Kevin Durant + Michael Beasley = Double Trouble
Le feu et la glace, les deux peuvent tuer, mais de façons bien différentes. C’est ce que n’ont pas tardé à découvrir les équipes AAU et de lycées du coin. Avec ces deux joueurs bourrés de talent et armés d’une motivation sans borne, ce petit groupe de potes a commencé à monter en régime et à alimenter son tableau de chasse. B-Easy en monstre du rebond dans la raquette et KD à l’extérieur avec son physique de mante religieuse prête à enquiller les jumpers. On imagine facilement la désolation que ça pouvait causer sur le banc adverse. Entre Kevin le taiseux analytique et Mike la grande gueule immunisée à la pression, il y en avait toujours un pour trouver la solution, même dans les situations les plus complexes. Une anecdote résume assez bien le talent dont ce crew était pétri et la solidarité dont il faisait preuve. Lors d’un tournoi AAU, la petite équipe des PG Jaguars était dans les tribunes en train de déjeuner en attendant que le match précédent se termine. Fatigué du bordel qu’il faisait et du fait que Michael Beasley soit constamment en train d’entrer ou de sortir de la salle, l’un des arbitres commence à l’invectiver avec véhémence. Pas habitué à être traité de la sorte, Beas s’emporte et lui balance sa fourchette en plastique au visage. Ambiance… Vient finalement leur tour de jouer.« On a commencé en mettant quelque chose comme vingt points en trois minutes », raconte Beasley.
« Le coach a pris un temps-mort et il nous a dit que plus personne n'avait le droit de prendre un shoot pour tout le reste du match ! C’était sa manière de nous faire la leçon. Et on a gagné 20 à 14. »
« J’avais onze ans quand j’ai su que Kevin irait en NBA. » Michael Beasley
Pas mal comme sanction et comme preuve que, même en difficulté à cause de l’un des leurs, ces gars-là savaient se serrer les coudes en toutes circonstances. Même lorsque l’étoile de KD a commencé son ascension, les relations sont restées saines. Michael Beasley clame d’ailleurs qu’il a toujours su que son pote irait aussi loin.« J’avais onze ans quand j’ai su qu'il irait en NBA », raconte-t-il.
« J'étais assis sur le banc pendant un entraînement et les coaches étaient assis derrière moi. Je les entendais parler de lui et ils disaient ‘‘Il sait faire ci, il sait faire ça aussi’’, j'ai regardé vers le terrain et Kevin se tenait debout, juste en-dessous d'un spot de lumière qui scintillait. Je me suis dit, c'est la lumière divine, ça ! »
Il y avait sans doute de ça, mais Beasley n’était pas loin non plus. Après avoir longtemps pensé qu’il n’était qu’une machine à prendre des rebonds, il a connu une double poussée de croissance, dans son jeu comme dans ses capacités physiques une fois qu’il s’est mis à se concentrer sur le basket. Arrivé à la fac juste au moment où KD quittait la NCAA pour rejoindre la NBA, il a à son tour tout explosé. Malgré ce qui les sépare, s’il y a bien un domaine dans lequel ils étaient similaires, c’est dans la façon qu’ils ont eu d’utiliser leur seule et unique saison parmi les universitaires pour se propulser vers le haut.« Ce n'est que quand je suis arrivé à la fac que j'ai vraiment trouvé confiance en moi et que j’ai pu me dire ‘‘Oh merde, je suis meilleur que lui, je suis meilleur que lui, celui-là ne peut pas me stopper….’’ », raconte Kevin Durant en se marrant.
« En tant que freshman, j'ai fait des trucs que personne d'autre ne faisait. Et l'année suivante, Mike débarque à Kansas State et fait la même chose. C'est ce dont on avait toujours rêvé. »
Après être passés par la même équipe AAU, le même lycée, la même conférence NCAA (la Big 12) et avoir tous les deux été élus Conference Player Of the Year avec des stats affolantes (25,8 pts à 47,3% et 11,1 rbds pour Kevin Durant ; 26,2 pts à 53,2% et 12,4 rbds pour Michael Beasley), ils ont tous les deux été sélectionnés en deuxième position à la draft. Et c’est précisément à ce moment que leurs trajectoires ont pris des directions diamétralement opposées. KD s’est retrouvé perché tout au Nord-Ouest des Etats-Unis, dans une ville et une région mieux connues pour sa pluie incessante et son ambiance grungy que pour la luxuriance de sa vie nocturne, tandis que Mike prenait la direction Sud-Est pour atterrir à M-I-Yayo, là où la fête ne s’arrête jamais. Difficile d’imaginer cadres plus différents quand on devient soudainement millionnaire. Séparés l’un de l’autre, les deux compères ont perdu en partie leur équilibre pour revenir à leurs réflexes primaux : KD en s’enfermant dans la salle d’entraînement, Beas en se laissant porter par le vent et les influences extérieures.« J'ai eu la chance d'aller dans une franchise où je n'avais pas à attendre mon tour derrière D-Wade ou à vivre à Miami à dix-neuf ans. Si ça avait été le cas, mon histoire serait peut-être différente », avance Durant pour expliquer la pente sur laquelle son pote s’est laissé glisser.
« Il lui a manqué quelqu'un pour lui dire "Mec, ce truc-là, le basket, c’est sacré ! Il faut que tu te donnes corps et âme si tu veux que ça fonctionne". Très tôt, j'ai eu la chance d'avoir des gens comme ça autour de moi. »