Comme il l'expliquait dans The Last Dance, Dennis Rodman était heureux de rejoindre les Chicago Bulls. Enfin, reprenons, il n'était pas spécialement heureux de rejoindre ses anciens meilleurs ennemis lorsqu'il jouait pour les Pistons, mais il était en revanche soulagé de quitter les Spurs et ce staff, cette tradition, ce côté bien trop clean, presque militaire, qu'il n'arrivait plus à encaisser.
Difficile d’imaginer mariage plus détonnant que celui, forcé, de David Robinson et Dennis Rodman. Le premier est le gendre rêvé de l’Amérique bien-pensante, bien élevé, bien éduqué, bien chrétien. Le second est ce qu’un amateur de sport verra de plus proche de l’antéchrist. Incontrôlable, sans limites, profondément provocateur. Le pari des Spurs est simple : David Robinson est un phénomène athlétique et un fabuleux joueur de basket, mais il est trop gentil, trop timide. Trop soft. Les dirigeants espèrent que le côté violent et inconscient de Rodman fera pousser des organes pairs et symétriques à l'extérieur du pelvis de leur franchise player.
Le problème c'est que si sur le terrain, ça passe à peu près, en dehors, Dennis Rodman n'arrive pas du tout à se fondre dans le groupe. D'ailleurs, il y a quelques années, The Worm revenait sur ce moment et expliquait clairement ne pas avoir gardé un excellent souvenir de son passage aux San Antonio Spurs.
« Cette ville m’a en quelque sorte adopté mais, quel est son nom déjà ? Ah oui... Popovich... Il me détestait », balançait un Rodman nonchalant. « Il ne pouvait pas me blairer car je n’étais pas croyant. Il me regardait comme si j’étais le démon ! »
Il faut dire qu'à son arrivée dans le Texas, après un transfert médiatique et une affaire de suicide qui a fait grand bruit, le Rodman nouveau revendique sa différence. Et affiche son indifférence. Il se teint les cheveux, d’abord en blond, ensuite de toutes les couleurs possibles et imaginables, exhibe sans retenue ses tatouages, ses piercings et son goût marqué pour le scandale. Il sort avec Madonna, se marie à Vegas avec Carmen Electra. Saute des entraînements, arrive à la salle juste avant le début des matches, s’échauffe sur un vélo stationnaire. La liste est longue…
Dennis Rodman, l'histoire folle de sa virée à Vegas pendant les Finales 97
Le coéquipier modèle s’est vite transformé en une distraction hyper médiatisée et cancérigène pour tout collectif. Dans une équipe aussi tranquille que les Spurs, le contraste est saisissant. Le mariage tourne vite au malaise. Dennis tente bien de dévergonder un peu l’Amiral Robinson, mais rien n’y fait. Refroidi par une saison chaotique, Rodman ne vient pas en aide à son leader et assiste ravi à son humiliation en règles des mains d’Hakeem Olajuwon en finale de conf’ 95. Le divorce est prononcé.
« Je me suis dit : 'Mon dieu.. Suis-je le même gars qui a aidé Robinson à finir meilleur scoreur et MVP ? Le même gars qui a tourné à 19,3 rebonds de moyenne (16,8 rebonds en réalité - NDLR) pour toi ? Suis-je le même gars qui a gagné 62 putain de matchs ?' », s’interroge-t-il ironiquement. « J’ai dit : 'Ok, tradez moi.' Ils m’ont envoyé chez ces foutus Bulls. »
Le passage de l’ex-Piston et futur Bull à San Antonio est loin, très loin d’avoir l’impact attendu. Les Spurs gagnent toujours (55 matches en 93-94, 62 en 94-95), Dennis subtilise chaque rebond à un rythme terrifiant (sur les 128 matches de saison régulière qu’il joue avec le club, il en prend plus de 20 à 47 reprises !), mais son apport dans le jeu et son implication dans le collectif laissent à désirer. Dans une équipe compétitive mais sans âme, derrière un leader en lequel il ne croit pas, Rodman fait ce pourquoi on le paie mais se déconcentre totalement du basket. Les démons qu’il a refoulés tant bien que mal à Detroit ont décidé de ne plus lui laisser de répit.
Au final, Dennis Rodman garde donc un souvenir amer de sa relation avec le coach le plus respecté de NBA. Aujourd'hui encore, ne lui parlez pas de Gregg Popovich... Mais pouvait-on raisonnablement imaginer personnalités plus antinomiques ?