Sean Marks et ses assistants au sein du management des Brooklyn Nets doivent se sentir soulagés ce lundi. Peut-être même qu’ils s’estiment libérés après avoir traversé trois années (et des poussières) très chaotiques depuis l’arrivée de Kyrie Irving à New York à l’intersaison 2019. Trois années marquées par les frasques, caprices et autres incidents plus ou moins importants liés au meneur All-Star. Jusqu’au dernier, sa (nouvelle) demande de départ, une semaine après que sa belle-mère, qui lui sert d’agent, ait assurée qu’il voulait rester à Brooklyn.
Les Dallas Mavericks ont devancé les Los Angeles Lakers et les Phoenix Suns pour remporter les enchères. Irving est désormais leur problème. Kevin Durant est toujours là, et les Nets ne sont pas à l’abri d’un épisode dramatique de plus. Mais c’est tout de même la page la plus cauchemardesque et la plus catastrophique d’une franchise pourtant chargée en histoires sordides qui se tourne.
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Kyrie Irving, enfin une deuxième star des Mavericks
Mark Cuban prend un très gros pari. En effet, la formation texane s’est donc séparée de son troisième meilleur marqueur, Spencer Dinwiddie, de son meilleur défenseur, Dorian Finney-Smith et d’un tour de draft lointain non protégé (2029) ainsi que deux seconds tours pour mettre la main sur un All-Star, certes, mais le All-Star le plus imprévisible de la décennie.
Mais bon, les Mavericks tiennent donc la deuxième star qu’ils tenaient tant à associer à Luka Doncic. Le Slovène a d’ailleurs été consulté avant que le transfert soit validé. Nico Harrison, un ancien de chez Nike qui dirige désormais l’équipe, a un historique avec Kyrie et Jason Kidd poussait lui aussi pour que le deal se fasse. Le principal intéressé serait lui très enthousiaste à l’idée d’arriver à Dallas et de rejoindre Doncic. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Du moins pour l’instant. Parce que ce transfert amène tout de même tout un lot de questions. Ça ressemble presque à un « panic move » pour des Mavericks déterminés à entourer leur meilleur joueur avec un autre super talent. Actuellement blessé, Doncic se crève à la tâche pour maintenir à flot une équipe pas folichonne mais tout de même sixième à l’Ouest avec un bilan positif (28-26). Toutes les possessions offensives passaient par lui, ou presque, ce qui représentait une source de problèmes pour Kidd. L’entraîneur craignait que son joueur ne tienne pas le rythme toute la saison et les bobos récents lui donnent raison.
Kyrie Irving, les gagnants et les perdants du trade
Kyrie Irving représente une assurance en cas d’absence du jeune prodige. Il a montré encore récemment avec les Nets qu’il pouvait porter une équipe en attaque soir après soir, même si ça ne s’est pas forcément traduit par des victoires pour Brooklyn. Il reste l’un des scoreurs les plus talentueux de cette ligue et il compile plus de 27 points, 5 rebonds et 5 passes à 48% aux tirs et 37% à trois-points cette saison.
Il est aussi capable de jouer avec une autre superstar. Il l’a prouvé par le passé, avec Kevin Durant récemment mais aussi évidemment au côté de LeBron James lorsqu’ils évoluaient aux Cleveland Cavaliers. Luka Doncic n’est pas tout à fait le même joueur que le King mais il y a des similitudes. Ils sont censés pouvoir s’entendre sur le terrain, avec un Kyrie qui profiterait des espaces créés par Doncic tout en représentant une menace de premier plan sans le ballon.
Luka Doncic prêt à s'adapter ?
Reste à savoir comment chacun va s’adapter à l’autre. La logique voudrait qu’Irving fasse un peu plus d’efforts. Déjà parce qu’il est moins fort et parce qu’il arrive dans une équipe avec un leader bien défini. Mais ce sera aussi une vraie épreuve pour Doncic. Une nouvelle étape à franchir dans sa carrière. Il n’a jamais eu un coéquipier aussi talentueux. Il voulait du renfort et maintenant qu’il en a, lui aussi va devoir faciliter l’intégration de son nouveau camarade. En cédant des responsabilités plus fréquemment.
Le « fit » reste donc un point d’interrogation même si les deux joueurs devraient pouvoir former ensemble l’un des duos les plus prolifiques de la ligue en attaque. Le problème reste évidemment la défense. Les Mavericks ont deux stars qui ne brillent pas de ce côté du parquet et ils ont refourgué le moteur de l’équipe de ce côté du parquet en cédant Dorian Finney-Smith. Christian Wood, la troisième lame offensive, a fait des progrès mais ce n’est pas un stoppeur non plus. Dallas va devoir marquer 130 points par match pour gagner.
