Dennis Rodman : Ni dieu, ni maître
Les Bad Boys ont fait leur temps. Humiliés par les Bulls de Jordan en finale de conférence 91, orphelins de Rick Mahorn, ils ne font plus peur à personne. Certains mercenaires comme Orlando Woolridge ne collent pas à l’esprit du groupe soudé qui a littéralement terrorisé la ligue quelques mois plus tôt.
Déçu par le lent déclin de son armée, Daly finit par démissionner. Son départ plonge Dennis Rodman dans une profonde détresse. En moins de deux ans, sa famille d’accueil vient d’imploser. S’il n’avait pas encore compris que la NBA est avant tout un business, c’est désormais clair.
Le Dennis secrètement torturé est mort, vive le Rodman ouvertement barge
Alors Dennis erre, perd le contrôle, épouse la mère de sa fille de quatre ans pour en divorcer dans les mois qui suivent. Son mal-être est tel qu’on finit par le retrouver enfermé dans sa voiture, accompagné d’un fusil chargé et de pensées suicidaires. De son propre aveu, le drame n’est pas passé loin. Mais à une fin sordide, il en préfère une symbolique. Le Dennis secrètement torturé est mort, vive le Rodman ouvertement barge.
Ce changement se matérialise évidemment sur le terrain. Dennis pète un câble et décide de se concentrer uniquement sur le rebond. Il le fait d’ailleurs tellement bien qu’il domine le secteur sept saisons de suite sans jamais être inquiété le moins du monde. Il le fait tellement bien qu’il sort des saisons statistiquement hallucinantes (18,7 rebonds de moyenne en 92, une pointe à 34, et le troisième plus gros pourcentage de rebonds pris de l’histoire derrière Russell et Chamberlain, deux monstres physiques qui jouaient à une toute autre époque). Mais il en oublie le reste.
Le jour de repos classé X de Dennis Rodman et Carmen Electra…
Sa fierté ne réside plus dans les innombrables petites choses qui simplifiaient la vie de son équipe (défendre dur sur l’homme, jaillir en aide, poser un écran, finir en transition, se précipiter sur le moindre ballon qui traîne), elle ne se focalise que sur le rebond. Son apport offensif chute drastiquement. De près de 12 points par match en 88 (en à peine 26 minutes de jeu), il passe à moins de 5 (en 38 minutes !) en 94, lors de sa première saison aux Spurs.
Sheriff fais moi Spur
Son transfert dans le Texas marque bien plus que ce changement drastique dans son jeu. Le Rodman nouveau revendique sa différence. Et affiche son indifférence. Se teint les cheveux, d’abord en blond, ensuite de toutes les couleurs possibles et imaginables, exhibe sans retenue ses tatouages, ses piercings et son goût marqué pour le scandale. Il sort avec Madona, se marie à Vegas avec Carmen Electra. Saute des entraînements, arrive à la salle juste avant le début des matches, s’échauffe sur un vélo stationnaire. La liste est longue…
Dennis Rodman : « Popovich me détestait, pour lui j’étais le démon ! »
Le coéquipier modèle s’est vite transformé en une distraction hyper médiatisée et cancérigène pour tout collectif. Dans une équipe aussi tranquille que les Spurs, le contraste est saisissant. Le mariage tourne vite au malaise. Dennis tente bien de dévergonder un peu l’Amiral Robinson, mais rien n’y fait. Refroidi par une saison chaotique, il ne vient pas en aide à son leader et assiste ravi à son humiliation en règles des mains d’Hakeem Olajuwon en finale de conf’ 95. Le divorce est prononcé.
Rodman a tellement réussi à détourner l’attention médiatique de ses strictes performances que son héritage en restera toujours biaisé
Revigoré par son transfert aux Bulls, Dennis retrouve le plaisir de jouer et celui de défendre. Dans l’inoubliable deuxième dynastie de Chicago, aux côtés de joueurs ultra compétitifs et avec un coach aussi intelligent et fin psychologue que Phil Jackson, la clef de l’énigme finit par sonner comme une évidence. Rodman ne peut donner tout ce qu’il a que dans un projet collectif solide. Il ne peut consentir à se sacrifier sur un terrain que dans une équipe entièrement dévouée à la conquête du titre et maladivement compétitive, où chaque joueur connaît et accepte son rôle. Ce n’est que dans une telle cohésion qu’il peut puiser la motivation et l’énergie qui font de lui le coéquipier parfait et le taulier des tâches obscures.
Dennis Rodman a tellement réussi à détourner l’attention médiatique de ses strictes performances de basketteur que son héritage en restera toujours biaisé. Les souvenirs de ses aventures nocturnes et de sa vie personnelle débridée ont depuis longtemps remplacé ceux de l’impressionnant prototype de défenseur-rebondeur qui a permis aux Pistons de passer brutalement le témoin entre les 80’s et les 90’s.
Pourtant, avec 5 titres NBA, 7 trophées consécutifs de meilleur rebondeur, un sens du sacrifice, du rebond et de la défense comme on n’en reverra probablement plus, et une personnalité inoubliable, Dennis Rodman a tout d’un Hall-of-Famer. Il faut avoir l’orifice postérieur entravé par un panier de basket pour continuer à nier l’évidence.
