Kawhi Leonard méritait d’être élu MVP en 2017. La saison historique de Russell Westbrook a finalement retenu l’attention des journalistes qui l’ont élu devant James Harden. Mais KL était le plus fort des trois sur cet exercice. Il était l’un des deux ou trois meilleurs joueurs du monde, déjà, à l’époque. Gregg Popovich osait d’ailleurs le placer sur la plus haute marche de ce podium symbolique. Un an après, le public se souvenait à peine du basketteur qu’il était. Une saison blanche, ça efface des mémoires. Entre temps, seulement neuf matches joués et surtout un transfert forcé. Les San Antonio Spurs sont l’une des franchises sportives les plus respectées au monde. Il était donc de suite perçu comme un coupable par une (large) partie du public. Coupable d’avoir tourné le dos à une organisation aussi culte.
Mais, dans le fond, qui sait réellement ce qui s’est passé ? Qui sait qui a fait quoi ? Certainement pas nous. Même les principaux insiders NBA ont du même à déchiffrer ce mystère. Il y a des versions plus ou moins floues, plus ou moins officielles. Leonard n’a pas donné d’explications et il ne le fera sans doute pas. Popovich non plus. Toujours est-il que c’est avec cette nouvelle étiquette, moins flatteuse, que l’ailier All-Star a été expédié dans le Canada l’été dernier. Un transfert qui a reçu un accueil mitigé. Ceux qui se souvenaient du talent du bonhomme y ont vu un tour de force des Toronto Raptors. D’autres ont critiqué Masai Ujiri, le Président de la franchise, pour avoir cédé DeMar DeRozan, la seule star qui clamait son amour pour l’Ontario, contre une superstar à l’entourage suspect et surtout dont le contrat expire un an après.
C’était un pari. Plusieurs mois plus tard, Leonard a donné raison à son dirigeant. Il a montré qu’il valait le coup. Il est devenu le meilleur joueur de l’Histoire des Raptors en seulement huit mois. Une telle affirmation peut choquer. Certains seront tentés de dire que c’est trop tôt, que c’est un manque de respect pour ce qui a été accompli par DeRozan ou même Vince Carter… mais non. C’est la réalité. La réalité d’une organisation encore très jeune. Quelque part, si, il a vraiment déjà effacé tout ce que ses prédécesseurs ont fait avant lui. Il est celui qui a mené Toronto à sa première finale NBA.
Et de quelle manière. Kawhi Leonard s’est hissé sur le trône de la Conférence Est avec une campagne épique. Légendaire si les Raptors vont au bout. Plus de 31 points par match en 18 rencontres. 50% aux tirs. 38% à trois-points. Presque 9 rebonds et presque 4 passes. Déjà onze pointes à plus de 30 unités. Deux à plus de 40. Et évidemment un game winner absolument hallucinant pour achever les Philadelphia Sixers lors du Game 7 au deuxième tour. Soudainement, plus personne – sauf les supporters des Spurs – le déteste. Ses performances ont repris le dessus.
Kawhi Leonard, l’un des deux meilleurs joueurs du monde, avec Kevin Durant.
Kawhi Leonard est l’un des deux meilleurs joueurs du monde. Avec Kevin Durant. Ou derrière KD plutôt. Sauf que le MVP des dernières finales NBA est actuellement blessé au mollet. Les Golden State Warriors assurent qu’ils sont optimistes quant à sa participation pour les finales. N’empêche qu’il n’a toujours pas repris l’entraînement. Le doute plane. Son forfait pour le Game 1 est déjà confirmé. Et en son absence, Kawhi Leonard sera l’individualité la plus douée sur le parquet au cours de cette série – légèrement devant Stephen Curry. C’est un élément important. Ça l’est toujours en playoffs. Chaque année, il arrive qu’un homme fasse la différence. Le basket est un sport d’équipe mais il n’y a que cinq joueurs de chaque côté sur le terrain. Un, plus fort que tous les autres, suffit parfois – même souvent finalement ! – à faire gagner.
Sauf que Golden State est plus qu’une simple armada. Il y a trois All-Stars. Quatre avec Durant. Cinq avec DeMarcus Cousins. KL va devoir se surpasser. L’absence de KD prive les Warriors de leur meilleur défenseur pour contenir la star des Raptors. Andre Iguodala et Klay Thompson se relayeront. Ce sont deux très bons stoppeurs. Draymond Green peut intervenir de temps à autres mais il sera déjà en charge de Pascal Siakam et/ou Marc Gasol. La tâche ne sera pas facile pour eux. Parce que Leonard a un arsenal d’attaquant complet. Il est capable de déjouer n’importe quel schéma. Il a la puissance et l’agilité pour driver et finir près du cercle. Mais il a aussi la technique pour se créer un tir à mi-distance. Il excelle d’ailleurs dans cette zone souvent laissée ouverte en playoffs. 55% de réussite à deux-points. Au point d’être comparé à Kobe Bryant et Michael Jordan.
« Kawhi Leonard est ce qu'il y a de plus proche de Michael Jordan. Kawhi n'est pas Jordan à proprement parler, mais c'est celui qui lui ressemble le plus. De grandes mains, du jeu au poste, de la finition, de la détente, une super défense, un excellent jeu intermédiaire. Puis vous ajoutez son tir à 3 points... Je n'aime pas entrer dans le débat de qui est le meilleur joueur. Mais il est dans ce groupe-là », estime Doc Rivers, le coach des Los Angeles Clippers.
La comparaison a du sens. Il y a quelques choses, dans le style de jeu. Et Kawhi Leonard se développe peu à peu un instinct de « tueur » avec le temps. C’est le « two way player » ultime de cette ligue. Le nouveau chouchou des Raptors. Le roi du Nord. Et bientôt le prochain adversaire redoutable des Warriors sur ces finales.