Une défense encore plus catastrophique
La franchise texane occupe déjà la 24e place au classement des défenses NBA avec 114,9 points encaissés sur 100 possessions. Elle pourrait faire pire. Même si elle devrait progresser en attaque (9e actuellement). Les équipes construites de la sorte réussissent rarement à aller au bout en playoffs. Mais il y a suffisamment de talents pour faire un run, surtout dans une Conférence Ouest aussi ouverte. Les dirigeants n’ont d’ailleurs peut-être pas fini de faire des moves. Ils auront sans doute l’envie d’ajouter des défenseurs de métier à cet effectif pour allonger la rotation.
L’ironie, c’est que la formation sera potentiellement remaniée d’ici quatre mois. Kyrie Irving n’est même pas forcément une option à long terme. En effet, le joueur sera free agent dès cet été. Les Mavericks peuvent d’ores-et-déjà négocier une extension de deux ans (et environ 70 à 80 millions de dollars) mais ce serait un gros risque tant que la franchise n’aura pas de garantie quant à sa capacité de jouer et de briller avec Luka Doncic. Sachant qu’en plus le bonhomme, de par sa personnalité, n’apporte que très peu de certitudes.
Selon les dernières rumeurs, le front office de Dallas n’envisage pas de prolonger Irving dès maintenant. Les Mavs vont attendre cet été après une première campagne de playoffs. Il est donc encore possible que Kyrie leur fasse faux bond et décide de prendre la direction des Lakers, sa destination préférentielle. Il dira que non. Mais les Boston Celtics, les Brooklyn Nets ou même les Cleveland Cavaliers connaissent les limites de sa parole.
S’il venait à partir libre, Dallas aurait sacrifié un pick important et deux joueurs essentiels de la rotation pour un run de playoffs. La perte n’est pas non plus catastrophique puisqu’elle contribuera en quelque sorte à libérer de l’espace sous le cap. Sauf que les Mavericks ne sont pas réputés pour attirer des joueurs libres sur le marché. Peut-être que Doncic arrivera à changer ça. Il existe tout de même un scénario où les Texans sortent avant les finales de Conférence avant de voir Irving partir. Pas sûr que ça enchante le Slovène.
Après, peut-être que les Mavericks n’avaient pas de meilleur joueur à récupérer en l’échange de Smith et Dinwiddie. Les Toronto Raptors sont très gourmands quand il s’agit de négocier pour leurs joueurs majeurs comme Pascal Siakam ou OG Anunoby. Karl-Anthony Towns est blessé et il n’est pas sur le marché jusqu’à preuve du contraire. Les stars de Chicago Bulls ne présentent pas un grand intérêt pour Dallas. L’option Kyrie Irving était finalement l’une des seules pour la saison en cours. Même s’ils auraient très bien pu attendre cet été pour tenter un autre move.
Les Nets enfin libérés
La contrepartie est intéressante pour les Nets. Irving allait partir de toute façon. Dinwiddie connaît bien la maison et il pourra de suite occuper le rôle de meneur titulaire. Il est moins talentueux que Kyrie mais plus fiable et plus professionnel. Finney-Smith est typiquement le profil dont ont besoin les New-yorkais : fort défenseur, polyvalent et capable de mettre des trois-points.
Cet effectif de Brooklyn perd en talent mais il gagne en profondeur. Les Nets ne peuvent plus vraiment viser le titre par contre. KD se retrouve dans la peau de Doncic avant le trade : une superstar entourée de joueurs de devoir (du moins tant que Ben Simmons aura des problèmes physiques et des blocages mentaux). C’est trop juste pour rêver grand. De toute façon, même avec Irving, la probabilité d’aller au bout restait faible mais pas complètement impossible.
Les Nets peuvent même encore essayer de refourguer Simmons, le pick des Mavs et quelques joueurs pour aller chercher une autre star et reformer une équipe compétitive plus saine. Rien que ça, c’est déjà une victoire. De la sérénité. Enfin. Ce trade, d’ailleurs, il en dit long sur Kyrie Irving et sur sa personnalité. Partout où il passe, il y a des problèmes. Ça ne peut pas toujours être de la faute des autres. Pas sûr qu’il se soit remis en question pour autant. Bon courage aux Mavericks.