Des dysfonctionnements internes
Plusieurs semaines se sont écoulées depuis l’article (à charge, ou presque) d’Adrian Wojnarowski relatant les tensions au sein du staff de Mark Jackson. Le reporter est l’une des sources les plus fiables de la ligue. Il mettait en lumière les différents accrochages entre le coach des Golden State Warriors et ses assistants. Selon lui, Jackson et Mike Malone, désormais entraîneur des Sacramento Kings, ont passé des semaines sans s’adresser la parole l’an passé. Les deux hommes ont depuis démenti. Fait plus marquant, Wojnarowski a révélé la « rétrogradation » de Brian Scalabrine, recruté en juillet comme assistant, aux Santa Cruz Warriors, l’affiliation en D-League de la franchise d’Oakland. Le « White Mamba » a eu une discussion très engagée avec Pete Myers, un autre assistant très proche de Mark Jackson (à ne pas confondre avec Bob Myers, le GM des Warriors). Le coach aurait alors demandé avec insistance son licenciement auprès des dirigeants de la franchise. Or Scalabrine est apprécié par l’organisation – Bob Myers, le GM, est son ancien agent. Ils ont préféré l’écarter temporairement du staff, conscients qu’un nouveau coach poserait peut-être bientôt ses bagages à Oakland. Quelques jours plus tard, un autre assistant, Darren Erman, est licencié lui aussi. Selon ESPN, il enregistrait les conversations entre les coaches lors des meetings dans les bureaux du staff. Lorsque Mark Jackson a découvert la « taupe », les dirigeants n’ont eu d’autres choix que de renvoyer Erman, qui a immédiatement rebondi aux Boston Celtics. Danny Ainge, le président des C’s, s’est d’ailleurs dit ravi de retrouver « l’un des membres les plus brillants passés par l’organisation. » On ne sait toujours pas pour qui l’assistant enregistrait les conversations, même si plusieurs rumeurs ont laissé penser que le front office des Warriors serait à l’origine de l’affaire. Evidemment, plusieurs des informations énoncées ici et là sont à prendre au conditionnel, vu la nature des éléments.« Mark Jackson a eu un impact très important sur notre progression et notre succès au cours des deux dernières saisons. Cependant, nous avons des décisions difficiles à prendre au sujet de la gestion quotidienne et celle-ci en est une. Nous remercions Mark Jackson pour tout ce qu’il a fait au cours de ses trois dernières années », déclarait hier Joe Lacob, le propriétaire des Golden State Warriors.Selon plusieurs sources, Mark Jackson était un coach très difficile à gérer pour l’encadrement. Il se serait brouillé avec Kirk Lacob, l’assistant GM et le fils de Joe Lacob, et AUCUN membre de la direction n’aurait souhaité prendre sa défense, selon Wojnarowski. Plusieurs autres journalistes proches du dossier – dont les reporters locaux – ont depuis confirmé cette hypothèse. Jackson était l’homme des joueurs, pas celui des dirigeants.
Une différence de philosophie
Ces derniers lui reprochaient, selon les sources, son manque d’implication lors des séances d’entraînement. Ceci pourrait éventuellement valider la rumeur selon laquelle Jerry West se serait vu refusé l’accès aux séances du coach. West est une légende NBA mais aussi un excellent dirigeant. Il a contribué à relancer la franchise par ses choix judicieux et il est désormais consultant auprès de l’organisation. Jackson a évidemment démenti les rumeurs et a invité le Hall Of Famer à se rendre à toutes les séances.[superquote pos="d"]"Le licenciement n'est pas lié aux résultats" Joe Lacob, proprio des Warriors[/superquote]« Notre décision est plus liée à une philosophie générale qu’aux résultats », a avoué Joe Lacob.Les Warriors ont un groupe jeune et les dirigeants estimaient donc que les jeunes talents se devaient de travailler plus. Mark Jackson avait d’ailleurs pris pour habitude de déléguer toutes les tâches de ce genre à ses assistants (à priori, il n’est pas le seul à le faire en NBA). Certaines sources évoquent une préparation très primaire des rencontres. Difficile de trier le vrai du faux parmi ces affirmations sans être proche de la franchise au quotidien. Mais cette différence de « philosophie » ne s’arrête pas aux coulisses. Les dirigeants aimeraient voir leur équipe pratiquer un basket rapide, plus offensif. On n’a tendance à l’oublier – Stephen Curry oblige – mais les Golden State Warriors sont avant tout une machine défensive. Ils ont beau compter sur deux shooteurs exceptionnels, dont un meneur All-Star, le jeu offensif est pauvre. Selon Synergy Sports, aucune équipe NBA hormis les New York Knicks ne jouait plus l’isolation que les Warriors de Mark Jackson. Ils étaient également parmi les trois équipes à tenter le plus de tirs après une seule passe. Toujours selon Synergy, les Warriors n’intégraient pas le top 10 des meilleures attaques de la ligue. Vu les talents offensifs mis à la disposition de Mark Jackson, ces statistiques sont assez étonnantes. Le coach a préféré faire des Warriors une équipe axée sur le demi-terrain, avec deux intérieurs traditionnels. Or, selon NBA.COM, les meilleurs cinq (en termes de « net rating ») d’Oakland sont des cinq « small ball » (Stephen Curry – Klay Thompson – Andre Iguodala – Draymond Green – David Lee serait le meilleur cinq possible selon les critères énoncés). On peut donc déduire que les Warriors étaient peut-être sous-utilisés mais il ne s’agit que d’une hypothèse. En effet, le bilan de Jackson parle pour lui. En trois ans, son équipe est passée de 23 à 47 puis 51 victoires. Il a fait de son groupe l’une des meilleures défenses de la NBA. Au complet, le coach estime que « les Warriors pouvaient remporter le titre ». On attend désormais la réaction des joueurs. Ils ont tous pris la parole pour soutenir leur coach avant le licenciement de ce dernier. Mark Jackson a su créer une vraie cohésion au sein de son groupe et il a insufflé une confiance sans limite à certains de ses joueurs comme Stephen Curry ou Klay Thompson. Son remplaçant devra d’abord conquérir ses nouveaux joueurs avant de penser à les faire jouer ensemble sur le parquet. On saura alors si les Golden State Warriors ont eu raison de « changer de direction », pour reprendre les termes du GM, ou s’ils ont fait une énorme erreur.