Juillet 2016. Amar’e Stoudemire a décidé de prendre sa retraite dans la peau d’un membre des New York Knicks. Il a signé pour une journée avec la franchise de Big Apple simplement pour y annoncer son désir de raccrocher les sneakers pour de bon. Au-delà de l’émotion liée à la fin de carrière d’une ex-superstar trahie par ses genoux, une question se pose : pourquoi diable les Knicks et non pas les Phoenix Suns, équipe dont « STAT » a défendu les couleurs pendant les huit premières années de sa carrière ?
« Nous [le joueur et son agent] avons appelé les Suns au cours des deux dernières années mais les réponses n’étaient pas positives », raconte le fraîchement retraité au Arizona Central à l'époque. « Je ne voulais pas supplier Phoenix. Mon coeur était partagé entre Phoenix et New York. Je suis allé là où je me sentais désiré. »
Stoudemire a joué quatre saisons (et une demie saison) à New York. Il y a relancé sa carrière avec un superbe exercice à plus de 25 points et 8 rebonds de moyenne. Il était même dans la course au MVP cette année-là. Mais même ses plus belles performances new-yorkaises n’effaceront pas de nos mémoires les images de cet athlète, incroyablement costaud et mobile, capable de planer à travers trois défenseurs avant de dunker férocement.
« C’est à Phoenix que j’ai connu mes saisons les plus glorieuses. Mes meilleures années sont à Phoenix. Mon sang est violet et orange. »
De son premier duo avec Stephon Marbury, de son titre de Rookie Of The Year à ses picks-and-roll terriblement efficaces avec Steve Nash, nombreux sont les souvenirs laissés par Amar’e Stoudemire aux Phoenix Suns. Et parmi cette masse d’images, d’anecdotes et de highlights, aucun moment nous a semblé plus représentatif du bonhomme que sa série mémorable contre les San Antonio Spurs en 2005.
Le chef d'oeuvre individuel d'Amar'e Stoudemire
Même si les Golden State Warriors ont enchainé les titres et les exploits au cours de la dernière décennie, les San Antonio Spurs resteront à nos yeux la référence basket de ce début de 21ème siècle. Les Texans ont dominé la ligue pendant plus de quinze ans. Ils se sont partagés le règne sur la Conférence Ouest avec les Los Angeles Lakers mais ont toujours trouvé une façon pour rester au sommet. Saison après saison. Année après année.
Rares sont les joueurs à avoir vraiment mis les éperons en difficulté de manière aussi régulière qu’Amar’e Stoudemire. C’est comme si la puissance, l’agilité et la brutalité du natif de Floride avait fini par déjoué les plans de Gregg Popovich et de ses assistants affrontement après affrontement. Une domination d’un seul homme parfaitement symbolisée par les finales de Conférence disputées entre les Suns et les Spurs en 2005.
« Jamais quelqu’un ne nous a fait ce qu’il nous a fait », confessait le coach légendaire de San Antonio après la qualification des siens pour les finales NBA (ensuite remportées en sept manches contre les Detroit Pistons.
« Je ne sais pas ce que l’on peut faire contre lui. Il est incroyable. C’est vraiment un joueur unique et il va continué à progresser. »
Stoudemire avait cumulé 37 points et 9,8 rebonds sur les cinq matches de la série remportée par les Spurs. 37 points et 9,8 rebonds. Insane.
Il a commencé son orgie en postant 41 points (à 13/21 aux tirs) et 9 rebonds en ouverture des finales de Conférence. Les Suns menaient à l’entame du dernier quart temps mais ils ont été battu à leur propre jeu, dépassés par la vitesse et les tirs extérieurs des Texans menés par Tony Parker (29 points).
« La fatigue physique a fini par nous affecter mentalement », témoignait Nash après le match.
