Jaylen Brown a-t-il « braqué » les Celtics ?

Jaylen Brown ne fait pas vraiment l'unanimité. Surpayé ? Surcoté ? Boston s'est-il trompé en lui offrant ce pont d'or ? Analyse.

Jaylen Brown a-t-il « braqué » les Celtics ?

304 millions de dollars, voici la fameuse somme que les Celtics ont dû débourser pour conserver Jaylen Brown pour cinq saisons supplémentaires alors que ce dernier arrivait en fin de contrat en 2024. Outre le montant qui peut faire tourner la tête, ce qu'il faut retenir, c'est que les Celtics ont fait le choix d'accorder un contrat dit supermax (représentant 35% de la masse salariale totale d'une équipe) pour un joueur dont les faiblesses ont été exposées au grand jour face au Miami Heat lors des derniers playoffs de NBA.

Alors, la franchise de Massachussetts ne s'est-elle pas trop emballée en accordant ce contrat supermax à un joueur qui ne semble pas faire l'unanimité auprès des observateurs ?

Qui est Jaylen Brown pour les Celtics ?

Choisi en troisième position par Boston lors de la draft 2016, Jaylen Brown s’est imposé comme un maillon essentiel des Celtics lors des sept dernières saisons, où la franchise du Massachusetts a atteint 5 fois les finales de la Conférence Est. Après une saison rookie où il est principalement sorti du banc, l'ailier/arrière a véritablement commencé à s'imposer comme un joueur phare dès sa saison sophomore où il est passé de 17,2 minutes et 6,6 points de moyenne à 30,7 minutes et 14,5 points de moyenne avec un rôle de titulaire à la clé. Son duo avec Jayson Tatum, rookie à l'époque, a fait des merveilles en Playoffs et n'a pas été loin de propulser les C's en finales NBA malgré les blessures de Kyrie Irving et de Gordon Hayward.

Malgré une troisième saison décevante marquée par de nombreuses blessures, Jaylen Brown a convaincu les Celtics d'étendre son contrat de quatre années supplémentaires pour une somme de 115 millions de dollars lors de l'été 2019. Un été qui a vu Kyrie Irving voir si la pelouse était plus verte à Brooklyn. La vision des Celtics était limpide à l'époque: permettre au jeune joueur de 22 ans d'éclore et de former un duo complètement inarrêtable avec Jayson Tatum.

Et autant dire que la franchise aux 17 titres de champions NBA ne s'est pas trompée puisque Jaylen Brown est depuis devenu deux fois All Star (2021, 2023) et a réalisé une saison 2022-2023 particulièrement aboutie puisqu’il a explosé son record de points et de rebonds par match avec 26,6 points et quasiment 7 rebonds par rencontre (6,9 rebonds pour être précis). Ce qui lui a valu d’être nommé dans le deuxième 5 All NBA en compagnie de Stephen Curry, Jimmy Butler ou encore Nikola Jokic.

En dépit de statistiques individuelles très encourageantes, la dernière saison de Jaylen Brown a été parsemée d'embûches en coulisses. Annoncé dans de multiples rumeurs de trade, notamment celle l’envoyant à Brooklyn contre Kevin Durant, JB a semblé affecté par cette situation, affichant un visage renfermé en conférence de presse et laissant planer le doute sur son avenir lors d’une interview pour The Ringer en mars 2023. Proche du coach Ime Udoka, Jaylen Brown n’aurait pas totalement adhéré à la philosophie plus offensive du coach Joe Mazzulla. D’ailleurs, la campagne de Playoffs de Jaylen Brown a été mitigée avec notamment une série très compliquée contre Miami lors des finales de Conférence, qui ont exposé ses faiblesses et qui mettent le doute sur son niveau réel.

Que vaut vraiment Jaylen Brown  ?

Depuis 2017, les franchises peuvent signer des contrats dits “supermax” à leurs joueurs, soit des contrats représentant 35% de la masse salariale totale de l’équipe sur cinq saisons maximum. Des joueurs comme Giannis Antetokounmpo en 2020 ou Nikola Jokic en 2022 ont notamment signé des contrats supermax. Mais Jaylen Brown évolue-t-il à un niveau de performance d'une superstar pour qui ce type de contrat est admis comme "mérité" ?

