[superquote pos="d"]"Je n'hésiterai pas une seconde à transférer Andrew Wiggins contre Kevin Love" [/superquote]« Je n’hésiterai pas une seconde à échanger Andrew Wiggins contre Kevin Love », déclarait Mike Krzyzewski, gourou de Duke et grand patron du saint Team USA. « Je ne veux pas descendre un jeune joueur mais Kevin est une machine à double-double. Il étire les défenses. Ils ne sont pas beaucoup à pouvoir faire ça. Je l’ai entraîné dans deux équipes et, sans vouloir faire de jeu de mots, j’adore Kevin Love. Il est jeune lui aussi. Il a 25 ans. Il avait 21 quand je l’ai coaché. Nous avions six joueurs de 21 ans ou moins dans notre équipe à Istanbul (NDLR : Mondial 2010 remporté par Team USA). Et Kevin était l’un d’entre eux. Il a progressé. Il est formidable. Je ferais cet échange immédiatement. » « Quand vous avez LeBron, vous avez le meilleur joueur du monde. Il a 29 ans. Je ne dis pas qu’il est en fin de carrière mais il est dans la seconde moitié de sa carrière. Il est devenu un grand joueur. Mais ça a pris du temps. Vous n’avez jamais envie de sacrifier ne serait-ce qu’une année de la carrière d’un grand joueur. Love est proche de ça. Il n’est pas au même niveau que LeBron mais tout le monde sait qu’il est. »
Kyrie Irving, LeBron James et Kevin Love, le nouveau ‘Big Three’
[caption id="attachment_124012" align="alignleft" width="300"] Kevin Love, un film pornographique pour les amateurs de statistiques.[/caption] Tout le monde connait-il vraiment Kevin Love ? Nous n’en sommes pas si persuadés. Une chose est sûre : les amateurs de NBA ont déjà remarqué ses statistiques monstrueuses à Minnesota. 26,1 pts, 12,5 rbds et 4,4 pds la saison dernière. Une marque seulement atteinte par Kareem Abdul-Jabbar, Wilt Chamberlain, Elgin Baylor et Billy Cunningham. Il est donc l’un des cinq joueurs de l’histoire de la ligue à cumuler de telles statistiques. Pensez ce que vous voulez des chiffres mais toujours est-il que ni Tim Duncan, ni Dirk Nowitzki, ni Karl Malone, ni même Charles Barkley n’ont déjà réussi un pareil exploit individuel. Encore une fois, on soulignera évidemment le fait que Love n’a jamais mené son équipe en playoffs (nous reviendrons sur ce point plus tard). Si les statistiques ne reflètent pas la réalité d’un joueur, elle témoigne plus ou moins d’un certain impact, notamment celles que l’on appelle les « analytiques », ces chiffres poussés censés donner des indications précises sur la valeur d’un joueur. Sachez que, l’année prochaine, les Cleveland Cavaliers aligneront les troisièmes et quatrièmes meilleurs marqueurs de la ligue (au nombre total de points marqués) de la saison précédente avec LeBron James et Kevin Love. Jamais une équipe NBA n’avait acquis deux joueurs du top 5 lors de la même intersaison. Sachez aussi que l’ex-star des Wolves affiche 19 pts et 12 rbds de moyenne en six ans de carrière. Sept joueurs dans l’histoire ont réussi un tel exploit et ils sont tous des Hall Of Famers aujourd’hui (Walt Bellamy, Wilt Chamberlain, Bob Petit, Elgin Baylor, George Mikan, Elvin Hayes et Moses Malone). Ajoutons que LeBron, Love et Kyrie Irving cumulaient 36,9 « Win Shares » à eux trois l’an passé, soit plus que 11 franchises cumulées. [caption id="attachment_181833" align="alignright" width="200"] Le nouveau 'Big Three' ?[/caption] En rejoignant Cleveland et en réclamant (si l’on en croit les rumeurs) l’arrivée du joueur formé à UCLA, le « King » a ainsi constitué un trio plus puissant que celui qu’il aurait formé avec Dwyane Wade et Chris Bosh la saison prochaine s’il était resté à Miami (évidemment, on parle là du « Flash » version 2014-2015 et non 2011-2013). Les trois stars sont toutes capables de débloquer une situation à elle seule. Elles sont toutes capables de flanquer 25 points par match sur une saison complète ou 40 points dans un match dix fois par an. LeBron est le meilleur joueur du pays. Love est dans le top 12, voire le top 10. Irving a sa place dans le top 30, si ce n’est mieux. Avec ces trois joueurs, les Cavaliers peuvent clairement viser la finale de Conférence Est… si ce n’est mieux, encore une fois.Love, de « quasi-superstar » à lieutenant de luxe
