The future is now
Il était logique qu’avec un tel potentiel, le garçon soit vite contraint de s’exiler. La Slovénie est peut-être une terre de basket, mais ce pays de deux millions d’habitants avec ses clubs aux ressources limitées n’est pas l’endroit propice pour développer le futur talent de demain. Du moins pas en comparaison des possibilités qu’offre une institution aussi prestigieuse que le Real Madrid.
Luka Doncic a donc fait ses valises, comme un grand, à treize ans. Direction la capitale espagnole. Loin de ses parents. Loin des siens. Mais toujours plus proche de sa passion. Un exil aussi périlleux peut en faire craquer plus d’un. Et il l’admet volontiers, « c’était très dur ». Un avenir brillant l’attendait. Il s’est fait des potes, il a appris à parler la langue locale et il a continué à faire ce qu’il faisait de mieux : dézinguer sur un terrain des mecs bien plus âgés que lui.
Rémy Berrabah, jeune joueur français passé par la EBA (deuxième division nationale espagnol), la filiale Prospect de Madrid, a eu l’occasion de voir le phénomène de très près lors de l’International Junior Tournament. Doncic était alors en cadets.
« Une machine, il survolait tout le monde », commente-t-il.
Robotique dans sa façon d’enchaîner les performances sur les plus grandes scènes continentales. Notamment en Finlande et en Turquie, où il a marqué le dernier Euro de sa classe. La compétition restera comme celle où il a mis le continent à ses pieds. Comme une date de début de règne pour le nouveau « diamant du basket européen », dixit Dragic.
Le ton a été donné dès l’entrée du tournoi, avec un premier coup d’éclat contre la Grèce lors du troisième match. Alors que la star du Miami Heat se troue et se retrouve scotché sur le banc avec des problèmes de fautes, son jeune camarade prend les choses en main. Il n’attendait que ça. Un moment pour se mettre en lumière et se comporter en patron, lui qui est évidemment le plus jeune du groupe fraîchement sacré champion d’Europe.
Sans trembler, il prend le dessus sur les anciens que sont Kostas Sloukas, Nick Calathes, Kostas Papanikolaou et compagnie. Des tirs primés, des passes lasers, des claquettes… il leur fait la totale, avec notamment 14 points inscrits en première période. Et voilà que les regards d’un plus grand nombre d’observateurs, de scouts US, de coaches et bien sûr de fans ont commencé à se tourner vers lui.
En quarts, contre la Lettonie de Kristaps Porzingis, il frappe encore plus fort. 27 points, 9 rebonds et des paniers décisifs à la pelle. Encore une fois, sans pression apparente dans les moments les plus chauds.
« Je veux être le héros du match. Je veux toujours avoir le ballon entre les mains. J’ai déjà manqué des tirs importants, mais il faut savoir apprendre de ses échecs. Il faut aller de l’avant », fait remarquer l’intéressé.
L’engouement grimpe d’un coup autour de la deuxième rampe de lancement de la sélection. Son quasi-triple-double (23 pts, 12 rbds et 8 pds) en demie lors de la démonstration contre la Roja, grande favorite, ajoute même encore un peu plus de piquant. La Serbie, pays d’origine du papa Doncic, est la dernière à faire les frais de la furia slovène. A 18 ans, il est donc champion d’Europe et intègre en plus le premier cinq de la compétition. Plus de 14 pions (plus que Nando De Colo), 8 rebonds (plus que Pau Gasol) et 3 passes (plus que Boris Diaw) par rencontre sur l’ensemble de la compète. Du grand art. Le premier chef d’œuvre du digne descendant de « Mozart » Drazen Petrovic.