Ses forces

1) Son adresse extérieure

Comme mentionné précédemment, Jaylen Brown a réalisé sa meilleure saison en carrière l’année dernière avec 26,6 points de moyenne. Plus intéressant, il a atteint cette pointe avec un True shooting pourcentage, qui est un statistique qui mesure avec plus de précision l’efficacité de tir, de 58,1%. Ce qui le situe juste au-dessus de la moyenne en NBA des joueurs à son poste qui est de 57,1%. Offensivement, Brown est un joueur avec une panoplie de finition complète. Même s’il a réalisé sa plus mauvaise saison à 3pts la saison dernière avec un petit 33,5% de réussite, JB tourne en carrière à 36,5% de réussite sur les tirs à longue distance en carrière, ce qui le place juste au-dessus de la moyenne en NBA qui plafonne à 36,1%. À mi-distance, Jaylen Brown devient de plus en plus solide et a fait partie des meilleurs joueurs de la Ligue la saison dernière sur les tirs à mi-distance les plus éloignés (les tirs pris au-delà de la distance des LF) avec 47% de réussite (92/195) sur ces tirs.

2) Sa finition près du cercle = élite

Mais là où Jaylen Brown excelle vraiment, c’est dans son efficacité sur les tirs effectués près du cercle. Grâce à sa puissance, à sa vitesse, à ses longs appuis et aussi à la qualité de sa finition, Brown évolue dans l’élite des finisseurs à son poste près du cercle. Avec 68,6% de réussite sur ses tirs pris au cercle, Jaylen Brown se classe juste derrière LeBron James (71,1%) et Luka Doncic (71,2%) parmi les joueurs extérieurs qui attaquent le mieux le cercle avec au moins 5 tentatives par match. Là où JB fait vraiment mal, c’est sur les situations de transition où ses qualités s’expriment le mieux notamment après des interceptions qu’il provoquent.

3) Son jeu sans ballon

Jaylen Brown a aussi un très bon jeu offensif sans ballon. N’étant pas le porteur de balle principal des Celtics, Brown a un rôle de punisseur de défense qui lui va bien. Il a une bonne lecture et un bon timing sur ses coupes. Le fait que son adresse extérieure soit respectée force ses adversaires à rester proche de la ligne des 3 pts, ce lui facilite les coupes tranchantes dans la raquette. Ses qualités athlétiques lui permettent de facilement prendre l’ascendant sur son adversaire et de finir agressivement au cercle derrière.

4) Son profil de défenseur polyvalent sur porteur de balle

Mesurant 2m et possédant une envergure de 2,13m, JB a des dispositions naturelles pour bien défendre surtout qu’il est aussi très puissant et qu’il possède une très bonne vitesse latérale, horizontale et verticale, qui font de lui un défenseur polyvalentSon profil est idéal pour Boston, qui affectionne les défenses en switch sur les écrans. Sur les switchs justement, Brown est assez puissant pour défendre correctement au poste face à des intérieurs plus grands et il demeure assez mobile, grand et rapide pour défendre sur des ailiers/arrières et des meneurs. Brown possède également de bonnes mains et une bonne réactivité, ce qui lui permet d’effectuer de nombreuses interceptions sur les drives. Sa grande envergure lui permet aussi d’être un bon protecteur de cercle pour son poste. Il affectionne particulièrement les chasedown blocks très spectaculaires. Globalement, sa défense sur porteur de balle est bonne. Mais quid de sa défense sur non porteur de balle ?

Ses faiblesses

1) Sa défense sur non porteur de balle

Sur sa défense sur non porteur de balle, Jaylen Brown est très loin d’être irréprochable. Il fait souvent preuve de laxisme et porte beaucoup trop son attention sur la balle plutôt que sur les mouvements des joueurs sans ballon. Ce manque d’attention est régulièrement puni par l’adversaire. Ajouter à cela qu’il a aussi parfois des trous noirs en défense sur porteur de balle, Jaylen Brown ne devrait donc pas être considéré comme un défenseur d’élite malgré des actions spectaculaires comme ses contres ou ses interceptions qui masquent ses faiblesses sur cette partie du terrain. 

