Les Warriors aiment dire qu'ils ont des "années-lumière" d'avance en termes de stratégie sportive, quitte à agacer la concurrence. On avait bien envie de leur donner une fois de plus raison, lorsque l'on a vu ce qui se mettait en place au sortir du titre de l'année dernière. Golden State avait pour ambition de jouer sur deux tableaux. D'un côté, viser le back-to-back grâce au noyau dur de la dynastie. De l'autre, responsabiliser les jeunes pour leur permettre d'incarner rapidement la relève et de prolonger de quelques années ladite dynastie. C'est dans cette optique que Bob Myers, à l'été 2021, avait conservé les picks qui lui ont permis de drafter Jonathan Kuminga et Moses Moody. C'est aussi dans ce sens que Myers avait opté pour James Wiseman lors de la Draft 2021. Ou qu'il avait offert un gros contrat à Jordan Poole il y a quelques mois, avec l'idée de faire de lui un "Splash Nephew".
Wiseman a été transféré à Detroit, Moody a un faible temps de jeu et Poole, malgré ses qualités de scoreur évidentes, est plus dans une forme de stagnation que de démonstration du potentiel d'une future première option offensive. Ce volet "jeune" du projet est du coup relegué au second plan, pour ne pas dire mis définitivement au placard. Complètement ? Non. L'idée d'un passage de témoin est toujours envisageable grâce à Jonathan Kuminga.
Beaucoup de joueurs, même confirmés, se sont cassés les dents sur les spécificités du "système Warriors". A 20 ans et en moins de 2 ans, Jonathan Kuminga a fait l'éponge et s'est imprégné de la culture et des méthodes locales. Cela peut sembler prématuré, mais il est aujourd'hui l'un des éléments les plus importants de la franchise à court, moyen et long terme. De phénomène athlétique utilisé avec parcimonie, le Congolais a transitionné vers un basketteur au style toujours aussi ébouriffant sur le plan athlétique, mais plus complet, juste et efficace. Pour faire simple, le garçon est en train de devenir le joueur détonant que les Warriors espéraient après l'avoir vu faire ses gammes pendant un an dans la Team Ignite.
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Petit à petit et sans contourner les périodes compliquées inhérentes au développement d'un tel talent brut, Steve Kerr a en partie réussi sa mission de développement. Sa forme récente pousse en tout cas à faire ce constat. Sur les 10 derniers matches disputés par les Warriors, Kuminga tourne à 16 points, 4.6 rebonds et 2 passes par match, à 61.5% d'adresse globale et 50% à 3 points. En sortie de banc, l'ailier a un impact évident des deux côtés du terrain, avec une capacité à défendre fort sur à peu près n'importe quel profil de joueur.
Mercredi, à Dallas, les Warriors ont remporté un deuxième match de suite à l'extérieur pour la première fois de la saison, eux dont le bilan hors de leurs bases est l'un des pires de toute la NBA. Jonathan Kuminga a trouvé le moyen d'inscrire 22 points à 9/11 (2/3 à 3 pts), avec 3 rebonds, 2 interceptions et 1 passe en 30 minutes, tout en défendant de façon plus que solide sur Luka Doncic. Rien que ça.
Lorsque Kuminga s'est retrouvé défenseur principal de Doncic, ce dernier a shooté à 2/7 (0/2 à 3 pts) et a commis deux pertes de balle. Luka a été freiné et éreinté par l'assiduité, la ténacité et l'intelligence de son jeune garde du corps. Au-delà des stats, puisque l'ancien Madrilène a quand même fini avec 30 points et 17 passes, c'est l'impression visuelle qui est sans doute la plus encourageante. Kuminga n'a pas eu peur de traquer Doncic et de perturber son envie de dicter le rythme du match. Ce n'est pas un hasard si le Slovène a échoué sur ses deux dernières tentatives, à 32 et 3 secondes de la fin.
En attaque, les progrès sont saisissants et on a l'impression que le #00 des Warriors développe sa palette à chaque match. Il y a l'énorme avantage athlétique évidemment, tant Kuminga transpire la vitesse, la fluidité, la détente et l'explosivité. Mais ce n'est pas ça qui lui permet d'être de plus en plus à l'aise à 3 points dans les corners, d'attaquer le cercle et d'y finir avec plus de variété, de proposer et réussir des coupes au timing parfait ou de se montrer pertinent dans ses choix de passes.
"Il vient probablement de jouer les cinq meilleurs matches de sa carrière. On a l'impression que le jeu vient plus facilement à lui. Il est mieux dans sa peau sur le terrain, en attaque et en défense. C'est super à observer. Il est très difficile pour des jeunes joueurs d'arriver dans cette ligue et d'assimiler tout ce qu'on leur envoie. Jonathan a réussi ça. Sa deuxième saison touche à sa fin et il est incroyablement meilleur qu'à son arrivée. C'est une preuve de son éthique de travail et de sa résilience face à l'adversité, aux hauts et aux bas", a salué Steve Kerr.
On n'a pas encore vu l'étendue du talent de Jonathan Kuminga. Mais ce qu'il est désormais capable de montrer avec régularité est devenu crucial pour les Warriors. Il n'y a clairement pas, à cette heure, la même assurance collective que l'année dernière, ni la même fraîcheur ou la même soif de montrer que l'équipe en avait encore dans le moteur. C'est là qu'intervient Kuminga. Celui qui a quitté son Congo natal à l'âge de 13 ans peut et doit être un game-changer, un joueur multi-dimensionnel capable d'apporter une dimension athlétique supérieure au jeu des Warriors, tout en appliquant sans problèmes les codes en vigueur.
Est-il déjà prêt pour cette opportunité ? On devrait le savoir très vite. A moins de 10 matches de la fin de la saison régulière, l'optimisme est de rigueur. Jugez plutôt.