rien n'est dû au hasard...
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