Certains ont sans doute grincé des dents en lisant « Love, un des dix meilleurs joueurs de la ligue ». Les chiffres parlent pour lui. Hormis LeBron James et Kevin Durant, aucun acteur NBA n’affichait un meilleur PER (Player Efficiency Rating) que lui la saison précédente. Comme le souligne Bill Simmons, son PER de 26,9 est équivalent à celui de Tim Duncan lorsqu’il a été élu MVP en 2003 et il est supérieur à celui de Charles Barkley lorsque « Chuck » a remporté la plus haute distinction individuelle de l’année en 1993. Mais laissons les statistiques de côté.[superquote pos="d"]"Je me fiche de ses statistiques, je me concentre sur son QI basket" LeBron au sujet de Kevin Love.[/superquote]« Je me fiche de ses 26 points et ses 12 rebonds. Je me concentre sur son QI basket qui est très, très élevé. J’ai eu l’opportunité de passer 32 jours avec lui lors des Jeux Olympiques 2012. Il a été énorme. C’était une pièce très importante (de Team USA) », assurait LeBron James.Le « King » est un étudiant du jeu. Il connait tous les joueurs, leurs points forts, leurs points faibles. Si on met souvent en avant ses qualités athlétiques supérieures à la norme humaine et même supérieures à la norme des sportifs (il a été élu meilleur athlète du monde par Sports Illustrated), on oublie trop souvent de dire à quel point LeBron James est intelligent. Il connait, il sent et il respire le basket. « Vrais reconnaissent vrais ». Le héros d’Akron a reconnu en Kevin Love une star capable de l’aider à conquérir le titre avec Cleveland, le but ultime de la carrière du déjà quadruple MVP et double champion NBA. [caption id="attachment_122641" align="alignleft" width="300"] Kevin Love, un arme longue distance.[/caption] Chris Bosh a longtemps été sous-coté à Miami. Mais l’ancienne gloire éphémère des Toronto Raptors n’a jamais été aussi forte que Love. Le Californien est un meilleur rebondeur, c’est même l’un des meilleurs rebondeurs de la ligue et de l’histoire récente de la NBA. Si ses lacunes défensives sont pointées du doigt à tout va depuis trois semaines – nous reviendrons là encore sur ce point – l’intérieur All-Star est surtout un rouleau compresseur offensif de premier ordre. Les observateurs s’interrogent déjà sur la capacité de Love à jouer avec LeBron et Irving, deux autres stars qui ont besoin du ballon. Mais c’est oublier un peu trop vite que la star des Wolves n’évoluait pas avec la gonfle entre les griffes dans le grand froid de Minnesota. Il ne rechigne pas à poser des écrans pour ensuite rouler vers le cercle ou s’écarter derrière la ligne à trois-points. Il prend sa position au poste bas et fait des ravages lorsqu’il est servi. Même sans toucher la gonfle, il suscite l’attention des défenseurs. Sa présence contraint la défense à rester concentrée à chaque instant, ce qui peut provoquer de la fatigue physique et nerveuse. De quoi user les adversaires et offrir des espaces à ses coéquipiers. [superquote pos="d"]Même sans toucher la balle, Kevin Love épuise la défense adverse[/superquote]Ses coéquipiers, parlons-en. A Minnesota, Love n’a jamais partagé la gonfle avec un autre All-Star. Il n’a jamais pu compter sur les conseils d’un vétéran capable de lui enseigner les bonnes valeurs en NBA. La seule fois où il a eu un joueur de son calibre – ou presque – à ses côtés, en l’occurrence Al Jefferson, les dirigeants ont cru bon de le transférer à Utah. Alors oui, il marquait des points et prenait des rebonds parce qu’il y avait pas d’autres stars autour de lui… mais dans ce cas, peut-on vraiment lui reprocher de ne pas avoir atteint les playoffs au sein d’une Conférence extrêmement dense avec les blessures à répétition des « cadres » des Wolves ? N’oublions pas non plus que Rick Adelman alignait à la fois Corey Brewer et Ricky Rubio dans le cinq en fin de match. Aucun des deux n’est capable de shooter à plus de quatre mètres du cercle. La défense adverse n’avait plus qu’à se resserrer sur Love (et Pekovic). L’intérieur a donc flanqué 26 pts par match à 45% de réussite aux tirs et 37% à trois-points malgré des prises-à-deux constantes, voire des prises-à-trois. LeBron James attire encore plus la défense que lui… avec Irving en plus, la star bénéficiera de tirs bien plus ouverts et il ne serait donc pas étonnant que ces pourcentages grimpent en flèche (47-49% de réussite aux tirs et 40% à trois-points ?). On oublie à quel point James rend la vie de ses coéquipiers bien plus facile. Love va pouvoir en profiter. Pour la première fois de sa carrière, il ne sera pas la principale attention de la défense. [caption id="attachment_127085" align="alignleft" width="300"] Kevin Love a tendance à être pris à deux voire à trois par les défenseurs adverses.