Joel Embiid envoie du rêve

Rouillé, parfois à la rue, parfois brillant, Joel Embiid a joué son premier match depuis ce qui semblait comme une éternité. Et qu'est-ce que ça fait du bien.

Joel Embiid envoie du rêve
Vous savez qui peut maintenir debout un passionné de basket à deux heures du matin pendant la pré-saison ? Joel Embiid. Certainement pas un Sixers - Celtics au mois d'octobre. Un Philadelphie - Boston, ça n'a plus de saveur depuis 2002 et le dernier affrontement des deux équipes en playoffs quand Paul Pierce et Allen Iverson se répondaient à coup de cartons. Et puis, la pré-saison, ça a peut-être autant d'intérêt que la Summer League, la Leaders Cup ou l'Eurocup. Ce n'est pas sexy, ça sent un peu les pieds mais un fan désespéré peut y trouver sa dose de basket. Un joueur en manque aussi. Pré-saison ou pas pré-saison, match amical, pas amical, Embiid a enfin pu se soulager après avoir joué une rencontre un tant presque officiel pour la première fois depuis plus de deux ans. Il a fait son grand retour. 938 jours après avoir foulé un parquet pour la dernière fois avec Kansas et 831 jours après avoir été sélectionné en troisième position de la draft 2014. A ce stade, et après autant de blessures et d’opérations, juste jouer est déjà une victoire. Pour lui, principalement, mais aussi pour Philadelphie et ses supporteurs, pas vraiment gâtés depuis trois ans.
« Joel va faire l’effet d’un gros câlin à la ville », promet Brett Brown, le coach des Sixers.
Et c’est mérité. La perte de Ben Simmons, opéré du pied et potentiellement out pour l’intégralité de la saison, oriente encore un peu plus les regards vers le Camerounais. Tous étaient braqués sur lui hier soir. [superquote pos="d"]Avec les Sixers, il y a ce qui se voit en premier, ce qui se constate ensuite et ce qui ne se voit pas mais s'imagine[/superquote]Il était évidemment rouillé. Un peu emprunté dans ses mouvements, pas aussi mobile et évidemment pas aussi dominant qu’à l’université. Exactement comme on pouvait s’y attendre pour un gars qui n’a pas joué de match officiel depuis plus de deux ans. Mais avec les Sixers, il y a ce qui se voit, ce qui se voit mais ne se remarque pas et ce qui ne se voit pas mais s’imagine. Par exemple, dans le cas de la franchise, cela fait trois piges qu’elle squatte les profondeurs du classement. Ça, c’est ce qui se voit en premier. Ce que peu constate, ce sont les bases mises en place par Brett Brown. A savoir l’un des jeux les plus rapides de la NBA, un respect méthodique des principes chers aux adeptes des statistiques analytiques (trois-points, lancers-francs, layups) et une progression lente mais évidente. Hier soir, tout le monde a vu un Embiid rouillé, en manque de condition physique et en phase de reprise. C’est ce qui sautait aux yeux. Puis il y a eu cet éclair soudain qui justifiait à lui-seul le fait d’avoir attendu si longtemps pour le retrouver sur un parquet. Lancé par segment de quatre-cinq minutes, il a raté ses trois premiers tirs lors de son premier passage. Le second était plus brillant. Servi au poste bas, il a fait parler son jeu de jambes et ses feintes pour envoyer un tir en fadeaway sur la tronche de Tyler Zeller, 2,13 mètres. Dans la foulée, le géant est venu scotcher la tentative de dunk du rookie Jaylen Brown. http://www.dailymotion.com/video/x4w3w5v_joel-embiid-met-un-enorme-contre-a-jaylen-brown_sport Déchaîné, il n'a pas hésité à dégainer de loin - il a mordu la ligne à trois-points - lorsque la défense lui a laissé l'espace pour shooter.  
"Tout était plus facile après mon premier panier. J'avais plus d'énergie. J'avais une mentalité différente. J'ai eu le sentiment d'être libéré."
[superquote pos="d"]"Mon premier match et ils me font déjà des prises-à-deux ?"[/superquote]Il y avait forcément de la tension après plus de deux ans à se retenir. Deux d'abstinence. C'est donc ce qui s'est vu. L'anxiété était palpable. Mais il y a aussi ce qui ne se remarque pas en premier lieu. Une gestuelle de tir élégante et une capacité à mettre des tirs lointains du haut de ses sept pieds. Des longs bras efficaces quand il s'agit de stopper les attaquants les plus agressifs près du cercle. Des moves dos au panier. Il a même eu un avant goût de ce que lui réserveront les défenses adverses quand il aura retrouvé une meilleure condition physique : des prises à deux. Les Celtics n'ont pas hésité à double-team sur lui dans ce qui reste comme l'une des stratégies les plus bâtardes mais aussi les plus drôles de la pré-saison.
"Mon premier match, deuxième quart temps et ils font déjà des prises-à-deux ? Ça m'a fait chier", confessait le jeune homme auteur de plusieurs pertes de balles.
Ses adversaires n'ont pas le temps de lui faire des cadeaux. Ils ont peut-être senti que ce serait bientôt son tour d'être sans pitié. En attendant, il y a ce qui s'imagine. Un Joel Embiid beaucoup plus en jambes, plus affûté, plus mobile, plus rapide et plus athlétique. Une présence dans la raquette en défense. Une machine à scorer au poste bas et un grand capable d'étirer le jeu grâce à son adresse à trois-points. Dans tout ça, on en oublierait presque sa ligne de statistiques anecdotique par rapport à l'impression laissée : 6 points à 2/6, 4 rebonds, 2 blocks et 3 balles perdues en 13 minutes. Et une promesse qui ressort : celle d'autres nuits blanches à rêver devant Joel Embiid.