Dans la liste des 12 Bleus qui défendront les couleurs françaises à la Coupe du monde 2023 dans quelques semaines, un nom, celui de Sylvain Francisco, m'a sauté aux yeux et a provoqué un flashback immédiat en même temps qu'une vraie joie pour le garçon et son parcours tout sauf classique.
Nous sommes le 30 juin 2015 à Paris. Impossible d'oublier la date. Ma fille est née deux semaines plus tôt. Ce jour-là, Damian Lillard est à Paris pour la Lillard Academy, un événement éphémère hébergé derrière les murs du lycée Buffon. L'occasion de découvrir à quel point "Dame" est un joueur et un homme intéressant lors d'une interview réalisée avec Théo (Haumesser). Mais c'est un autre meneur qui capte mon attention.
Des matches ont lieu sur le terrain installé pour l'occasion. Barbara Youinou, aujourd'hui journaliste à l'Est Républicain et membre de longue date de la team REVERSE, me parle alors d'un jeune joueur venu en visiteur et qui ne participe pas aux rencontres. Un phénomène du nom de Sekou Doumbouya, 15 ans à peine et considéré comme une pépite du basket français. Ce n'est pas de lui, dont je veux parler. Pendant que l'on discute, un meneur avec un bandeau et des dribbles dévastateurs sème la désolation sur le terrain, match après match. On le croirait débarqué d'un playground new yorkais. Il est nettement au-dessus de l'opposition, bien qu'il semble à peine dépasser le mètre 80. Il joue avec une intensité, une fougue et un sens du show qui semblent constituer son mode par défaut. Barbara m'explique qu'il est bien Français, mais joue aux Etats-Unis.
Lillard, sommé de composer une équipe pour en affronter une autre concoctée par son ex-coéquipier Nicolas Batum, flashe lui aussi sur celui qui se fait appeler "Frenchy", bien longtemps avant le personnage de The Boys. Il le sélectionne donc pour la finale, dont il sera élu MVP.
Sylvain Francisco a alors 18 ans et vit en Floride, où il fréquente une prep school. On n'a que très peu l'occasion de discuter, mais je me dis qu'il faut que j'essaye de suivre la suite de son parcours. On ne voit pas beaucoup de joueurs de ce profil dans le monde professionnel. Trois ans plus tard, quasiment jour pour jour, je le retrouve à Levallois. Sylvain n'a pas pu avoir de bourse pour l'une des grosses universités qui s'intéressaient à lui, Kentucky notamment, faute d'un niveau scolaire suffisant, et est rentré en France.
Le club, qui s'est lancé sur un projet jeunes avec Boris Diaw en mentor, organise une petite rencontre avec des médias dans le restaurant Chipotle de la ville. Je suis le seul à discuter avec lui et, après lui avoir rappelé ce souvenir de la Lillard Academy, lui propose une interview "bouche-trous" comme on en faisait par le passé dans REVERSE, avant que le magazine ne devienne un Mook.
Il m'y raconte son parcours, démarré à Sevran. Son style de jeu façonné en région parisienne, puis sublimé aux Etats-Unis, notamment sur le circuit AAU où il a croisé Malik Monk - "il était fort, mais j'avais pris le dessus" - Ben Simmons, Markelle Fultz, D'Angelo Russell, De'Aaron Fox et bien d'autres. Sa famille, avec son frère Bateko (premier Français membre d'un staff NBA à Utah), si importante pour lui. Son rêve de NBA, aussi, même si à cette heure, il est probablement le seul à croire en ses chances.
L'équipe de France, pour laquelle il va disputer une Coupe du monde dans peu de temps, est alors à peine dans son esprit. L'Angola, le pays d'origine de ses parents, a même pris contact avec lui. Je me jure, à nouveau, de suivre ses péripéties. Et elles seront nombreuses...
Sylvain est assez vite étiqueté "fort talent, mais joueur instable", malgré des fulgurances avec le Paris Basketball et la Chorale de Roanne. C'est à l'étranger qu'il finit par s'épanouir, encore une fois, au Basket Manresa (en Espagne) avec lequel il dispute une finale de Ligue des champions, et à Peristeri, en Grèce. Entre-temps, il se fait remarquer par les habitués du Quai 54, un tournoi taillé sur mesure pour ses qualités de dribbleur, de scoreur et de dunkeur. A chaque fois qu'il brille, Barbara m'envoie un petit message pour voir si j'ai bien vu ce qu'avait fait "mon gars Sylvain Francisco". En tant que fan, je me réjouis évidemment à chaque fois, mais n'arrive pas pour autant à savoir jusqu'où il sera capable d'aller.
Le staff de l'équipe de France, qui l'a toujours gardé dans un coin de la tête, a les idées plus claires. Il lui donne sa chance pour les éliminatoires de la Coupe du monde, au sein d'un groupe privé de ses joueurs NBA. "Frenchy" se saisit de l'occasion et montre toute sa panoplie en profitant du temps de jeu offert par Vincent Collet : playmaking, shoot, activité, sens du show, tout y est.
[📺LIVE] 🏀 Basket - Qualifications CDM 2023
🇫🇷🇧🇦 LE POSTER DE SYLVAIN FRANCISCO ! pic.twitter.com/qUy2qmSd3T— NBAextra (@NBAextra) November 14, 2022
Les Bleus n'ont que très rarement eu des joueurs avec le profil de Sylvain Francisco dans leur histoire. Lors du dernier Euro, la créativité et le punch offensif ont fait défaut. C'est justement pour ça que j'espérais voir son nom dans la liste des 12 pour le Mondial. J'ai été exaucé et j'espère que Sylvain va pouvoir montrer à plus grande échelle ce qui fait l'originalité de son jeu. Il le mérite.