[/caption] Va-t-il mal le vivre ? Va-t-il accepter de passer au second plan ? Il le faisait au sein de Team USA et Mike Krzyzewski l’a aligné dans les moments chauds de la finale Olympique face à l’Espagne. Accepter un tel rôle sur l’intégralité d’une saison NBA est une autre histoire. Mais Kevin Love veut gagner un titre. Il a grandi en étudiant des cassettes vidéo du trio magique des Boston Celtics. Il sait que Kevin McHale, aussi talentueux soit-il, devait parfois s’effacer au profit de Larry Bird. Il sait que gagner réclame des sacrifices, même s’il a perdu le goût de la victoire depuis son arrivée dans le Minnesota. Le garçon est intelligent et c’est un excellent passeur, ce qui devrait là encore faciliter la vie de ses coéquipiers. [superquote pos="d"]Love est encore loin d'avoir exploiter tout son potentiel[/superquote]Si la jeunesse – et donc le potentiel – d’Andrew Wiggins a longtemps été avancé comme un argument en faveur des « pro-Wiggins » ou « anti-Love », n’oublions pas que le natif de Santa Monica n’a que 25 ans. Il n’a pas atteint son plein potentiel. Il rentre tout juste dans la meilleure période de sa carrière. Les intérieurs – et plus généralement les stars NBA – n’atteignent leur apogée qu’entre 28 et 31-32 ans (les plus doués ont pour coutume d’étendre leur « prime »). LaMarcus Aldridge et Al Jefferson ont explosé la saison dernière à respectivement 28 et 29 ans. Il n’y a strictement aucune raison que Love ne soit pas un bien meilleur joueur dans trois ou quatre ans qu’il ne l’est maintenant. Et c’est pour cette raison que les Cavaliers n’hésiteront pas une seconde à lui offrir le montant maximum s’il s’engage à passer les cinq prochaines années de sa vie dans l’Ohio.
Un problème évident en défense
[caption id="attachment_105304" align="alignright" width="300"] La star a tendance a vite baisser les bras en défense...[/caption] Il ne serait pas juste d’évoquer les qualités de l’intérieur sans se pencher sur ses points faibles. Effectivement, Kevin Love n’est pas un bon défenseur et il ne sera probablement jamais un bon défenseur. Sa taille (2,08 m) ne lui permet pas de défendre sur les plus grands pivots et ses « faibles » qualités athlétiques ne lui permettent pas de compenser ses difficultés physiologiques. Love n’est pas grand donc, il ne saute pas haut, ses bras sont courts et sa vitesse latérale n’est pas suffisante pour contenir les intérieurs les plus mobiles, et ce malgré sa perte de poids (NB : Autre défaut, il a tendance à rapidement gagner des kilos). Malgré cela, les Wolves marquaient six points de plus que leurs adversaires avec Love sur le terrain et en encaissent cinq de plus avec la star sur le banc. Même au sein d’une équipe faible et portée sur l’offensive avec plusieurs « mauvais » défenseurs, le All-Star n’était absolument pas un boulet pour son équipe en défense. En revanche, lorsque les moments les plus importants de la saison – les playoffs – se présenteront, Love sera certainement une faille que les adversaires des Cavaliers, notamment les franchises les mieux fournies dans la raquette (coucou, les Bulls) chercheront à exploiter. Mais ses mauvaises performances défensives ne sont pas seulement le fruit de ses lacunes physiques. Kevin Love a tendance à ne pas jouer dur durant l’intégralité d’une rencontre. Il choisit ses moments, comme tellement de jeunes stars aujourd’hui. Nous l’avions déjà fait remarquer dans un article précédent, mais comme le soulignait justement Zach Lowe, il a tendance à protéger très vite le rebond, quitte à ne pas contester le tir mais à s’assurer une précieuse statistique. Il est donc tentant de qualifier la star d’égoïste. Mais comment ne pas prendre en compte la situation à Minnesota ? [caption id="attachment_139595" align="alignleft" width="300"] Stephen Curry aurait pu former un duo de shooteurs redoutables avec Love.