Souvent comparé à ses aînés, Jayson Tatum emprunte en réalité son propre chemin. Initialement reconnu pour ses qualités au scoring, l’ailier a beaucoup progressé en défense cette année, mais un autre aspect de son jeu s’est également développé. Ses 13 passes dans le Game 1 des Finales NBA n’étaient pas un simple coup d’éclat. Il s’agit d’un véritable signe de son évolution.
L’évolution de Jayson Tatum
Depuis sa draft aux Boston Celtics en 2017, Tatum n’a jamais cessé de progresser en tant que playmaker. Plus le temps passe et plus il se montre capable de créer pour ses coéquipiers. Sur ses cinq saisons dans la ligue, sa moyenne de passes décisives par match est en constante augmentation :
- 2017-2018 : 1,6
- 2018-2019 : 2,1
- 2019-2020 : 3,0
- 2020-2021 : 4,3
- 2021-2022 : 4,4
Son rôle a évolué au fil du temps et en fonction de son équipe. La présence de Kyrie Irving pendant ses deux premières saisons, cumulée à son inexpérience, explique ses chiffres timides. Ensuite, l’arrivée de Kemba Walker, un autre meneur qui a besoin du ballon, l’a limité de la même manière.
Cependant, lorsque Brad Stevens a choisi de se séparer de Walker, il n’a pas cherché à le remplacer par un nouveau porteur de balle. La raison est simple : Jayson Tatum est capable de distribuer la gonfle lui-même, entre autres.
La composition de l’effectif telle quelle permet d’éviter de garder trop de créateurs sur le terrain. En effet, Jaylen Brown et Marcus Smart assurent également une grande partie de ces responsabilités et ont régulièrement besoin de la balle. C’est aussi le cas de Payton Pritchard et Derrick White en sortie de banc. Chacun de ces joueurs, avec Al Horford à l’intérieur, affiche une moyenne d’au moins une passe décisive par minute en playoffs.
Ce rôle n’est pas tout à fait le résultat d’une métamorphose, mais plutôt d’une évolution. L’ailier reste un scoreur et c’est justement ce qui lui permet de créer de cette manière. Menace à trois points, à mi-distance et sur ses drives vers le panier, il est capable de libérer de l’espace pour ses coéquipiers et de leur offrir des tirs ouverts.
"On a juste essayé de l’aider à s’améliorer et à étendre son jeu. Il fait toutes les choses qu’il fait naturellement (scorer), mais il devient aussi de plus en plus un playmaker, un leader, et implique tous les autres dans le jeu", résumait son coach, Ime Udoka, en cours de saison.
Dans un système collectif très rodé, il tente avant tout de faire les bons choix. À 24 ans, il a simplement gagné en maturité et sait désormais quand lâcher le ballon. Il reste tout de même parmi les meilleurs marqueurs de la ligue avec 26,9 points de moyenne. Être un scoreur ne l’empêche pas de se muer en passeur, l’un va avec l’autre et Tatum devient seulement un joueur plus complet.
Quand Jayson Tatum passe, les Celtics gagnent
Les Celtics compilent 24 victoires pour 9 défaites lorsque leur star dépasse sa moyenne de passes décisives cette saison, d’après StatMuse. Quand il fait au moins 5 assists, son équipe gagne ainsi dans 72,7% des cas. Quand il en fait plus de 7, elle arrive même à un bilan de 17-2 (89,5%). Tatum n’est plus seulement capable de faire triompher les siens par le scoring, il peut également le faire en tant que passeur.
En playoffs, cet aspect de son jeu a encore pris une nouvelle dimension. Sur la campagne en cours, l’ailier affiche une moyenne de 6,2 passes décisives par match. Et lorsqu’il la dépasse, avec au moins 7 unités, Boston est tout simplement invaincu. Son équipe compile un bilan de 7-0 dans ces rencontres.
Ses Finales NBA 2022 confirment toujours cette tendance. Dans le Game 1, Tatum a distribué 13 assists — un record pour une première apparition en Finales. Résultat : victoire 120-108 face aux Golden State Warriors. Avec seulement trois 3 passes décisives dans le Game 2, les Celtics se sont inclinés. Enfin, retour à des standards élevés pour le troisième match : 9 passes décisives et une victoire de 16 points.
Le Jayson Tatum qui crée pour les autres est un Jayson Tatum qui gagne à tous les niveaux. Encore une fois, cela ne veut pas dire qu’il doit abandonner son profil de scoreur, puisque la menace qu’il représente offensivement lui permet de trouver ces opportunités. Sur ses sept performances à 7+ passes décisives, il tourne tout de même à 23,1 points par match, 39,1% au tir et 39,6% à trois points.
En Finales, "Taco Jay" est très ciblé par la défense des Warriors. Il n’affiche "que" 19 points de moyenne à 30% au shoot sur les Game 1 et 3, mais il ne se met pas en retrait pour autant. Il a en effet pris 40 tirs sur ces deux rencontres, car il s’agit de la genèse de son jeu de passe. Ce manque de réussite l’a cependant poussé à insister sur la création.
"J’ai été mauvais au tir, donc j’ai essayé de faire autre chose. On est en finale… Tout ce que je voulais, c’était la victoire. Je ne m’attends pas à shooter encore aussi mal, mais si ça veut dire qu’on gagne, je prends", a-t-il confié après le Game 1.
Jayson Tatum n’est pas seulement un scoreur. Il n’est pas non plus un simple passeur. Jayson Tatum est un playmaker, capable de marquer et de faciliter à la fois.
"J’adore son évolution et sa progression à ce niveau. Il continue de défendre, continue d’impliquer les autres, ne se prend pas la tête avec ses tirs et essaye de jouer malgré ses erreurs", a ajouté Ime Udoka.
Des chiffres à prendre avec des pincettes
Comme toute statistique, les assists n’ont rien d’un indicateur parfait et demandent une remise en contexte systématique. Les passes décisives de Tatum ne dépendent pas seulement de ses talents de créateurs, mais aussi de l’adresse de ses coéquipiers.
Dans le premier match, les Celtics ont réussi 50,6% de leurs tirs. Ils ont shooté à 48,3% dans le Game 3. Sur ces deux rencontres, l’ailier a ainsi enregistré un grand nombre de passes décisives. Toutefois, sur le Game 2, où il n’a fait que 3 assists, Boston a au contraire tiré à 37,5%. Ces statistiques ne sont donc pas seulement le fruit du jeu de Tatum, mais aussi des qualités de shoot de son équipe.
Dans un contexte individuel et collectif idéal, Jayson Tatum a évolué pour devenir un joueur plus complet. Scoreur, défenseur, facilitateur, il porte de plus en plus de casquettes et arrive à maturité. Il n’est sans doute pas le prochain Kobe Bryant, comme l’auraient aimé certains fans, mais être lui-même lui réussit apparemment plutôt bien.
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