L’amour fraternel réussit mieux que jamais aux joueurs des Philadelphia Sixers. À croire que la recette du succès n’était pas si compliquée, finalement. Maintenant qu’il s’est vraiment trouvé, le tandem formé par Joel Embiid et James Harden roule sur la NBA en toute sérénité.
La complémentarité du duo sauterait aux yeux de n’importe qui. D’un côté, Embiid défend son titre de meilleur scoreur de la ligue avec 33,4 points par match. De l’autre, Harden s’adjuge cette saison celui de meilleur passeur avec 11,1 unités de moyenne. Le calcul est simple, logique et, surtout, terriblement efficace.
La belle performance de cette association se mesure d’abord aux résultats collectifs. Les Sixers se tiennent actuellement dans les hauteurs de la Conférencee Est, à la 2e place (31-16). Mais c’est avant tout leur dynamique qui impressionne. L’équipe a en effet remporté 19 de ses 23 derniers matches — le meilleur bilan de la ligue sur cet échantillon. À ce stade, le chemin vers les playoffs a tout d’une ligne droite pour les hommes de Doc Rivers.
Sur le plan individuel, le constat est tout aussi réjouissant. Cet exercice marque pour Joel Embiid de nouveaux pics en termes de points par rencontre et de réussite au shoot (53,2%). Avec 1,29 point généré par tentative de tir en moyenne, il n’a jamais été si efficace. Seuls ses matches manqués (12) l’empêchent véritablement de s’inscrire parmi les favoris pour le titre de MVP.
Ce succès, le pivot franco-américano-camerounais le doit notamment à l’expérience. Un peu plus éparpillé auparavant, il s’est recentré et a définitivement ancré sa zone de confort en tête de raquette. Ce choix tactique, fruit d’un long travail cet été, lui permet de trouver plus facilement ses tirs et ses coéquipiers.
"La première chose que Doc Rivers m’a dite, c’est que je devais déterminer où je voulais la balle. […] Il m’a dit que je devais trouver la zone du terrain dans laquelle je me sens le plus à l’aise. Évidemment, Drew Hanlen (son entraîneur personnel, ndlr) et moi avons beaucoup étudié. On a commencé à se demander où je pouvais être un meilleur playmaker et où je pouvais être un meilleur marqueur sans rendre les prises à deux faciles", retrace le leader des Sixers.
Naturellement, son binôme a également joué un rôle majeur dans sa progression. En 2020-2021, saison précédant l’arrivée d’Harden, Embiid marquait 48% de ses paniers après avoir reçu le ballon d’un coéquipier. Ce chiffre est désormais monté à 64%. Une hausse qui résume parfaitement l’évolution des Sixers.
Comme l’annonçaient ses débuts sous les couleurs de la Philadelphie, James Harden a retrouvé sa baguette de chef d’orchestre. Aussi méticuleux que créatif dans son jeu de passes, l’ancien scoreur fou des Rockets brille par son playmaking. Ses 21,5 points par rencontre (à 44,9% au tir et 38,5% à trois points) représentent certes sa plus faible moyenne depuis son départ d’Oklahoma City, mais son impact va bien au-delà.
"Je suis l’un des joueurs les plus altruistes que cette ligue ait jamais vus", prédisait-il lors du media day de la NBA, expliquant qu’il mettrait l’accent sur la création cette saison.
Le meneur n’a jamais été si investi dans l’organisation de l’attaque et ce nouveau visage lui réussit merveilleusement bien. Sa compréhension du jeu exceptionnelle et sa précision font toute la différence sur ce plan. La dernière fois qu’il affichait une moyenne supérieure à 11 passes décisives, en 2016-2017, le barbu perdait également 5,7 ballons par match — un record All-Time. Aujourd’hui, il n’en perd plus que 3,6.
Ce changement de style est une conséquence logique de sa baisse d’explosivité palpable. Beaucoup moins incisif que dans ses années à Houston, Harden ressent clairement le poids du temps sur ses épaules et a été contraint de s’adapter. Il ne prend plus que 23% de ses tirs près du cercle, le plus faible taux de sa carrière.
Une deuxième explication s’ajoute toutefois à cette agressivité en berne. Ce grand soliste a parfaitement compris comment rendre ses coéquipiers meilleurs, tout simplement. Individuellement brillantes, les deux stars rayonnent encore davantage ensemble.
"C’est un scoreur générationnel qui a décidé d’être un meneur. […] La plupart des joueurs ne peuvent pas le faire. Ou ils ne veulent pas le faire, c’est une meilleure façon de le dire. Et le fait qu’il le fasse volontairement, qu’il dirige l’équipe, qu’il nous organise, c’est énorme pour nous", apprécie Doc Rivers, le coach des Sixers.
Joel Embiid sort une saison légendaire pour un pivot
L’arme dévastatrice de Joel Embiid et de James Harden
À la minute où James Harden a posé un pied en Pennsylvanie, deux mots ont surgi dans l’esprit de tous les observateurs : "pick" et "roll". Rien de plus normal lorsque l’on réunit l’un des porteurs de balle les plus talentueux de sa génération avec l’un des pivots les plus dominants du monde.
