"Markelle Fultz va jouer ce soir. J'ai des frissons rien qu'en vous disant ça. Je suis tellement fier de ce gamin... C'est lui qui a pris la décision".
Quelques jours plus tôt, l'ancien adjoint de Gregg Popovich avait expliqué qu'il estimait son protégé prêt à revenir. Ce dernier a validé l'affirmation, en choisissant ce match à domicile, le premier depuis que Philadelphie est officiellement de retour en playoffs pour la première fois depuis 6 ans. Le timing a évidemment été choisi avec soin. Personne ne pourra accuser Fultz d'être responsable d'une éventuelle débandade jusqu'à la 9e place. L'équipe tourne tellement bien depuis quelques semaines, qu'il n'est aujourd'hui qu'un discret maillon de la chaîne. Pourtant, ce n'est pas comme ça que le public du Wells Fargo Center a accueilli cette nouvelle. A son entrée en jeu, à la fin du 1er quart-temps, Markelle Fultz a été ovationné comme s'il était la réincarnation d'Allen Iverson. Le public de Philly s'est cassé la voix pour témoigner son soutien au n°1 de la dernière Draft au sortir de ces mois pénibles. Sans doute craignait-il au fond de lui qu'on lui reproche de n'avoir pas été capable de revenir plus tôt. Qu'on lui mette sur le dos cette incompréhensible et inédite disparition de sa mécanique de shoot. Que l'on moque la moindre de ses tentatives de jumpshot ou le moindre de ses lancers. Il n'en a rien été et Fultz l'a vite compris. Chaque touche de balle, chaque tentative a été ovationnée. Son nom a été répété, scandé."Au début, j'ai cru qu'ils disaient 'Nick Foles' (le quarterback des Eagles, champions NFL, NDLR). Puis j'ai réalisé que c'était pour moi. C'était énorme. Ces fans sont géniaux, je les aime".
L'ancien joueur de l'état de Washington a pris le taureau par les cornes. Sur son premier ballon, il a placé une accélération dévastatrice pour Devin Harris et Torrey Craig, finissant sur un lay-up facile. La suite a été d'abord poussive, avec un airball, puis deux tentatives contrées, ce qu'il a compensé avec trois passes décisives avant la mi-temps. De retour dans le 3e quart-temps, Markelle Fultz a été plus à l'aise à la finition et en termes de rythme. Sa copie : 10 points, 8 passes et 4 rebonds en 14 minutes, avec un impact positif (+16 de différentiel).Le flou et le malaise avec la presse sont toujours là
Comme un symbole, ses deux derniers paniers ont été inscrits sur des shoots à mi-distance. Fultz ne s'est pas hasardé à shooter à 3 points. Pas encore. La confiance reviendra progressivement, mais il a trop souffert des moqueries et des questionnement sur ses qualités de basketteur pour remettre les pieds dans le plat de façon aussi immédiate. Le mental, chez un joueur aussi jeune et avec autant d'attentes autour de lui, est quelque chose de fragile. Tout n'est d'ailleurs pas réglé, ni oublié. Après le match, le malaise était encore perceptible lors de son bref passage devant les micros dans le vestiaire. Markelle Fultz a semble-t-il développé une certaine méfiance, pour ne pas dire une aversion pour les médias. Il les juge en partie responsables du bashing subi sur les réseaux."C'est votre job de faire tout ce qu'il faut pour être payé...", a-t-il d'abord expliqué pour répondre à une question sur les vidéos de ses entraînements.
Puis le garçon s'est fermé au moment où les journalistes présents lui ont demandé d'évoquer sa blessure et sa convalescence. Aucun mot. Juste un regard un peu atterré et une serviette passée sur son visage. "Pourquoi ne pas en parler", lui a lancé un autre reporter. Même réaction. Un silence de quelques secondes, dans l'attente d'une autre question. Personne ne sait ce que sera capable d'apporter Markelle Fultz dans la campagne de playoffs à venir. Mais Philadelphie est une équipe qui vise d'abord le moyen terme. Et dans cette optique, pouvoir compter sur leur numéro 20 est un atout énorme pour les Sixers. C'est sans doute la première fois dans l'histoire, que le n°1 d'une classe de Draft (Ben Simmons), a pour back-up le n°1 de la Draft suivante. Quand on ajoute à cela le talent insensé de Joel Embiid et l'alchimie qu'est en train de développer cette bande renforcée récemment par quelques vétérans, la NBA peut trembler.