De retour en France après avoir tout gagné en Europe, Nando de Colo n’est pas là pour faire de la figuration. Le double champion d’EuroLeague a toujours la même motivation et les mêmes ambitions. Présent au Media Day de la Ligue Nationale de Basket, il a répondu aux questions sur son arrivée à l’ASVEL, son absence lors de l’EuroBasket et la fin de sa carrière.
Tu as fait l’impasse sur l’Euro cette année. Si la France avait remporté la compétition, aurais-tu regretté de ne pas être champion d’Europe ?
Nando de Colo : Je ne suis pas une personne qui vit avec des regrets. Cet été, j'ai fait l'impasse sur l'équipe de France parce que j'y suis depuis 2008 et que je n'ai pas raté un été. Pour être honnête, j’avais besoin de souffler, de passer du temps avec ma femme et mes trois filles. Puis je pense aussi à l'ensemble de ma carrière. Je n'ai pas dit non à l'équipe de France, j'ai juste dit que je faisais une pause pour pouvoir repartir encore plus fort dès 2023, à la Coupe du monde, et finir sur les Jeux olympiques de Paris. Encore une fois, ce n'est pas juste pour faire des adieux à l'équipe de France. C'est clairement pour aller chercher des résultats. Dans aucun cas je n’ai de regrets.
Tu as signé avec l’ASVEL cet été. Était-ce important pour toi de revenir en France après 13 années passées à l’étranger ?
Nando de Colo : Ma priorité, c'était d'abord de rester dans un club qui évolue en EuroLeague. Il se trouve que le club en question évolue dans le championnat français, donc c'est un plus de pouvoir retrouver des salles que j'ai connues il y a plus de treize ans. Même pour la vie familiale, on est content de pouvoir venir en France.
Est-ce que l’ASVEL s’imposait comme une évidence ? Comment s’est passée ton arrivée ?
Nando de Colo : Pour être honnête, non. Ce n'était pas une évidence. J'ai eu des contacts avec Valencia, par exemple. Projet très intéressant, plutôt similaire à celui que l'ASVEL peut avoir aujourd'hui. Le seul hic, c'est qu’ils étaient sur une seule année d'EuroLeague. Ils ne savaient pas exactement ce que l'année 2023-2024 allait donner. Avec tout le respect que j'ai pour le club, je ne me voyais pas aller là-bas une année. C’était un objectif personnel de pouvoir rester en Euroleague. J'ai aussi eu des contacts avec Monaco. J'ai évidemment eu la proposition du Fenerbahçe. Et puis l’ASVEL qui s'est positionné.
Tony (Parker, le président du club, ndlr) m'a exposé le projet. Après avoir réfléchi avec ma femme, j'ai décidé de signer à l’ASVEL. Projet très intéressant, qui ne va pas être facile. Un top huit en EuroLeague, qui a un objectif élevé. C’est une équipe qui veut évoluer. Je suis là pour apporter mon expérience et ce que je peux faire sur le terrain pour aider l'équipe. Encore une fois, comme on aime bien le dire en France, je ne suis pas à la retraite. Encore deux années à me donner à fond, que ce soit à l'entraînement et encore plus en match, pour encore évoluer.
Le fait que Tony Parker soit président de l’ASVEL a-t-il joué dans ta décision ou facilité les choses ?
Nando de Colo : Pas du tout. Évidemment, je connais Tony. Il se trouve que c'est le président de l’ASVEL, mais n'importe quel président aurait pu m'appeler à ce moment-là. C'est le projet qui est important. J’avais aussi besoin de m'entretenir avec TJ (Parker, le coach de l’équipe, ndlr). C'était ça le plus important pour moi, savoir quelle est la philosophie du coach. Je connaissais TJ, mais je ne savais pas exactement comment il est au quotidien. Quand je l'ai eu au téléphone, on s'est dit clairement les choses. C'est aussi ça qui a pesé dans la balance.
Depuis ton départ de Cholet en 2009, le public t‘a vu grandir en Europe ou aux États-Unis. Comment juges-tu ton évolution et le joueur, l’homme que tu es devenu ?