2) Ses prises de décision en attaque

En attaque, les derniers Playoffs ont exposé sa difficulté à driver sur sa main gauche. Globalement, Jaylen Brown est un joueur qui perd énormément le ballon. Son ratio de balles perdues est de 11,9%, ce qui le place quasiment dans le dernier tiers des joueurs à son poste. Même si beaucoup ont pointé un handle défaillant, Jaylen Brown est surtout pénalisé par ses mauvaises décisions. Brown a un peu l’image du tout-droit qui va foncer dans le tas coûte que coûte plutôt que de lâcher la balle à un coéquipier démarqué. Son manque de création pour les autres est justement un gros point faible dans son jeu même s’il progresse d’année en année avec notamment 3,5 passes décisives par match la saison dernière, qui est son record en carrière. Le playmaking est un domaine où Jaylen Brown peut encore progresser mais il ne sera sans doute jamais un playmaker comme est en train de le devenir Jayson Tatum.

3) Son adresse aux lancers francs

Si sa finition près du cercle est élite, et que son adresse à mi-distance et à trois points sont un peu au-dessus de la moyenne, sa réussite aux lancers francs est elle trop faible. Il tourne à 72% en carrière mais a nettement progressé après trois premières saisons où il affichait moins de 70% de réussite. Ce manque d’adresse aux LF impacte négativement son efficacité en attaque, surtout qu’il provoque de plus en plus de fautes sur tir.

4) Un impact collectif négatif

Mais là où le bât blesse vraiment pour Jaylen Brown, c’est que malgré ses bonnes statistiques individuelles, les Celtics ont statistiquement été meilleurs offensivement quand il n’était pas sur le terrain. Sur les derniers playoffs, les Celtics ont eu un offensive rating de 116 points/100 possessions quand Brown était sur le terrain contre 128,1 points/100 possessions quand il était sur le banc. En saison régulière, les chiffres n’étaient pas aussi marquants mais les Celtics étaient aussi meilleurs quand il était sur le banc avec notamment un différentiel de -6,2 points quand Brown était sur le terrain. Il faut tout de même relativiser cette statistique parce que l’échantillon de minutes joués par les Celtics sans Brown a été extrapolé et parce qu’en carrière, les Celtics sont meilleurs quand JB est sur le terrain. Toujours est-il que cela soulève la question: Jaylen Brown mérite-t-il vraiment un contrat supermax ?

Jaylen Brown mérite-il un contrat supermax ?

Si les chiffres indiquées par ESPN sont exacts, Jaylen Brown sera le troisième joueur le mieux payé en NBA à l’année lors de la saison 2024/2025, derrière LeBron James et Stephen Curry (il ne sera donc pas et sans doute jamais le joueur le mieux payé à l'année en NBA). Évidemment, Brown a profité du nouveau CBA et l’augmentation du Salary Cap pour signer ce contrat si lucratif. Toujours est-il qu’il s’agit d’une somme normalement réservée aux joueurs d’élite de la Ligue. Catégorie dont ne fait pas encore partie Jaylen Brown pour les raisons qui ont été analysées précédemment même s’il n’est, au final, pas si loin d’être un joueur d’élite en attaque et d’être aussi un très bon défenseur. Il y a aussi d’autres raisons qui peuvent expliquer que les Celtics lui aient offert ce contrat en or. 

1) Le voir partir sans contrepartie ? Inconcevable

Sans cette extension de contrat, Jaylen Brown aurait été agent libre la saison prochaine et aurait donc pu partir sans que Boston ait de contrepartie, ce qui était inconcevable pour la franchise qui a développé Brown et a fait de lui un double All Star. Ne pas étendre son contrat aurait aussi été contradictoire avec l'autre gros move de l'intersaison des C's: le trade de Marcus Smart pour récupérer Porzingis. Même s'il a attristé une grande partie des fans des Verts, ce trade est un signe clair que la franchise veut franchir le cap supérieur en entourant le duo Tatum-Brown d’un troisième joueur solide offensivement et qui apporte de la taille à l’équipe, ce qui a été une faiblesse jusque-là.

2) Libérer complètement l'esprit de Jaylen Brown

En offrant ce contrat en or à Brown, Boston indique clairement qu’il croit en lui et qu’il l’apprécie à sa juste valeur. La franchise met ainsi les rumeurs de trade derrière elle et lui assure un avenir à long terme. De plus, la franchise lui a accordé un trade kicker, soit une compensation financière s'il venait finalement à être tradé, ce qui prouve qu'elle le respecte et le considère.

