Kawhi Leonard, le MVP dont personne ne parle

Kawhi Leonard est le meilleur joueur des San Antonio Spurs. Candidat au MVP, il suit son chemin vers la gloire à l'abri des projecteurs.

Kawhi Leonard, le MVP dont personne ne parle
Juillet 2015. LaMarcus Aldridge a posé ses valises à San Antonio, débarquant ainsi dans son Texas natal avec un statut de multiple All-Star, un nouveau contrat mirobolant à hauteur de 80 millions de dollars sur quatre ans et sa vingtaine de pions inscrits chaque saison lors de ses dernières années à Portland. Le poisson le plus convoité de l'océan NBA cet été a finalement troqué la gloire individuelle et les exploits personnels pour tenter de gagner des titres au sein de la franchise la plus victorieuse du sport US au cours des quinze dernières années. A peine arrivé aux Spurs, l'intérieur a plus ou moins été présenté comme le successeur de Tim Duncan, le meilleur ailier-fort de l'histoire. Le futur Hall Of Famer se rapprochant à très grands pas de la retraite, il fallait lui trouver un remplaçant. Aldridge a le profil idéal... si ce n'est que son âge - 30 ans - est souvent une donnée non négligeable et pourtant souvent oubliée au moment d'évoquer l'ancien chef de file des Trail Blazers. Attaquant très talentueux, 'LMA' pratique le meilleur basket de sa carrière et il ne devrait pas progresser sensiblement dans les deux ou trois ans à venir. [superquote pos="d"]En 2013, Popovich présentait déjà Leonard comme la future star des Spurs[/superquote]Toujours en juillet, les San Antonio Spurs ont offert plus de 90 millions de dollars sur cinq saisons à Kawhi Leonard. Une somme colossale qui confirme simplement les attentes placées en l'ailier en constante progression depuis son arrivée en NBA. D'abord cantonné aux tâches défensives lors de sa première année dans la ligue, le Californien a travaillé tous les aspects du jeu, ce qui lui a valu d'être annoncée comme la "prochaine star des Spurs" par Gregg Popovich en personne. Adoubé par le coach légendaire. Une marque de respect qui n'a pas brisé le scepticisme ambiant autour du quinzième choix de la draft 2011. Oui, l'ancien pensionnaire de San Diego State était déjà un membre essentiel de la rotation des éperons. Un bon joueur de complément, tel est le rôle imaginé pour Leonard par une partie des observateurs (supporteurs, médias) qui se refusaient d'envisager qu'il prendrait un jour la relève de Tim Duncan, Tony Parker et compagnie. Nous avions fait le pari - finalement peu risqué - de suivre l'instinct de Popovich. Saison après saison, nous avons mis en lumière les progrès offensifs et défensifs de 'Sugar K' tout en soulignant son impact grandissant sur le jeu des Texans, allant même jusqu'à le qualifier de "joueur le plus important des Spurs" au travers d'une longue analyse juste avant les finales NBA 2014. Il était alors notre favori pour le trophée de MVP en cas de succès de San Antonio contre Miami. Génie ou simple coup de chance mais toujours est-il qu'il a bien été l'un des plus jeunes joueurs de l'histoire à hériter de cette distinction individuelle. Le constat était alors de plus en plus saisissant, même si les doutes n'étaient pas encore complètement écartés aux yeux de tous. Kawhi Leonard était en passe de s'affirmer comme la vraie star des San Antonio Spurs. C'est le rôle qu'il tenait déjà l'an passé et c'est désormais une évidence cette saison. Encore plus complet, il est la première option offensive de son équipe. Attendu comme le patron, LaMarcus Aldridge se contente de jouer les lieutenants de luxe tout en s'adaptant en douceur au système altruiste de Gregg Popovich.