Nando de Colo : Je pense que j’ai suivi mon chemin. J’ai toujours essayé de faire la part des choses entre ce qui se passe sur le terrain et ce qui se passe en dehors. Sur le terrain, j’ai suivi ce que le basket me proposait. On a souvent toutes ces voix à côté qui pensent mieux que nous, qui nous disent ce qu’il faut faire. Moi, j’ai la chance d’être dans un milieu qui connaît bien le basket, d’être dans un cercle assez limité d’amis qui me permettent de bien voir les choses. Et puis, au fur et à mesure, j’ai aussi créé ma vie de famille, j’ai rencontré ma femme en Espagne. On a trois filles aujourd’hui. Je suis bien, épanoui, et j’espère continuer de m’épanouir sur le terrain.
On voit de plus en plus une course à la NBA et à la draft chez les jeunes. Tu as prouvé qu’on pouvait avoir une grande carrière en restant en Europe. Est-ce quelque chose dont tu parles aux jeunes ?
Nando de Colo : Ça dépend des uns et des autres. Ce que j’essaye de leur expliquer, c’est ce qu’ils peuvent évoluer au jour le jour. Les objectifs qu’ils ont par la suite ne dépendent que d’eux. Parfois, on est bien entouré. Parfois, on écoute un peu trop ce qui se dit à côté. Tous les parcours sont différents. Je pense qu’il faut avant tout être en accord avec ses choix. On aime bien poser la question par rapport à Victor Wembanyama et le fait qu’il soit parti à Levallois. Mais ça, ce n’est pas mon choix. C’est le sien. S’il avait voulu évoluer avec moi, est-ce qu’il aurait mieux progressé ? Je n’en sais rien. Je lui aurais sûrement appris certaines choses. Mais j’aurais sûrement appris aussi de lui, parce que je pense que ça va dans les deux sens.
Les choix se font en fonction des uns et des autres. Il y en a beaucoup qui se présentent à la Draft. Après, il n’y en a pas beaucoup qui vont en NBA. On sait que l’Europe est et de plus en plus intéressante. Je préfère faire la carrière que j’ai faite en Europe, plutôt que de faire quinze ans en NBA sans jamais aller chercher une finale. C’est dans mes gènes. Je ne peux pas juste jouer au basket. Il faut qu’il y ait des objectifs. Il faut qu’il y ait cette pression, qu’elle soit bonne, que chaque jour j’aille à l’entraînement pour quelque chose.
Tu as eu une carrière bien remplie et tu as presque tout gagné en club. Est-ce difficile de garder la même motivation après tant d’années ?
C’est compliqué, oui, parce que le corps évolue. Mais ce n’est pas compliqué en termes de motivation. Je pense que le jour où j’en aurai marre d’aller à la salle, ce sera le jour où il faudra raccrocher les baskets, clairement. C’est soit le corps qui ne suit plus ou le mental qui en a marre, il faudrait vraiment passer à autre chose. Mais ce serait dommage d’arrêter si on a encore la capacité de continuer. Aujourd’hui, je suis quelqu’un de motivé. Si je n’arrive pas une heure ou une heure et demie avant à la salle pour me préparer pour l’entraînement, c’est qu’il y a un problème. Tous ceux qui me connaissent au quotidien le savent. Je sais que c’est par ces sacrifices que vient la réussite.
Tu as encore de belles années à donner, mais tu te rapproches de la retraite. T’imagines-tu dans un nouveau rôle de mentor dans les prochaines années ? Et pourquoi pas de coach ou d’assistant coach ?
Nando de Colo : Il y a des choses qui se passent par la tête, évidemment. Il ne faut pas se le cacher, je suis plus vers la fin de ma carrière que vers le début. Donc il faut penser à cette après-carrière. Mais aujourd’hui, je ne suis pas encore vraiment dans cette dynamique. Comme je l’ai dit, j’ai encore deux ans. Je sais qu’il y a de gros objectifs qui doivent être atteints, qu’on compte sur moi. Je pense et j’espère qu’il y aura encore quelques années après. Cela va dépendre évidemment de ce que mon corps et le mental veulent bien endurer. Je pense que je suis encore capable de faire quelques années.
Je suis quelqu’un qui aime enseigner, partager. J’ai pu apprendre au fur et à mesure de ma carrière, que ce soit à mes débuts, en NBA ou sur les différentes équipes dans lesquelles j’ai pu évoluer. Donc rester dans le basket ? Oui, je pense que ce sera la suite logique. Maintenant, repartir dans une carrière de coach, à voyager… je ne suis pas sûr que ça m’intéressera tout de suite. Je pense qu’il sera temps de me consacrer vraiment à mes filles, à leur évolution dans tout ce qu’elles feront. Mais ça n’empêchera pas de voir les opportunités qui pourront se présenter. J’en ai quelques-unes en tête.