Entre frasques et embrouilles : Le passage dézingué de Dennis Rodman aux Lakers
Dennis Rodman
Ailier, 2,01 m
Equipes : Detroit, San Antonio, Chicago, L.A. Lakers, Dallas
Stats en carrière : 7,3 pts à 52,1% et 13,10 rbds
Distinctions : Choisi en 27ème choix au deuxième tour de la draft 1986 par les Pistons, 5 fois champion NBA (en 1989 et 90 avec Detroit, en 96, 97 et 98 avec Chicago), élu meilleur défenseur en 1990 et 1991, 7 fois élu dans le meilleur 5 défensif (de 89 à 93, puis en 95 et 96), deux fois All-Star (90 et 92), 7 fois meilleur rebondeur de la ligue (de 92 à 98), deux fois élus dans le 3ème cinq All-NBA (92 et 95), 21ème meilleur rebondeur de l’histoire, 11ème plus grosse moyenne en carrière.
Season | Age | Tm | G | MP | FG% | 3P% | FT% | ORB | DRB | TRB | AST | STL | BLK | PTS |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1986-87 | 25 | DET | 77 | 15.0 | .545 | .000 | .587 | 2.1 | 2.2 | 4.3 | 0.7 | 0.5 | 0.6 | 6.5 |
1987-88 | 26 | DET | 82 | 26.2 | .561 | .294 | .535 | 3.9 | 4.8 | 8.7 | 1.3 | 0.9 | 0.5 | 11.6 |
1988-89 | 27 | DET | 82 | 26.9 | .595 | .231 | .626 | 4.0 | 5.4 | 9.4 | 1.2 | 0.7 | 0.9 | 9.0 |
1989-90 | 28 | DET | 82 | 29.0 | .581 | .111 | .654 | 4.1 | 5.6 | 9.7 | 0.9 | 0.6 | 0.7 | 8.8 |
1990-91 | 29 | DET | 82 | 33.5 | .493 | .200 | .631 | 4.4 | 8.1 | 12.5 | 1.0 | 0.8 | 0.7 | 8.2 |
1991-92 | 30 | DET | 82 | 40.3 | .539 | .317 | .600 | 6.4 | 12.3 | 18.7 | 2.3 | 0.8 | 0.9 | 9.8 |
1992-93 | 31 | DET | 62 | 38.9 | .427 | .205 | .534 | 5.9 | 12.3 | 18.3 | 1.6 | 0.8 | 0.7 | 7.5 |
1993-94 | 32 | SAS | 79 | 37.8 | .534 | .208 | .520 | 5.7 | 11.6 | 17.3 | 2.3 | 0.7 | 0.4 | 4.7 |
1994-95 | 33 | SAS | 49 | 32.0 | .571 | .000 | .676 | 5.6 | 11.2 | 16.8 | 2.0 | 0.6 | 0.5 | 7.1 |
1995-96 | 34 | CHI | 64 | 32.6 | .480 | .111 | .528 | 5.6 | 9.3 | 14.9 | 2.5 | 0.6 | 0.4 | 5.5 |
1996-97 | 35 | CHI | 55 | 35.4 | .448 | .263 | .568 | 5.8 | 10.2 | 16.1 | 3.1 | 0.6 | 0.3 | 5.7 |
1997-98 | 36 | CHI | 80 | 35.7 | .431 | .174 | .550 | 5.3 | 9.8 | 15.0 | 2.9 | 0.6 | 0.2 | 4.7 |
1998-99 | 37 | LAL | 23 | 28.6 | .348 | .000 | .436 | 2.7 | 8.5 | 11.2 | 1.3 | 0.4 | 0.5 | 2.1 |
1999-00 | 38 | DAL | 12 | 32.4 | .387 | .000 | .714 | 4.0 | 10.3 | 14.3 | 1.2 | 0.2 | 0.1 | 2.8 |
Career | 911 | 31.7 | .521 | .231 | .584 | 4.8 | 8.4 | 13.1 | 1.8 | 0.7 | 0.6 | 7.3 | ||
7 seasons | DET | 549 | 29.8 | .537 | .253 | .592 | 4.4 | 7.1 | 11.5 | 1.3 | 0.7 | 0.7 | 8.8 | |
3 seasons | CHI | 199 | 34.6 | .452 | .174 | .548 | 5.5 | 9.7 | 15.3 | 2.8 | 0.6 | 0.3 | 5.2 | |
2 seasons | SAS | 128 | 35.6 | .551 | .192 | .601 | 5.7 | 11.4 | 17.1 | 2.2 | 0.6 | 0.4 | 5.6 | |
1 season | LAL | 23 | 28.6 | .348 | .000 | .436 | 2.7 | 8.5 | 11.2 | 1.3 | 0.4 | 0.5 | 2.1 | |
1 season | DAL | 12 | 32.4 | .387 | .000 | .714 | 4.0 | 10.3 | 14.3 | 1.2 | 0.2 | 0.1 | 2.8 |
Cet article est issu du numéro 28 de REVERSE / Graphisme MoChokla