Plus qu'un joueur de basket, Kobe Bryant était une icône pour toute une génération.
Cet édito a été publié à l'origine le 27 janvier 2020, au lendemain de la disparition tragique de Kobe Bryant.Depuis hier soir, je cherche les mots mais je ne les trouve pas. Encore sous le choc. Mon petit-frère et moi, nous avons grandi avec Kobe Bryant. Comme des milliers et des milliers de passionnés de basket à travers le monde. Pour notre génération, Kobe, c’était Michael Jordan. Notre Michael Jordan. C’est l’un des premiers joueurs dont j’ai retenu le nom, après avoir dévoré le guide la saison 1999-2000 de Mondial Basket. Parce qu’il avait vécu brièvement à Mulhouse, dont ma famille est originaire et où mon père a joué au basket. Bryant était une star dès son arrivée en NBA, à sa sortie du lycée, un pur showman, arrogant, sûr de lui, incroyablement déterminé. Mais c’est vraiment lors de cette saison 99-00 qu’il est devenu l’un des meilleurs joueurs de la ligue. Première sélection All-Star. Première saison bouclée à plus de 20 points par match. Premier titre. Donc aussi loin que je me souvienne, il a toujours été dominant.
Je n’aimais pas Kobe, pourtant. J’étais limite proche de le détester. Mais ça, c’est parce que j’avais peur de lui. Peur des dégâts qu’il pouvait infliger dans les défenses. Peur parce qu’il pouvait soudainement renverser une rencontre. Je supportais deux équipes, les Spurs de Tim Duncan et les Blazers de Rasheed Wallace. Deux équipes auxquelles il a, honnêtement, fait des misères. Je l’ai vu détruire Portland lors du Game 7 des finales de Conférence 2000. Je l’ai vu balayer San Antonio deux années de suite en 2001 et 2002. Il n’y avait pas encore Twitter ou l’ADSL à cette époque. Pas encore de connexion pour checker les résultats du matin. Mon père enregistrait les matches sur Canal +, je sais que de nombreux amateurs de basket les regardaient même carrément en direct à 2 ou 3 heures du matin, et je les visionnais le lendemain sans savoir ce qui s’était passé. Et j’avais peur de Kobe. Peur qu’il fasse encore une fois exploser mon équipe préférée.
Même sans les réseaux sociaux, Bryant avait une image de joueur arrogant. En fait, non, soyons complètement honnêtes : il avait une image de gros connard. C’est comme ça qu’il a été dépeint à ma génération pendant des années. Un sentiment sans doute amplifié aux yeux de ceux qui, comme moi, n’étaient pas spécialement fans des Lakers. Pour eux, c’était déjà un héros. Pour nous, juste un égoïste qui croquait la balle alors qu’il avait Shaquille O’Neal à ses côtés. Puis le Shaq est parti. Bryant s’est retrouvé avec un groupe sans sucre. Chris Mihm. Smush Parker. Je ne me souviens plus de tous les noms. Mais c’était moche.
J’avais 16 ans. Déjà un peu plus en âge de surfer sur le net. Alors c’était la routine, tous les matins. Aller regarder combien de points il a scoré pendant la nuit. Une routine partagée par tous les dingues de balle orange. Qui se souvient de cette époque, sans Smartphone, où il fallait lancer l’ordi puis NBA.COM pour aller checker les boxscores ? Quinze ans après, j’ai toujours le même réflexe. Sauf qu’en ce temps, le premier match qu’il fallait vérifier, c’était celui de Kobe. Toujours. 50 points par-ci. 45 par-là. Et le jour où il en a mis 81, pfiouuuu. La dinguerie. Même LeBron James ou Jalen Rose ont avoué que dès qu’ils ne jouaient pas, ils regardaient rapidement combien de points Kobe Bryant avait scoré.
C’est à ce moment-là où j’ai commencé à vraiment apprécier la superstar. Crâne rasé, numéro 24 sur le dos. Qui se souvient avoir tenté des fadeaways sur le playground du coin, en imaginant être Kobe ? J’étais long mais sec comme un câble de frein à main et je jouais avec des mecs plus âgés dehors. Le fadeaway à la Kobe, c’était ma vie. Mon seul moyen pour ne pas me faire contrer. Pour beaucoup, ce fadeaway, c’est celui de Jordan. Pour nous, c’est celui de Kobe Bryant. Qui se souvient avoir porté le numéro 8 en club ? Qui se souvient avoir gueulé « Kobeeeeeeeee Bryanttttttttt » en se voyant marquer un game winner ? C’était une icône.
L’annonce de sa mort, que je n’arrive toujours pas à vraiment réaliser, m’a fait un choc. C’est toujours évidemment triste quand quelqu’un décède, quel qu’il soit, personnalité ou non. Mais je dois avouer que c’est la première fois que la mort d’une « star » me touche autant. J’arrive à comprendre les joueurs NBA qui répètent « this one hit different ». Je ne saurais même pas le traduire là, de suite. Mais c’est une expression qui résume mon sentiment. C’est brutal. Si soudain. Si triste.
J’ai commencé à adorer Kobe Bryant le jour où il n’a plus vraiment caché qu’il était un « connard ». Entre guillemets bien sûr. Quand Bryant a pleinement assumé son côté emmerdeur, il a pris un tout autre charme. Et les plus jeunes ne s’en souviennent peut-être pas, mais il a longtemps été détesté dans quasiment toutes les salles NBA. Jusqu’à ce qu’il semble plus apaisé. Moins arrogant, toujours perso mais étrangement beaucoup plus sympathique aux yeux de tous. Il est devenu un mythe. Celui du mec incassable, acharné de travail, impitoyable. Jamais blessé. Sa déchirure du tendon d’Achille, en 2013, alors que je venais de commencer à travailler pour REVERSE en tant que stagiaire, m’avait déjà fait quelque chose.
Kobe a su devenir un modèle de réussite. Avec son état d’esprit si unique. La « Mamba Mentality ». 9 fois sur 10, j’aurais sans doute tendance à dire que la « Mamba Mentality », c’est des conneries. Se surpasser pour être le meilleur, etc. C’est quand même beaucoup de blabla. Des phrases un peu plates, toutes faites, et des anecdotes sûrement remixées et exagérées. Est-ce qu’on a vraiment besoin de la « Mamba Mentality » pour essayer de faire mieux au quotidien ? Qui se répète tous les matins : « allez, je vais être comme le Mamba ? » Personne, non ? Puis, parfois, une fois sur dix, quand j’essayais de me motiver, ça m’arrivait de penser à Kobe. Putain, il avait raison. Cette « Mamba Mentality », elle faisait son charme. C’était lui. Et il était une source d’inspiration pour beaucoup, beaucoup, beaucoup d’entre nous. Il encourageait chacun d'entre nous à devenir la meilleure version de nous-mêmes. C'était un joueur incroyable mais surtout un homme charismatique, curieux et très intelligent. Un père de famille dévoué pour ses quatre filles.
Quand je vois les hommages qui se multiplient depuis hier, je me rends compte qu’il y avait un peu de Kobe Bryant en nous tous. Tous ceux qui ont grandi avec cette génération en suivant le basket, de près ou de loin. Parce que c’est une partie de nos vies qui s’est éteint hier dans un accident d’hélicoptère. Avec une pensée pour sa fille, Gianna elle aussi décédée dans le crash, et pour les sept autres victimes. Kobe est parti, mais on ne l'oubliera jamais. Jamais. Repose en paix, légende.
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