Mike D’Antoni s’appuyait sur une rotation extrêmement serrée avec ses deux superstars accompagnées de Shawn Marion, Jim Jackson et Quentin Richardson dans le cinq majeur. Seuls Steven Hunter et Leandro Barbosa sont sortis du banc ce soir-là. Un groupe encore raccourci lors du match suivant avec six joueurs à plus de 30 minutes et aucun autre à plus de 2 minutes.
Une partie perdue de trois points malgré un nouvel avantage à l’entame du dernier quart et malgré 37 points (à 14/23) et 8 rebonds du « Stoud ». Robert Horry a planté un tir extérieur décisif pour San Antonio et Steve Nash a manqué sa tentative au buzzer derrière l’arc. Encore une fois, la performance colossale de Stoudemire fut vaine en raison du manque d’énergie et de soutien à ses côtés.
Le Game 3 est peut-être, fatalement pour les Suns, celui qui représente le mieux la série : Amar’e Stoudemire a une nouvelle fois dominé les Spurs mais les Spurs ont dominé les Suns dans tous les secteurs du jeu.
« J’ai pu faire des statistiques mais ils ont contrôlé le match », confessait le joueur auteur de 34 points et 11 rebonds.
Faire des chiffres mais perdre des matches n’a jamais intéressé le neuvième choix de la draft 2002. Il voulait peser sur les rencontres. Il voulait faire gagner son équipe. Même s’il devait faire face à un Tim Duncan encore dans la force de l’âge - voire peut-être même au sommet de son art. Alors il a frappé encore plus fort. Il a marqué 31 points, son plus petit total sur l’ensemble de la série, mais il a assommé les Spurs dans les moments les plus importants de la partie. Avec six points, deux rebonds et une interception et un contre - tous décisifs - dans les 90 dernières secondes, il a assuré le succès des siens dans le quatrième match, évitant à Phoenix une élimination en quatre manches sèches.
« C'était incroyable ! Même en tant que coéquipier, on est en admiration. Il était partout. » Steve Nash
Stoudemire a su porter son équipe dans le quatrième quart temps, période du match pendant laquelle les Suns avaient tendance à montrer des signes de fatigue.
« J’ai haussé mon niveau de jeu », racontait la star auteur de 11 points dans le money time.
Les Suns ont finalement rendu les armes lors du match suivant malgré 42 points, 16 rebonds et 4 blocks de leur jeune superstar. Dès le buzzer final, Tim Duncan s’est précipité vers Stoudemire pour le féliciter.
« Il m’a dit que j’avais fait une série incroyable. C’est plaisant d’entendre ça de la part de Tim. »
L'impact sur la NBA actuelle
Amar’e Stoudemire et Phoenix n’ont disputé qu’une seule autre finale de Conférence lors des saisons suivantes. Ils sont passés tout près des finales NBA. Tout près du titre. Mais ils ont terminé sans bague. Tout comme l’ex-multiple All-Star. Mais ils ont laissé une trace dans cette ligue en démontrant qu’une équipe pratiquant un basket rapide axé sur le tir à trois-points était en mesure d’aller loin en playoffs.
Ils ont poussé un peu plus loin les concepts de Don Nelson et leur philosophie a ensuite été reprise, puis poussée plus loin à son tour, par les Golden State Warriors d’aujourd’hui. Les Californiens sont désormais la référence. Et si la ligue actuelle s’inspire des Suns de D’Antoni, Amar’e Stoudemire a aussi eu une influence sur l’évolution du rôle de pivot.
Peu de temps après l’élimination contre San Antonio, le staff de Phoenix a lancé une idée. Un terme. Celui de « point center ». Une expression censée définir le nouveau rôle de Stoudemire après la défaite en 2005. Celui d’un pivot capable de driver, shooter et passer. Une définition qui est maintenant au coeur de la NBA. Un rôle occupé par Draymond Green, LeBron James ou encore Anthony Davis. Il est là, quelque part, l’héritage laissé par Amar’e Stoudemire et les Phoenix Suns sur un sport de plus en plus spectaculaire.