3) Un jeune joueur qui va atteindre son prime à Boston

Brown n’a que 26 ans et vient d’effectuer sa meilleure saison sur le plan statistique. Il a encore une marge de progression et devrait prochainement atteindre son prime. En conservant Brown, les Celtics conservent un joueur All NBA qu’ils connaissent par cœur et ils misent sur la stabilité, chose qui a réussi à des franchises comme Denver ou Miami récemment. Conserver Brown était sans doute pour eux un meilleur choix que de recruter une autre star qu’elle aurait aussi dû surpayer. Voir Jaylen Brown atteindre son prime dans une autre franchise aurait sans doute été trop difficile à accepter pour la clique de Brad Stevens.

Donc au final, même si la somme du contrat est sans doute surévaluée par rapport à la qualité réelle du joueur à l’instant-T, les Celtics n’avaient quasiment pas d’autre meilleur choix. Mais ce choix ne sera pas sans conséquence.

Le pari risqué des Celtics

En offrant un contrat supermax à Jaylen Brown, les Celtics ont considérablement réduit leur marge de manœuvre concernant le reste de l’équipe. Même si le Salary Cap a augmenté en passant à 136 millions de dollars pour la prochaine saison et continuera d’augmenter les saisons suivantes, les règles concernant les équipes qui dépassent ce cap se sont durcies et les Celtics ne pourront pas surpayer plusieurs autres joueurs par la suite. Jayson Tatum, qui est sous contrat avec la franchise jusqu’en 2025-2026, touchera plus de 32 millions de dollars par saison.

Porzingis, qui a déjà étendu son contrat pour deux années supplémentaires, devrait également toucher environ 30 millions de dollars par saison dès 2024. En comptant les autres joueurs sous contrat avec les C’S, la franchise atteindrait déjà plus de 180 millions de salaires en 2024/2025 et payerait la taxe maximale pour dépassement du salary cap. De plus, si on se base sur les contrats actuels, les Celtics n’auraient plus que 5 joueurs dans son effectif en 2025 mais avec déjà quasiment 140 millions de dollars de salaire à verser. Sans compter que Jayson Tatum visera sans doute aussi un contrat supermax en 2026 dont le montant devrait dépasser celui signé par Brown. Ce qui donneront aux Celtics encore moins de marge même si le Salary Cap venait à augmenter drastiquement car avec Brown et Tatum, 70% de la masse salariale devrait être utilisée. 

Comme vous pouvez le constater, la marge de manœuvre des Celtics sera extrêmement fine pour les années à venir et la franchise a fait quasiment ALL IN sur le trio Porzingis-Brown-Tatum pour décrocher le titre à court terme. Autant dire que les dirigeants et les fans des Celtics prient déjà pour que ce trio soit épargné de blessures graves, qui ruineraient totalement le plan à court terme de la franchise. Ce que nous dévoile également ce contrat faramineux de Brown, ce que l’on n’est pas au bout de nos surprises et que des sommes complètement folles vont être atteintes dans les années à venir. Le fait aussi qu’un joueur qui n’est même pas l’option n°1 dans son équipe signe un contrat supermax va donner des idées à d’autres joueurs dans la même situation et leurs agents.

En tout cas, pour Jaylen Brown, cette extension de contrat est une excellente nouvelle. Il va pouvoir retrouver de la sérénité et complètement se concentrer sur son jeu pour continuer à progresser. En conservant son adresse actuelle dans le jeu, Brown n'aurait plus qu'à améliorer drastiquement son adresse aux lancers francs pour être un attaquant d'élite en NBA. Vu sa réussite près du cercle et ses qualités athlétiques, il pourrait être intéressant de le voir davantage utilisé sur les écrans porteurs en tant que poseur d’écran, d'autant plus qu’il représente déjà une menace sur les picks and pop au vu de son adresse extérieure. Même s'il ne sera sans doute jamais un bon playmaker, Jaylen Brown peut considérablement améliorer son rayonnement offensif s’il apprend à forcer un peu moins ses un-contre-un sur jeu placé et à lâcher plus rapidement le ballon sur ses drives. Quant à la défense, ses imperfections sur son jeu sans ballon et ses sautes de concentration peuvent rapidement se gommer mais ça passera aussi par le travail du coach Mazzulla sur les phases défensives.

Jaylen Brown donnera-t-il raison à Boston et tort à ses nombreux détracteurs ? Seul l’avenir nous le dira…

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