50 points contre les Lakers pour une place au soleil
Et puis, coup de chance énorme, il croise la route de John Lucas. Cet ancien numéro 1 de la draft 1976, joueur incroyable qui a vu sa carrière détruite par la drogue et l’alcool, est depuis devenu entraîneur et a lancé plusieurs programmes dont l’objectif était d’aider des basketteurs à problèmes à remonter la pente. Richard Dumas était l’un d’eux.
Lucas avait ainsi monté une équipe composée d’anciens addicts que la NBA avait accepté d’intégrer à sa summer league 1992. Lors du premier match, face aux Los Angeles Lakers, Richard claque 50 points et devient instantanément la sensation du tournoi, d’autant que cette équipe de cas sociaux termine invaincue.
« Mon agent m'a dit que Jerry West avait demandé à Jerry Colangelo s'il allait me garder », raconte Dumas aujourd’hui en se marrant.
La réponse du père Colangelo ne se fait pas attendre bien longtemps : « Oui ! ». D’autant que, ce même été, les Phoenix Suns avaient frappé un très grand coup en réussissant à faire venir Charles Barkley et en construisant, du tout au tout, un réel contender pour le titre NBA. Avec Paul Westphal aux commandes et un effectif explosif à tous les postes, les Suns cartonnent et terminent la saison régulière avec 62 victoires et le meilleur bilan de toute la ligue.
« On avait une super combinaison de joueurs », explique Richard Dumas.
« On avait plusieurs All-Stars ou ex All-Stars : Kevin Johnson, Dan Majerle, Tom Chambers, Danny Ainge, Charles Barkley.... Et puis on avait des jeunes comme Cedric Ceballos, Oliver Miller et moi. On avait un super mix et on a appris à travailler ensemble. »
Sur le papier, tout se passe comme dans un rêve puisque l’équipe décolle et que Richard saisit parfaitement sa nouvelle chance en tournant à 15,8 pts à 52,4%, 4,6 rbds et presque deux steals en 27 minutes de temps de jeu. L’avenir lui sourit enfin, d’autant que Phoenix se hisse jusqu’en finales NBA pour y affronter les Chicago Bulls et Michael Jordan.
N’importe quel jeune joueur aurait rêvé d’un tel face à face et l’attention médiatique qui l’accompagne. Tout le monde, sauf Richard Dumas. D’une part parce qu’il a toujours su conserver une certaine distance vis-à-vis de la hype. Sur le terrain, il était d’ailleurs capable des actions les plus spectaculaires, mais sans jamais se départir de son air impassible. Comme s’il avait déjà vécu des choses pareils ou, plus fou encore, comme si rien de tout cela ne comptait vraiment. Et, d’autre part, parce que sa « condition » était trop handicapante pour lui permettre d’apprécier toute cette attention.
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Alcool et finales NBA, un cocktail à ne pas recommander
A l’époque, les troubles dont il souffre n’étaient pas suivis ou diagnostiqués comme il le fallait, et il mesure aujourd’hui mieux pourquoi c’était une telle épreuve pour lui d’être performant sur la scène la plus brillante du monde.
« Je souffre de troubles mentaux qui font que j'ai beaucoup de mal à supporter la foule. Maintenant, j'ai des médicaments pour ça, mais à l'époque je n'avais rien de tout ça », raconte-t-il.
« Je n'arrivais pas à supporter tout ça, du coup je buvais un pack de bière avant chaque match. Je ne supportais pas les bruits forts, ni les lumières trop vives ou les foules, donc il me fallait quelque chose pour canaliser mon esprit pendant que je jouais dans un tel environnement. Je ne buvais pas pour être saoul, mais juste pour être capable de jouer. Si je n'avais pas trouvé ce moyen pour me calmer, je n'aurais pas pu jouer tellement ça me stressait. »
S’il est parvenu à faire l’impasse sur la drogue durant la saison, il n’a jamais pu mettre la bouteille au placard pour de bon et il continue de s’alcooliser avant chaque rencontre, même en finales NBA. Pour lui, l’enjeu ne semble de toute façon pas changer grand-chose.
« Pour moi, le premier game des finales, c'était un match comme un autre. Je n'étais pas si excité que ça parce que j'avais le sentiment de mériter d'être là. Le truc le plus dingue ce jour-là, c'est que quelqu'un a essayé de brûler les cheveux de mon ex-femme dans les tribunes, qui était venue voir le match pour m'encourager avec ma famille », lâche-t-il se marrant (sic).
« Les gens me demandent toujours comment c'était de jouer face à Jordan. Je leur réponds qu’ils devraient demander à Mike comment c'était de jouer face à moi. (sourire) Pour moi, c'était juste un match de plus, rien d'autre. »
Alors que les Suns sont menés 3-1 , Richard Dumas claque 25 points à 12/14 aux tirs pour permette à Phoenix de prendre le Game 5 et de gâcher (momentanément) la fête qui se préparait à Chicago. Au match suivant, cependant, Jordan et les Bulls étaient tout simplement trop déterminés et trop fort pour ne pas saisir l’occasion de conclure un premier three-peat et, ce, d’une façon particulièrement cruelle pour Phoenix.
« J'ai pleuré après ce match », reconnait aujourd’hui Richard.
« Je savais que si on était allé en prolongation, on aurait gagné le match. »
Sauf que Chicago s’est assuré de finir le job avant que les choses n’aillent en prolongation. Menés de deux points à 12 secondes du terme, les Bulls ont réussi à faire bouger suffisamment la défense des Suns jusqu’à ce que John Paxson hérite d’un tir totalement ouvert à trois-points, à six battements du buzzer final.
« Personne ne pensait que Paxson prendrait le tir décisif et encore moins qu'il prendrait un trois-points pour gagner le match et pas pour égaliser. C'est l'une des douleurs les plus vives que j'ai jamais ressenties sur un terrain de basket. C'était comme si on m'avait arraché un morceau du cœur. »