[/caption] David Kahn a détruit la franchise qui n’a plus connu les playoffs depuis 2004. En 2009, un an après obtenu Love le soir de la draft (via un transfert après avoir sélectionné O.J. Mayo), les Wolves disposaient de trois choix au premier tour dont le cinquième et le sixième pick. Ils ont misé sur trois meneurs (!!!!!!!!!!!!!!) : Ricky Rubio, Jonny Flynn et Ty Lawson. Evidemment, ils n’ont pas conservé le dernier nommé, le seul qui se rapproche aujourd’hui d’un niveau All-Star. Flynn n’est même plus en NBA. Ah oui aussi, ils ont passé sur Stephen Curry, un autre top 12 player. Un an plus tard, draft 2010. La franchise a l’occasion d’associer DeMarcus Cousins et Kevin Love, un tandem d’intérieurs que l’on peut imaginer complémentaire et monstrueux (bien que ultra light en défense). Les Wolves ont choisi Wesley Johnson. Voilà à quoi est confrontée la star depuis son arrivée en NBA. On notera évidemment que les dirigeants ont refusé de lui offrir un contrat sur cinq ans et un statut de « designated player » qu’ils espéraient garder au chaud pour Ricky Rubio. L’Espagnol demande aujourd’hui un contrat au montant maximum alors qu’il affiche un piteux 36% de réussite aux tirs en carrière (ce qui ne l’empêche pas d’être un formidable passeur et un bon défenseur à son poste). Comment conserver la motivation dans une telle situation ? On dit que les plus grands joueurs parviennent à s’extirper de ces mauvaises passes et à surpasser les attentes autour de leur équipe – n’importe quelle équipe. Et c’est ce qui distingue Love des superstars comme LeBron James ou Kevin Durant. Il fait partie de la seconde catégorie, les « quasi-superstars ».[superquote pos="d"]"Peut-être que nous avons besoin d'un autre leader que Kevin Love" Ricky Rubio. [/superquote]« C’est un joueur spécial, qui aligne des statistiques incroyables mais peut-être que l’on a besoin d’un autre leader que lui. Il est la première option offensive mais il n’est pas le leader vocal idéal de l’équipe. Il y a différents types de leadership. Peut-être que cela ne devrait pas être lui le patron », expliquait Ricky Rubio au sujet de son futur ex-coéquipier.Le pistolero espagnol n’a pas spécialement tort. Love est le meilleur marqueur de son équipe mais a-t-il l’âme d’un chef ? Il ne semble pas être le genre de joueur à taper du poing sur la table pour réclamer du changement mais plus celui qui garde sa frustration à l’intérieur avant d’exploser. Aujourd’hui, Love explose. Et il ne veut plus jouer à Minnesota. Bien entouré, il devrait faire un malheur. Quoi de mieux que d’être associé au meilleur joueur du monde, à un meneur prometteur et déjà All-Star, à des jeunes joueurs aux dents longues et à une brochette de vétérans ambitieux ? [superquote pos="d"]Combien de All-Stars sont de vrais "two way player" ? [/superquote]Dernier point sur sa défense : combien de joueurs NBA sont de vrais « two way player » ? Stephen Curry subit-il les mêmes critiques ? Et ‘KD’ ? Love n’est pas un bon défenseur mais la majorité des stars de cette ligue sont passables voir mauvais en défense. D’autant plus que Nikola Pekovic, son partenaire dans la raquette des Wolves, est lui aussi considéré comme une passoire. Aucun des deux n’est un protecteur du cercle et Minnesota l’a payé au prix fort. Rick Adelman voulait construire une armada offensive susceptible de dépasser ses lacunes défensives. Les Cavaliers auront un problème similaire. En alignant Kyrie Irving et Kevin Love ensembles sur le terrain, Cleveland s’expose défensivement. Anderson Varejao n’est pas non plus un protecteur du cercle et il ne serait donc pas surprenant que les dirigeants s’attèlent à renforcer le secteur intérieur afin d’engager un pivot chargé des basses besognes. Mais qu’on se le dise, les Cavs de David Blatt miseront avant tout sur l’attaque.