Spurs' Most Valuable AND Most Important Player

[caption id="attachment_155211" align="alignleft" width="318"] Kawhi Leonard est le meilleur marqueur de San Antonio cette saison.[/caption] Leonard, lui, se régale. Nous régale. Il est le joueur de l'effectif à disposer du plus grand nombre de possessions en attaque. Il prend quatre tirs de plus (en moyenne) que la saison précédente et les convertit avec une efficacité digne des attaquants les plus décisifs de la ligue. Après 17 matches, le joueur de 24 ans cumule 22,2 points par match à 51,6% aux tirs, 47,1% à trois-points et 86% aux lancers-francs. Il ne profite pas seulement du système des Spurs pour marquer ses points, il est de plus en plus à l'origine même du système. Son aisance en dribble lui permet de déposer ses adversaires en pénétration. Il joue aussi sur sa puissance et sa taille pour se frayer un chemin vers le cercle sur les drives. Il a travaillé son jeu dos au panier où sa technique, combinée à ses qualités athlétiques, lui permet de prendre le dessus sur son vis-à-vis. Il est même souvent isolé sur le côté gauche de l'attaque. Si la défense ne réagit pas, il punit en se rapprochant du panier ou grâce à un tir en fadeaway qu'il maîtrise de mieux en mieux. Si un autre joueur vient en aide, il ressort le ballon.
"Il provoque des prises à deux désormais et cela change complètement le jeu", remarque Gregg Popovich.
[superquote pos="d"]"Il a capacité de réaliser ce que Jordan faisait des deux côtés du terrain." Gregg Popovich[/superquote]Pour l'accompagner dans son développement, le coach lui a fait analyser en boucle des vidéos de Charles Barkley, à l'époque où l'intérieur star provoquait des prises à deux en cascade. De quoi aider Kawhi Leonard à prendre les bonnes décisions lorsque la défense adverse se resserre sur lui. Il participe ainsi à la construction du jeu en libérant des espaces pour Aldridge, Parker ou Danny Green. Autre statistique intéressante, les Spurs ont tendance à confier encore plus de ballons à leur jeune star montante dans les... défaites. Ce dernier marque plus de points et il touche plus la gonfle lorsque les Texans perdent (25,5 points lors des revers contre 21,1 lors des succès). Cette statistique est toujours difficile à analyser mais on peut la lire sous cet angle : les Spurs alimentent Leonard en ballon lorsqu'ils sont menés au score. Il est leur nouveau guide.
"J'ai toujours voulu être un grand joueur", note l'intéressé. "Je voulais d'abord jouer pour une équipe qui gagne afin d'apprendre la culture de la victoire. Je suis peu à peu devenu un go-to-guy. Ça a plutôt bien marché pour moi."
Élevé au rang de superstar en attaque, il n'en oublie pas ses qualités premières. Elu DPOY (Defensive Player Of The Year) au printemps dernier, Kawhi Leonard est de plus en plus efficace en défense où il martyrise ses vis-à-vis. La preuve en chiffres.
"Il a la capacité de réaliser ce que Michael Jordan faisait des deux côtés du terrain", ose même son coach. "Je ne dis pas qu'il est Michael Jordan mais la plupart des meilleurs joueurs de la ligue ne sont pas bons des deux côtés. Lui, si."
Si l'on prend en compte le déclin progressif de LeBron James en défense - du moins pendant la saison régulière - Leonard est certainement l'un des, si ce n'est le, meilleurs two way player de la NBA. Un statut qui devrait lui rapporter, sauf grande surprise ou vilaine blessure, une première étoile au All-Star Game en février prochain.

Move on to the next (big) stage

[caption id="attachment_162715" align="alignleft" width="318"] Kawhi Leonard a un nouveau statut à assumer en playoffs.[/caption] Mais les interrogations persistent autour de son cas. Elles ont simplement pris d'autres formes. La problématique consiste à savoir si le jeune homme pourra non seulement soutenir le même niveau de jeu et même l'élever lors des prochains playoffs, lorsque les systèmes défensifs adverses seront encore plus au point et l'intensité encore plus forte. Ses performances lors des finales 2014 laissent à prouver que oui. Si l'on a retenu la victoire éclatante des Spurs sur le Heat cette année-là, il ne faut pas oublier pour autant que San Antonio n'a commencé à dominer LeBron et sa bande qu'à partir du moment où Leonard a enchaîné les matches à 20 points. [superquote pos="d"]Les Spurs vont avoir besoin de Leonard dans les matches couperets [/superquote]Il était déjà le patron des Spurs l'an dernier et ses 20 points et 7 rebonds de moyenne au premier tour contre les Los Angeles Clippers témoignent de sa capacité à passer un cap lorsque la situation l'exige. Mais il s'était tout de même troué lors des deux derniers matches - 12 points à 3/15 puis 13 points à 5/13 - remportés par les Angelenos. San Antonio a été sorti au premier tour un an après été sacré. C'est justement dans ces matches couperets qu'il sera le plus attendu. LaMarcus Aldridge est un joueur capable de marquer dans les moments chauds. Carmelo Anthony aussi, et ce n'est pas pour autant qu'il a déjà mené une franchise jusqu'au sommet. Plus qu'un joueur clutch, les Spurs ont besoin d'un leader sur lequel ils peuvent se reposer dans ces rencontres à enjeu. Duncan et Parker ont l'expérience mais ils n'ont plus les jambes pour assurer la plus grosse partie du boulot sur toute une campagne de playoffs. C'est désormais la tâche de Kawhi Leonard et de sa capacité à (encore) franchir un cap dépendra pour beaucoup la saison des Spurs. Et même si l'arrivée d'Aldridge et l'armada montée par les Spurs l'a quelque peu éclipsé, elle est là, la grande question de la saison à San Antonio.