En mettant en place son attaque, Doc Rivers n’a donc pas eu à chercher bien loin. Il savait qu’il pourrait se reposer sur la combinaison des deux joueurs pour faire l’essentiel du travail. Et il avait totalement raison.
Aux côtés de son nouveau partenaire, le jeu de Joel Embiid s’est complètement transformé. En 2020-2021, avant l’arrivée d’Harden, l’intérieur prenait 36,5% de ses tirs sur des posts up, contre seulement 12,5% en pick and roll. C’était alors à lui d’aller chercher ses paniers, comme un grand.
Cette saison, la balance a basculé de l’autre côté. Embiid est passé à 16,5% de post up (-20%) et à 23,9% de pick and roll (+11,4%). Il est même devenu le joueur qui roll le plus de la ligue, avec 7,1 possessions par rencontre, et logiquement celui qui marque le plus de points dans cet exercice (8,3).
Cette transition lui a permis d’augmenter son rendement dans les deux configurations. Aux côtés d’Harden, il peut maximiser ses qualités et ainsi mettre à mal les défenses adverses. N’en déplaise à ceux qui auraient préféré qu’il tourne le dos au panier.
"C’est difficile de jouer au poste pendant tout le match, ça rend les prises à deux faciles. Ça me fait rire quand les anciens parlent de jouer au poste et disent qu’il faut passer du temps dans la peinture. On ne peut plus gagner de cette manière. On n’est plus dans les années 90 ou 80. Ils ne doivent pas avoir de QI basket", a sèchement analysé Embiid, répondant indirectement aux critiques d’Hakeem Olajuwon et de Shaquille O’Neal.
Après un an de cohabitation, le temps et l’entraînement ont fait leur travail. Joel Embiid et James Harden ont ainsi développé une véritable alchimie. Cette connexion se ressent sur le terrain, où les deux joueurs se trouvent parfaitement. Le pick and roll s’est donc logiquement établi comme la base de l’identité offensive de Philadelphie.
Cette arme est extrêmement utilisée en NBA et n’a absolument rien d’original. Mais elle leur va si bien. Les Sixers n’ont pas besoin de bouleverser les codes du jeu quand ils peuvent simplement exceller dans un registre classique.
Après tout, une force de la nature comme Embiid (2,13 m pour 127 kg) constitue le poseur d’écran idéal. Son gabarit en fait un obstacle particulièrement difficile à contourner pour les défenseurs, qui font aussi face à un beau casse-tête lorsqu’il se dirige vers le panier. Ce n’est pas un hasard si le pivot réussit environ trois quarts de ses tirs près du cercle. Son physique et son toucher sont redoutés de toute la ligue depuis déjà longtemps.
Sur un plan plus horizontal, la mobilité de ce tandem le rend d’autant plus dur à suivre. Une défense en drop serait certainement un début de solution si les deux joueurs ne savaient profiter du moindre espace. Malheureusement pour leurs adversaires, ils brillent à mi-distance, avec 47% de réussite, comme à trois points (34,5% pour Embiid, 38,5% pour Harden). Les écarts ne pardonnent pas.
Grâce à leur jeu en pick and roll, les mismatches deviennent fréquents, que ce soit pour des questions de taille ou de mobilité. Défendre Joel Embiid et James Harden est déjà un défi assez relevé quand tout se passe comme prévu. Les deux All-Stars, abonnés aux isolations, n’ont donc aucun mal à sanctionner la défense lorsqu’ils bénéficient d’un avantage supplémentaire.
Même chose pour les prises à deux, qui finissent régulièrement par offrir des paniers faciles à leurs coéquipiers. Avec sept joueurs à au moins 37,5% à trois points dans leurs rangs, les Sixers sont redoutables derrière la ligne.
Le combo Embiid — Harden n’est jamais que l’astre autour duquel gravite l’attaque de toute une équipe. Avec un effectif profond, dans lequel on retrouve plusieurs snipers, les ouvertures coûtent cher à l’adversaire. Face à Philadelphie, la menace est omniprésente.
Les deux joueurs ne représentent en effet pas les seuls dangers sur le terrain. La défense doit constamment garder les yeux sur Tyrese Maxey (21,3 points à 40% à trois points cette saison) et Tobias Harris (16,3 points à 50% au tir et 37,6% à trois points). Des troisième et quatrième options offensives de luxe, qui en disent déjà long sur la qualité du roster.
Ce noyau est entouré de superbes joueurs de rotation, à l’image de De’Anthony Melton (11,1 points à 39,3% à trois points) ou George Niang (9 points à 41,8% à trois points). Même PJ Tucker, insatisfait de son rôle et un peu perdu, garde un impact considérable par son leadership vocal. Et la liste ne s’arrête pas là.
Avec de tels arguments, les Sixers semblent parfaitement armés pour enfin dépasser le stade des demi-finales auquel ils sont bloqués depuis 2001 et l’odyssée d’Allen Iverson. Tels Cortex et Minus, Joel Embiid et James Harden œuvrent chaque nuit pour conquérir le monde de la balle orange. Mais eux pourraient finir par y parvenir.
All-Star Game : Nikola Jokic donne son avis sur l'absence de Joel Embiid dans le cinq majeur